Recensions

Gustavo AROSEMENA, Rights, Scarcity, and Justice, Mortsel, Intersentia, 2014[Record]

  • Marc-André Dowd

Avocat, doctorant et chargé de cours à la Faculté de droit de l’Université Laval.

Le respect des droits économiques et sociaux est lié aux décisions des États concernant l’allocation des ressources afin de satisfaire les différents besoins qui existent. Comment les tribunaux internationaux ou nationaux peuvent-ils mieux appréhender, dans une perspective de droits de la personne, les litiges qui mettent en cause ces décisions d’allocations de ressources? Gustavo Arosemena est maître de conférences à l’Université de Maastricht (Pays-Bas) et spécialiste des questions concernant la justiciabilité des droits économiques et sociaux. Dans cet essai, il propose une étude qui vise à évaluer trois différentes stratégies qui s’offrent aux tribunaux pour apprécier les arbitrages effectués par les États : l’approche fondée sur la décision raisonnable, celle de la priorisation et celle reposant sur la démocratie délibérative. Une analyse qualitative comparative amène l’auteur à conclure qu’aucune de ces trois stratégies n’est strictement supérieure, mais que l’approche de la priorisation obtient le meilleur résultat au système de pointage utilisé pour procéder à l’analyse. Pour réaliser cet exercice, Arosemena a identifié cinq valeurs permettant d’évaluer la qualité des trois stratégies comparées : le respect de la primauté du droit, l’efficacité, l’équité, la démocratie et la prise en compte des préoccupations personnelles. Arosemena fait des obligations de bien-être (welfare duties) le point focal de son analyse. À la base des droits de la personne se trouvent des valeurs à promouvoir, cristallisées dans divers textes de droit international ou nationaux qui produisent des conséquences normatives, dont des obligations pour les États. Ce concept lui permet de rejeter l’approche dichotomique d’une scission entre droits civils et politiques, d’une part, et droits économiques, sociaux et culturels, d’autre part, et ce, car les obligations de bien-être peuvent se rattacher aux deux catégories de droits. Il circonscrit l’objet de son analyse comme visant les situations problématiques où l’accès à des biens essentiels (basic goods), tels que le logement ou l’eau, est en cause. Il s’agit alors, pour un tribunal, d’évaluer quel est le niveau adéquat d’aide que chacun est en droit de recevoir, ce qui constitue l’obligation de protection minimale des droits économiques et sociaux de l’État. Une première stratégie examine le caractère raisonnable de l’action de l’État. L’obligation de l’État est celle de fournir les efforts adéquats pour assurer à une personne donnée le respect de l’obligation en cause. Cette stratégie a été initiée par le Comité des droits économiques, sociaux et culturels de l’ONU. Cette évaluation peut s’effectuer selon trois approches : formelle, fonctionnelle et substantive. L’approche formelle s’intéresse davantage à la cohérence des actions de l’État et aux questions de bonne gouvernance : la transparence et la planification de l’action gouvernementale. Dans l’approche fonctionnelle, l’analyse est axée sur la comparaison avec la situation passée : pour une période donnée, est-ce que la situation de l’État a progressé, stagné ou régressé? Cette approche est implicitement celle retenue par le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. L’approche substantielle comprendra, de plus, une analyse du contenu même du droit : est-ce que le fait de ne pas donner accès à un contenu de base de cette obligation de bien-être est raisonnable? La réparation sera souvent de nature systémique et consistera à forcer la modification de la conduite gouvernementale jugée déraisonnable. Une deuxième stratégie, la priorisation, consiste à déterminer, d’une façon claire et assez rigide, quelle part de l’obligation de bien-être mérite une complète protection judiciaire. Il s'agira du contenu prioritaire. Le reste sera considéré comme le contenu périphérique, relevant du domaine politique. Le tribunal est alors responsable d’assurer le respect du contenu prioritaire de l’obligation, pour tous les sujets de droit visés, indépendamment des contraintes économiques, …

Appendices