
Special Issue, April 2007 Hommage à Katia Boustany Sous la direction de Geneviève Dufour, François Crépeau, Daniel Dormoy, Anne-Marie La Rosa and Pierre Mackay
Table of contents (21 articles)
Préface et hommages
Études : en hommage à la professeure Katia Boustany
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LA DÉFINITION DU TERRORISME ET LE DROIT INTERNATIONAL HUMANITAIRE
Marco Sassòli and Lindy Rouillard
pp. 29–48
AbstractFR:
Cet article analyse tout d’abord dans quelle mesure un acte terrorisme peut être qualifié de conflit armé et ainsi se voir appliquer les règles du droit international humanitaire (DIH). Nous examinerons alors comment, dans un véritable conflit armé, le DIH interdit les actes qui pourraient raisonnablement être qualifiés d’actes terroristes. La réflexion se portera ensuite sur la relation entre conflits armés, DIH et instruments juridiques anti-terroristes. À cet égard, trois questions centrales doivent être soulevées : premièrement, doit-on inclure ou exclure de la définition du terrorisme des actes commis durant les conflits armés; deuxièmement, est-il nécessaire de se positionner quant à savoir si les actes étatiques tombent sous le coup de cette définition; troisièmement, faut-il établir si la notion de terrorisme doit couvrir uniquement des actes prohibés par le DIH ? Quelle que soit la solution donnée à ces controverses, elle devra se garder de faire référence à la cause soutenue par celui qui commet un acte et plutôt se baser sur les méthodes employées pour faire valoir cette cause. Par ailleurs, les instruments juridiques anti-terroristes ne devraient pas traiter les deux parties à un conflit armé différemment. Il semble également préférable que les actes commis durant les conflits armés et permis par le DIH ne soient pas qualifiés de terroristes, puisque la solution inverse réduirait davantage la volonté des groupes armés de se soumettre au DIH. Finalement, il est suggéré que, de lege ferenda, la notion de terrorisme en temps de paix soit définie par analogie avec ce qui est interdit par le DIH en temps de guerre. Certes, cette approche nécessite encore que certains problèmes juridiques soient clarifiés. Il faudra notamment déterminer qui peut être qualifié de « combattant » et de « civil » en temps de paix. Néanmoins, elle a le mérite de résoudre plusieurs impasses politiques. Or, les discussions actuelles en vue d’une convention générale sur le terrorisme ne vont pas dans ce sens. Au contraire, les négociations sur la définition du terrorisme sont menées par des acteurs de divers horizons qui, malheureusement, se réfèrent au DIH de manière sélective. La lutte contre le terrorisme n’en devient que plus difficile.
EN:
This article first discusses when terrorism can be classified as armed conflict under International Humanitarian Law (IHL). It looks at how terrorist acts committed in a genuine armed conflict are prohibited by IHL. The article then analyzes the relationship between armed conflicts, IHL and anti-terrorism instruments. The basic options for the relation between terrorism and armed conflicts are first either to exclude or to include acts committed in armed conflicts from the definition of terrorism. Second, it is controversial whether state behaviour should be included or excluded from the definition of terrorism. Third, it is controversial if terrorism should only cover acts prohibited by IHL. However those controversies are solved, the solution should not refer to the legitimacy of the cause for which someone is fighting, but to the methods he or she is applying. Furthermore the two sides of a genuine armed conflict should not be treated differently by international anti-terrorism law. Finally, it would be preferable not to criminalize in armed conflicts an act as terrorist if that act is not prohibited by IHL, because such a definition would weaken the incentives to comply with IHL. Finally, it is suggested that, de lege ferenda, it might be useful to define terrorist acts in peacetime by analogy to what is prohibited in wartime. This approach would still necessitate the solution of some legal problems, in particular the determination of who could be considered as a “civilian” and who a “combatant” in peacetime. Such an analogy would however solve many political problems. Current discussions about a comprehensive convention against terrorism do not go into this direction. In this and other discussions about the definition of terrorism, people from very different horizons make the fight against terrorism more difficult by selectively referring to war and IHL.
