De la multiplication des traités thématiques ou régionaux à la prolifération des tribunaux internationaux, il semblerait, à première vue, que le système de droit international soit en train de se fragmenter et de perdre en cohérence. C’est du moins la peur de nombreux membres de la communauté juridique internationale. En témoigne notamment le choix de la Commission du droit international (CDI) d’inclure cette question à l’agenda de ses travaux dès 2000. Les directeurs ont rassemblé une grande variété d’experts, pour la plupart européens, du droit international public afin d’enrichir, notamment en contribuant une analyse empirique, les débats déjà fournis sur la fragmentation et la convergence. Si ces auteurs ne nient pas les forces centrifuges auquel est soumis le système juridique international, ils ont en commun de considérer que le système juridique international actuel est encore largement cohérent. La lecture de l’ouvrage permet de décrire l’étendue des fragmentations et des convergences. Les auteurs s’adressent à la communauté académique et postulent donc que les lecteurs sont déjà familiers avec les principales affaires portées devant la CIJ, en particulier dans le domaine des droits humains. L’angle du droit international des droits de l’homme a en effet été privilégié par les directeurs de l’ouvrage pour analyser la fragmentation et la convergence, car il constitue déjà le principal domaine autour duquel se sont articulés les débats sur ces thèmes. Dans le cadre de leur introduction, les directeurs présentent d’abord les formes de fragmentation, soit la fragmentation substantive (multiplication des régimes et disciplines du droit international), la fragmentation institutionnelle (prolifération des institutions) et la fragmentation méthodologique (fragmentation dans les sources du droit : les traités et la coutume). L’ouvrage est par la suite divisé en deux parties, chacune divisée en deux sections. La première partie s’intéresse au phénomène de la prolifération des cours internationales. La section A est consacrée au rôle changeant des juridictions internationales et à la contribution particulière de la CIJ à la convergence du droit international. La section B étudie les régimes de droit international. Si la diversité dans le droit international est incontestable aujourd’hui, ceci ne signifie pas que le droit est fragmenté ou que cette diversité est négative. Pour Sir Christopher Greenwood, juge à la CIJ, ce qui est important demeure plutôt que cette diversité soit encadrée par des principes communs qui déterminent les sources de l’autorité légale et qui peuvent résoudre les conflits entre les différents organes et institutions juridiques. Ces principes existent selon lui, et la CIJ joue nécessairement un rôle important à cet effet. Antônio Augusto Cançado Trindade, également juge à la CIJ, fait le retour sur l’histoire de la justice internationale et présente une dynamique entre la CIJ et les autres cours et de tribunaux où chacun vient enrichir les travaux de l’autre. Il analyse en exemple comment la CIJ est arrivée à aller au-delà des intérêts proprement interétatiques pour incorporer ceux des justiciables, contribuant à la formation d’un droit international objectif. La scène de l’unité et de la fragmentation étant dressée, les deux chapitres suivants explorent la relation entre le droit international des droits de l’homme et la CIJ. Le chapitre de Sir Nigel Rodley, de l’Université d’Essex et membre du Comité des droits de l’homme des Nations Unies, se concentre sur les organes des traités des droits de l’homme. La cohérence dans le travail effectué par ces organes et la CIJ est particulièrement importante. La CIJ est amenée à statuer dans des affaires qui mobilisent des questions de droits de l’homme non seulement en raison de son statut d’organe judiciaire principal de l’ONU, mais aussi parce qu’elle est, via le mécanisme des clauses compromissoires, l’organe …
Mads Andenas et Eirik Bjorge, dir, A Farewell to Fragmentation: Reassertion and Convergence in International Law, Cambridge, Cambridge University Press, 2015[Record]
LL. M. droit des affaires, Université de Montréal.