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QUELQUES RÉFLEXIONS ENTOURANT LA PARTICIPATION DE COMPAGNIES MILITAIRES PRIVÉES AUX CONFLITS ARMÉS
Olivier Delas and Marie-Louise Tougas
pp. 49–61
AbstractFR:
Les compagnies militaires privées font de plus en plus parler d’elles. Malgré le rôle important joué par ces compagnies dans les conflits armés depuis le début des années quatre-vingt-dix, leur statut de même que l’étendue et les limites du rôle qu’elles peuvent jouer demeurent ambigus au regard du droit international. La présence d’acteurs privés capables de changer l’issue de conflits indépendamment de la volonté étatique, voire pour des intérêts privés, de même que l’accroissement d’une certaine dépendance des États envers l’entreprise privée pour l’exécution de fonctions qui leur sont aussi fondamentales que le domaine militaire, semble menacer, ou à tout le moins transformer, les règles traditionnelles relatives à la conduite et au règlement des conflits armés. Cet article explorera succinctement le phénomène des compagnies militaires privées et tentera d’établir des pistes de réflexion quant à leur statut et aux conséquences de leurs activités sur l’ordre juridique international.
EN:
Private military companies are more frequently a subject of discussion. In spite of the increasing part played by these companies in armed conflicts since the beginning of the nineties, their status, as well as the extent of the role they can play, remain ambiguous in regard of international law. The presence of non state actors able to change the issue of conflicts independently of a State’s will, not to say for the benefit of private interests, as well as the increasing dependence of States upon the private sector for the execution of fundamental public functions such as in the military domain, seems to threaten, or at least transform the traditional rules relating to the conduct and the resolution of armed conflicts. This article will briefly explore the phenomenon of private military companies and propose thoughts in regards to their status and consequences of their activities on the international legal order.
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ESQUISSE D’UNE GÉNÉALOGIE DES CRIMES CONTRE L’HUMANITÉ
Mark Antaki
pp. 63–80
AbstractFR:
Dans le but de mieux comprendre la polysémie de l’expression crimes contre l’humanité, cet essai esquisse une généalogie des crimes contre l’humanité en relatant certaines transformations historiques qui ont imbu l’expression de son pouvoir de dire. Cinq transformations y sont soulignées : le déplacement par l’homme de Dieu comme fondement du droit lors de la Révolution française, la transformation de la catégorie médiévale du tyran en criminel contre l’humanité par le biais du procès de Louis XVI, la transformation de la guerre en crime contre l’humanité suite à la dissolution du droit public de l’Europe en droit international, l’émergence d’un droit humain ancré dans la solidarité humaine et permettant l’intervention humanitaire, et la transformation de la charité (amour de Dieu) en humanité ou philanthropie (amour de l’homme) sous-jacente à la transformation du droit de la guerre en droit humanitaire. Ces cinq transformations historiques démontrent que la réduction de l’« homme » à un « homme naturel » rend possible l’articulation des crimes contre l’humanité. En effet, comme le suggère Arendt, il y a une possibilité, consternante, que le discours portant sur l’humanitaire et les droits de l’homme soit un miroir rhétorique et conceptuel de l’expérience des camps de concentration, expérience qui a réduit l’homme à un simple spécimen d’une espèce.
EN:
In order to better understand the multivocality of the expression crimes against humanity, this essay outlines a genealogy of crimes against humanity by relating certain historical transformations that provide the expression with its telling power. Five transformations are underlined: the displacement by man of God as ground of law during the French Revolution, the transformation of the medieval category of the tryant into the criminal against humanity through the trial of Louis XVI, the transformation of war into a crime against humanity following the dissolution of the public law of Europe into international law, the emergence of a law of humanity anchored in human solidarity and permitting humanitarian intervention, and the transformation of charity (love of God) into humanity or philanthropy (love of man) underlying the transformation of the laws of war into humanitarian law. These five historical transformations show that the reduction of "man" to a "natural man" made possible the articulation of crimes against humanity. Indeed, Arendt's thought raises the jarring possibility that the discourse of humanitarianism and human rights is a rhetorical and conceptual mirror to the experience of the concentration camps, which reduced man to a mere specimen of a species.
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LA COMPLICITÉ DE GÉNOCIDE DANS LA JURISPRUDENCE DES TRIBUNAUX PÉNAUX INTERNATIONAUX
Daniel Dormoy and Marina Yetongnon
pp. 81–94
AbstractFR:
En l’absence de définition conventionnelle, la notion de « complicité de génocide » a soulevé des difficultés et divergences d’interprétation au sein de la jurisprudence des deux tribunaux pénaux internationaux (TPI), le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) et le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), notamment en ce qui concerne la mens rea. En effet, alors que certains jugements du TPIR ont considéré la notion de « complicité dans le génocide », telle que prévue aux articles 4 (3)e)/2 (3)e) des deux statuts des TPI comme une forme de participation distincte de celle « d’aide et d’encouragement » au génocide découlant des articles 7 (1)/6 (1), d’autres décisions des deux tribunaux ont plutôt conclu que les éléments de la mens rea de la complicité dans le génocide sont identiques à ceux de l’aide et l’encouragement au génocide. C’est cette dernière approche que semble désormais adopter les décisions récentes des deux juridictions. S’agissant de l’actus reus, alors que la « complicité dans le génocide » exige un acte positif, l’« aide et l’encouragement au génocide » peut prendre la forme d’une omission. Un simple encouragement ou soutien moral apporté à l’auteur principal, comme des déclarations verbales ou même une simple présence en tant que « spectateur approbateur » sur les lieux du crime, peuvent suffire.
EN:
In the absence of a conventional definition, the notion of “complicity in genocide”, specifically regarding mens rea, raised difficulties and divergent interpretations in the jurisprudence from the two International Criminal Tribunals (ICT): the International Criminal Tribunal for the former Yugoslavia (ICTY) and the International Criminal Tribunal for Rwanda (ICTR). In fact, whereas certain decisions of the ICTR considered the notion of “complicity in genocide”, pursuant to article 4 (3)e)/2 (3)e) of the two statutes of the ICT, as a form of participation distinct from one who “aids and abets” genocide, which is based on articles 7 (1)/6 (1); other decisions from the two tribunals concluded instead that the elements of mens rea in “complicity in genocide” is identical to that of “aiding and abetting” genocide. This latter approach seems to be adopted in the recent decisions of the two jurisdictions. With regard to actus reus, where “complicity in genocide” demands a positive act, “aiding and abetting” genocide can take the form of an omission. Simple encouragement or moral support given to a principal actor, such as verbal declarations or even presence as an approving spectator at the scene of the crime, can suffice.
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LA DOCTRINE DE LA RESPONSABILITÉ DU COMMANDEMENT ET LA NOTION DE LIEN DE SUBORDINATION DEVANT LE TRIBUNAL PÉNAL INTERNATIONAL POUR L’EX-YOUGOSLAVIE
Stéphane Bourgon
pp. 95–117
AbstractFR:
À la lumière du succès mitigé des actes d’accusation fondés exclusivement sur l’Article 7(3) du Statut du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, il est pertinent de poser la question à savoir si la doctrine de la responsabilité du commandement, telle que codifiée par cet article, demeure une forme viable de responsabilité pénale individuelle. Au regard inter alia, des Affaires Blaškić, Halilović et Hadžihasanović jugées devant le TPIY, il est établi que la responsabilité du commandement constitue une forme exceptionnelle de responsabilité pénale individuelle dont la viabilité repose sur une interprétation restrictive de ses trois éléments constitutifs, le plus important étant sans contredit l’existence d’un lien de subordination qui fait office d’élément déclencheur de la responsabilité d’un commandant. La preuve exigée de l’existence d’un lien de subordination est également ce qui permet de s’assurer que cette forme singulière de responsabilité pénale ne servira pas de théorie alternative non justifiée en cas d’absence ou d’insuffisance de preuve sur la responsabilité pénale directe d’un commandant. L’existence d’un lien de subordination sera établie par la démonstration que le commandant, au moment des faits : (1) était en mesure d’agir et dans les faits agissait à titre de commandant d’une quelconque unité; et (2) les membres de cette unité se comportaient à son égard comme si ce dernier était leur commandant. La doctrine de la responsabilité du commandement est la pierre angulaire de la mise en oeuvre du droit international humanitaire. À ce titre, elle demeure un mode de responsabilité pénale individuelle viable, pour autant qu’elle soit utilisée à bon escient, ce qui n’est pas nécessairement le cas devant le TPIY.
EN:
In the light of the limited success of indictments based solely on Article 7(3) of the Statute of the International Criminal Tribunal for the former Yugoslavia, the question whether the doctrine of command responsibility, as codified by this Article, remains a viable form of individual criminal responsibility is pertinent. On the basis inter alia of the Blaškić, Halilović and Hadžihasanović cases tried before the ICTY, it is established that command responsibility is an exceptional form of individual criminal liability, the viability of which rests on the strict interpretation of its three essential components, the most important being undisputedly the existence of a superior to subordinate relationship, which triggers the responsibility of a commander. The required proof of the existence of a superior to subordinate relationship is also what allows to ensuring that this peculiar form of criminal responsibility will not serve as an unjustified alternate liability theory in the absence of evidence or the insufficiency of evidence on the direct criminal responsibility of a commander. The existence of a superior to subordinate relationship will be established by demonstrating that the commander, at the time the violation was committed: (1) was able to act and in fact acted as the commander of a unit; and (2) the members of this unit behaved towards him as if he was their commander. The command responsibility doctrine is the corner stone of the implementation of international humanitarian law. As such, it remains a viable form of individual criminal liability, as long as it is used for the right reasons, which is not necessarily the case before the ICTY.
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LE TRIBUNAL SPÉCIAL POUR LE LIBAN FAIT-IL PARTIE DE LA CATÉGORIE DE « CERTAINES JURIDICTIONS PÉNALES INTERNATIONALES » ?
William A. Schabas
pp. 119–131
AbstractFR:
Le Conseil de Sécurité des Nations Unies est en train d’établir un Tribunal Spécial pour le Liban, son quatrième tribunal ad hoc. L’expression « international » n’apparaît pas dans le titre du Tribunal, et il a la compétence du juger les violations du droit libanais. Donc, malgré ses multiples similarités avec les tribunaux ad hoc pour l’ex-Yougoslavie, le Rwanda et Sierra Leone, il est unique sous certains égards. Dans le jugement Yerodia, la Cour internationale de justice a dit qu’il n’y avait pas d’immunité pour les chefs d’États devant « certains tribunaux pénaux internationaux », mais sans spécifier les particularités d’un tribunal pénal international. Elle donna en exemple les tribunaux pour l’ex-Yougoslavie et le Rwanda, ainsi que la Cour pénale internationale. Par la suite, la chambre d’appel du Tribunal spécial pour la Sierra Leone affirma qu’elle tombait également dans la même catégorie. Cet article examine la question à savoir si le Tribunal spécial pour le Liban est un tribunal pénal international au même titre que le autres tribunaux ad hoc.
EN:
The United Nations Security Council is establishing the Special Tribunal for Lebanon, its fourth ad hoc criminal tribunal. The word “international” does not appear in the name of the Tribunal, and it exercises subject matter jurisdiction over violations of Lebanese law. Thus, I though similar in many respects to the ad hoc tribunals for the former Yugoslavia, Rwanda and Sierra Leone, it is unique in some aspects. In the Yerodia judgment, the International Court of Justice said that there was no head of state immunity before “certain international criminal tribunals”, but without specifying the features of an international criminal tribunal. It gave as examples the Yugoslavia and Rwanda Tribunals, and the International Criminal Court. Subsequently, the Appeals Chamber of the Special Court for Sierra Leone claimed that it too ell within the same category. The article examines whether the Special Tribunal for Lebanon is an international criminal tribunal of the same genus as the other ad hoc tribunals.
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LE CONSEIL DE SÉCURITÉ ET LA LUTTE CONTRE LE TERRORISME : DANS L’EXERCICE DE POUVOIRS TOUJOURS PLUS GRANDS ?
Pierre Klein
pp. 133–147
AbstractFR:
Depuis la fin de la guerre froide, et plus encore depuis les attentats du 11 septembre 2001, le Conseil de sécurité des Nations unies joue un rôle de premier plan dans la lutte contre le terrorisme. Si elle concrétise une volonté d’inscrire ce combat dans une perspective clairement multilatérale, cette montée en puissance du Conseil fait également naître un certain nombre de préoccupations. Il en est ainsi, d’une part, en raison du fait que loin de se limiter au rôle d’organe « de police » qui lui avait été donné dans la Charte des Nations unies, le Conseil de sécurité a graduellement cumulé, dans ce contexte, des pouvoirs de nature exécutive, mais aussi judiciaire (comme l’a montré l’affaire Lockerbie), puis législative (ainsi qu’il ressort, en particulier, de l’adoption de la résolution 1373 (2001)). Cette concentration de pouvoirs sans précédent n’a cependant été accompagnée de l’institution d’aucun mécanisme de contrôle digne de ce nom. D’autre part, l’implication croissante du Conseil de sécurité dans la lutte contre le terrorisme a donné lieu à une véritable inflation des qualifications et, au-delà, à une dramatisation extrême de ce type d’événement. Alors qu’il n’avait auparavant jamais qualifié d’actes terroristes spécifiques de menace contre la paix et la sécurité internationales, le Conseil a, à partir de 2001, étendu cette qualification à tous les actes de terrorisme international, avant de l’appliquer à tous les actes de terrorisme quels qu’ils soient. Par la suite, l’organe restreint des Nations unies a considéré que le terrorisme, sous toutes ses formes, constituait « l’une des menaces les plus graves pour la paix et la sécurité ». On peut se demander si, ce faisant, le Conseil ne tend pas à hypertrophier ce phénomène, consacrant ainsi la priorité des préoccupations des plus puissants de ses membres sur celles de la vaste majorité des États pour lesquels les guerres ou les famines continuent à constituer des menaces considérablement plus graves et plus meurtrières que les actes de terrorisme.
EN:
Since the end of the Cold War, and much more since the September 11, 2001 attacks, the United Nations Security Council plays an ever present part in the fight against terrorism. Although it gives shape to the will to write down this battle in a multilateral perspective, this growth in power awakens many concerns as well. This can be explained on the one hand by the fact that far from limiting its role to that of a “police” organ as provided by the United Nations Charter, the Security Council has gradually cumulated, in regards to this question, powers of executive (as can be witnessed in the Lockerbie case) and legislative nature (evidenced in particular by resolution 1373 of 2001). This concentration of power without precedent has however not been balanced by any control mechanism worth mentioning. Furthermore, the growing involvement of the Security Council in the fight against terrorism has lead to an inflation in the use of its power to characterize situations and to an extreme dramatization of this type of event. While in the past it had never characterized terrorist acts as threats to international peace and security, the Council has, since 2001, extended this qualification to all international terrorist acts, before applying it to any type of terrorist act. Subsequently, the Council considered that terrorism, under any form, constituted “one of the most serious threats to peace and security”. One can wonder if, by doing so, the Council does not tend to overemphasize this phenomenon, thus giving priority to the preoccupations of its most influential members over these of the vast majority of states for which war or famine continue to be far more serious and fatal threats than acts of terrorism.
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LE DROIT NUCLÉAIRE CONFRONTÉ AU DROIT DE L’ENVIRONNEMENT : AUTONOMIE OU COMPLEMENTARITÉ ?
Patrick Reyners
pp. 149–186
AbstractFR:
Doit-il nécessairement y avoir un combat dans les relations entre le droit de l’énergie nucléaire et le droit de l’environnement ? Dans plusieurs cercles, on peut très souvent avoir l’impression que la réticence persistante envers l’énergie nucléaire résulte d’un discrédit des règles gouvernant l’utilisation de ce type d’énergie. À ce propos, le souvenir de Tchernobyl – comme l’archétype d’une catastrophe environnementale ayant été gravé dans notre mémoire collective – n’aide certainement pas. Pourtant, cette perception est non seulement injuste, elle est aussi incorrecte au niveau factuel et conceptuel puisque l’intention même du droit national et international concernant l’énergie nucléaire, en tant que lex specialis, est de s’assurer que les diverses applications de cette énergie soient conduites de manière aussi sécuritaire que possible pour le public autant que pour l’environnement. En étudiant le droit de l’énergie nucléaire, on est naturellement porté à en faire la comparaison avec la sphère, certes jeune mais à croissance rapide, du droit environnemental. Ce faisant, l’on pourra se demander à quel point cette dernière est en lien ou puisse éventuellement englober la première, considérant que la finalité de ces deux branches est identique, jusqu’à un certain degré, et qu’elles possèdent beaucoup d’outils juridiques en commun issus. En effet, à travers de ce qui pourrait être qualifié de « pollinisation contrôlée », les deux branches du droit ont emprunté divers principes et concepts (traçabilité des matériaux, principe pollueur-payeur, etc.). Toutefois, un aspect sur lequel le droit de l’énergie nucléaire a encore quelques progrès à faire, tandis que le droit environnemental y excelle, est la promotion des valeurs de transparence et de participation du public aux activités pour lesquelles les prises de décisions ont longtemps été laissées dans les mains des « experts ». Cet aspect présente un important défi, tout spécialement à une époque où les industries et gouvernements parlent de renaissance nucléaire.
EN:
Is there necessarily a fundamental antagonism in the relation between nuclear law and environmental law? One often has the impression that the persistent reticence towards nuclear energy in many circles results in undermining the credibility of the rules governing the use of this source of energy. The lasting memory of Chernobyl – as the archetypal environmental catastrophe – does not help of course. This perception is not only unfair – which is irrelevant – it is factually and conceptually wrong since the very purpose of the international and national nuclear law, as lex specialis, is to ensure that the many applications of nuclear energy are carried out in a manner which is safe for the public and the environment. When studying nuclear law, one is naturally inclined to compare it with the younger but quickly expanding sphere of environmental laws, and wonder to what extent the latter overlaps or may even eventually absorb the former, considering that the finality of both branches is, to a certain degree, identical and that they share many of the same legal tools. Indeed, through what might be qualified as “cross-fertilization process”, each branch has borrowed principles and concepts from the other (traceability of nuclear material, polluter pays principle, etc.). However, an area where nuclear law still has some ways to go, whereas environmental law excels, is in promoting values of transparency and public participation in activities where the decision-making process has long been left to the “experts”. This is an important challenge, especially at a time when industries and governments speak of nuclear renaissance.
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SÛRETÉ NUCLÉAIRE ET ORDRE JURIDIQUE RÉGULATOIRE : QUELQUES OBSERVATIONS SUR LES CONVENTIONS DU 17 JUIN 1994 ET 5 SEPTEMBRE 1997
Pierre Bringuier
pp. 187–198
AbstractFR:
L’étude qui suit se propose d’examiner quelles sont les obligations contractées par la France dans le cadre des conventions sur la sûreté de 1994 et 1997. Entre autres éléments communs, les articles 7 et 8 de la première et 19 et 20 de la seconde convention créent des obligations très semblables : les États parties s’obligent à mettre en place un cadre législatif et réglementaire, d’une part, et à créer ou désigner un organisme de gestion, d’autre part. Si les stipulations définissant le contenu des cadres législatifs et réglementaires ne sont pas identiques, celles prévoyant la création ou la désignation d’un organisme de gestion sont les mêmes d’une convention à l’autre. On peut voir dans cette répétition l’expression d’une nécessaire continuité dans la doctrine de la sûreté qui ne saurait être différente d’un champ à un autre. En 2002, les réformes du secteur nucléaire en France ont donné à penser que les pouvoirs publics considéraient que ces obligations n’allaient pas jusqu’à imposer la création d’une autorité indépendante, délicate dans l’état actuel du droit français. La Loi 2006-686 du 13 juin peut s’analyser sur ce point comme un revirement au moins partiel. La question est donc celle de la portée exacte des stipulations conventionnelles. Il s’agit donc ici de tenter de déterminer si, selon le sens ordinaire des termes employés, les conventions obligent ou non à créer une autorité de sûreté indépendante, auquel cas l’annonce faite par le président de la République ne serait pas autre chose que la mise en oeuvre, par la France, de ses engagements internationaux. On émet ici l’hypothèse que les conventions obligent à mettre en oeuvre un système régulatoire impliquant moins l’indépendance de l’organe que celle de la fonction dont il est investi. Au terme de l’analyse, la conclusion s’impose : c’est bien un « ordre juridique régulatoire » dont les conventions prévoient la mise en place pour assurer la sûreté nucléaire. Comment, dès lors, concilier les exigences juridiques posées par les deux conventions avec celles, contradictoires, du moins potentiellement, du droit français ? C’est cette difficulté que le législateur a incidemment voulu résoudre dans la Loi 2006-686 du 13 juin, en décidant de la mise en place « d’une autorité indépendante chargée du contrôle de la sécurité nucléaire, de la radioprotection et de l’information ».
EN:
The following study offers an examination as to which are France’s obligations pursuant to the conventions on safety of 1994 and 1997. Amongst other common elements, sections 7 and 8 of the first and section 19 and 20 of the second entail very similar obligations: the Parties bind themselves to create a legal framework on the one hand, and create or designate an administrative body on the other. If the provisions defining the contents of the statutory and regulatory frameworks are not identical, the ones providing the creation or designation of an administrative body are the same from one convention to the next. We can understand from this repetition the manifestation of a needed continuity in the doctrine of safety, which couldn’t differ from one field to the next. In 2002, the French reforms in the nuclear sector led to believe that the public offices considered these obligations didn’t go as far as to impose the creation of an independent authority, delicate in the present state of French law. The Loi 2006-686 du 13 juin can be analyzed as a partial turnaround on the question. The remaining question is therefore the one on the exact scope of the conventional provisions. Hence now trying to determine if, according to the ordinary meaning of the words employed, the conventions compel the Parties to create or not an independent security agency, in which case the announcement made the President of France would constitute no less than the enforcement by France of its international agreements. We hereby submit the theory that these conventions bind their signing Parties to implement a regulatory system that entails at the least the independence of the created body and the functions of which it is invested. In the final analysis, a conclusion is sought: it is indeed a “judicial regulatory order” which the conventions make provisions for in order to insure nuclear safety. From this point, how does one reconcile the legal demands imposed by these two conventions, with the potentially contradictory French law? Incidentally, it this difficulty that the legislator planned on settling in the Loi 2006-686 du 13 juin, deciding upon the implementation of a “autorité indépendante chargée du contrôle de la sécurité nucléaire, de la radioprotection et de l’information”.
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LA COUR DE BABEL : ENTRE L’INCERTITUDE SCIENTIFIQUE ET L’INSTABILITE JURIDIQUE – UN CAS D’ANALYSE : L’AFFAIRE MOX
Normand Halde
pp. 199–221
AbstractFR:
La gestion des déchets radioactifs, comme le reste de la normativité nucléaire, fait l’objet d’un cadre juridique international et national et est composée de normes conventionnelles et de soft law. Le cas de Sellafield, site d’une usine MOX, en Angleterre, est analysé dans un contexte national et international. En effet, un parcours interne démontre des différences de perception par les tribunaux britanniques des différents points en litige et notamment de la perception du risque technologique et l’information nécessaire afin de faire un choix sociétal d’une technologique comportant des risques. Dans un cadre international qui comporte des facettes du droit de la mer ainsi que du droit international de l’environnement, les décisions rendues nous portent à arriver à la même conclusion. On constate que les questions fondamentales rattachées au risque technologique et les conclusions apportées par les différentes instances judiciaires au niveaux interne et international nous portent à croire qu’il existe une véritable Cour de Babel où plusieurs langages juridiques sont parlés mais sans toutefois pouvoir définir un langage commun et compréhensible.
EN:
Radioactive waste management, as with the rest of nuclear law, is composed of an hybrid corpus of international norms – both conventional and soft law – and of national legislation. The Sellafield case, site of an MOX plant in England, is analysed both in a national and international context. The review of national case-law highlights the differences of interpretation of British courts on the perception and analysis of technological risk and the relevant information which permits to make an informed societal choice with regard to these risks. In an international context made up of Droit de la mer and international environmental law, decisions have given point to the same conclusion. We can observe that the fundamental questions connected to technological risk and the various conclusions brought about by national and international courts of justice suggest that there really exists a Babel Court in which many legal languages are spoken without being able to identify one as common and comprehensible.
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SITUATED REFLECTIONS ON INTERNATIONAL LABOUR LAW, CAPABILITIES, AND DECENT WORK: THE CASE OF CENTRE MARAÎCHER EUGÈNE GUINOIS
Adelle Blackett
pp. 223–244
AbstractEN:
This article engages the contemporary transformation of international labour normativity by refocusing debates between civil/political rights and economic/social rights on a contextualized discussion on social inequalities. It traces the persistent labour market inequality experienced by one historically marginalized group, the black community in Canada, though the lens of a particularly problematic recent human rights decision. It first contends that efforts to reconceptualize labour law as fundamentally procedural in nature run the risk of undermining attempts to protect the economic and social rights of those most in need of labour law. It adds that neither are economic and social rights a panacea. Instead it suggests that notions of equality and decent work must play a guiding role in rethinking the indivisibility of rights, to ensure that labour law (national and transnational) fulfil both its protection and worker empowerment mandates.
FR:
Cet article traite de la transformation contemporaine de la normativité du droit international du travail en recentrant le débat entre les droits civils et politiques, d’une part, et les droits économiques et sociaux, d’autre part, par une discussion sur les inégalités sociales. Il retrace l’inégalité persistante du marché du travail à l’égard d’un groupe historiquement marginalisé, la communauté noire du Canada, et l’analyse à l’aune d’une décision récente et particulièrement problématique en matière de droits de la personne. Cet article défend l’idée suivant laquelle les efforts de reconceptualisation du droit du travail comme un droit de nature fondamentalement procédurale s’accompagnent du risque de saper les tentatives visant à protéger les droits économiques et sociaux des travailleurs qui en ont le plus besoin. Il suggère plutôt d’employer les concepts phares d’égalité et de travail décent dans la réflexion sur l’indivisibilité des droits, afin d’assurer que le droit du travail (national et transnational) puisse remplir ses mandats de protection et d’outillage des travailleurs.
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LE VERTIGE ET LA SOFT LAW : RÉACTIONS DOCTRINALES EN DROIT INTERNATIONAL
Isabelle Duplessis
pp. 245–268
AbstractFR:
Plusieurs juristes, tant au plan national qu’international, s’interrogent devant l’intensification contemporaine de l’utilisation de formes souples de régulation sociale, regroupées communément sous le qualificatif de soft law. Dans le cadre de la gouvernance mondiale, ce phénomène n’a-t-il pas pour conséquence de rendre indiscernable le droit de la morale, de la politique ou encore de l’économique ? La soft law ne constitue-t-elle pas, dans bien des cas, une stratégie d’évitement du droit déployée par différents acteurs internationaux ? À terme, n’est-elle pas susceptible de dissoudre les obligations juridiques contraignantes ? L’exemple de la Déclaration relative aux principes et droits fondamentaux au travail adoptée en 1998 par l’Organisation internationale du Travail nous permettra de mieux comprendre les fondements du malaise doctrinal perceptible en droit international public depuis la parution de l’article de Prosper Weil sur la normativité relative dans les années quatre-vingt.
EN:
National and international jurists are now questioning themselves about the contemporary intensification of the use of flexible forms of social regulation, collectively re-categorized under the qualifier of soft law. Within the framework of global governance, does this phenomenon result in indiscernible moral, political and even economic laws? Is soft law, in most cases, a strategy used to avoid laws enacted by different international actors? Finally, is soft law able to dissolve restricting juridical obligations? The example of the Declaration on Fundamental Principles and Rights at Work adopted in 1998 by the International Labour Organization allows us to better understand the basics of this recognizable doctrinal malaise in public international law since the publication of the Prosper Weil article on relative normativity in the eighties.
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LE FÉDÉRALISME, OUTIL DE GESTION DE LA COMPLEXITÉ CANADIENNE
François Crépeau
pp. 269–279
AbstractFR:
Un des grands défis de l’Europe du XXIe siècle sera la gestion de sa complexité. D’un côté, la continentalisation progressive fait que les fonctions étatiques se redéploient aux plans régional et européen, de manière à assurer une capacité optimale de décision (par le principe de subsidiarité ou par les décentralisations). D’un autre côté, les sociétés européennes sont diversifiées, ouvertes et mouvantes. L’expérience du fédéralisme canadien contemporain montre à quel point il peut être utile de compter sur l’interaction dynamique de forums politiques nombreux et d’acteurs institutionnels variés pour proposer des solutions innovantes dans le fonctionnement des lieux de coordination. Aussi, l’interdépendance structurelle de la reconnaissance des identités, de la gestion de la diversité et de la protection des droits fondamentaux est une clef centrale dans la conceptualisation de la complexité, au sein d’une démocratie ouverte, inclusive et intégratrice. Le modèle canadien est spécifiquement situé, dans le temps et l’espace, et n’est donc pas exportable tel quel en Europe ou ailleurs. Le fédéralisme, comme modèle de gouvernance multi-niveaux, permet toutefois une gestion de la complexité en favorisant l’expression de la diversité. La protection constitutionnelle active des droits fondamentaux à tous les niveaux gouvernementaux constitue un ciment essentiel de la diversité culturelle et de la pluralité sociale, lesquelles contribuent à forger une identité nationale multiforme. En définitive, et c’est une dimension à laquelle Katia était devenue très sensible, c’est la perception collective que cette « culture des droits » est une véritable source de pouvoir citoyen autant qu’une reconnaissance des identités plurielles qui en permet l’appropriation par les individus et les groupes et qui, ce faisant, assure la promotion de la diversité au coeur du champ politique et juridique canadien. De cela, l’Europe et les pays européens pourraient s’inspirer.
EN:
One of the biggest challenges for Europe in the 21st century will be to manage all of its complexities. On the one hand, progressive continentalization causes official state functions to redeploy at regional and European levels, in an effort to ensure optimum decision-making (by using the principle of subsidiarity or decentralization). On the other hand, European societies are diversified, open and fluid. The experience of contemporary Canadian federalism shows how useful are the dynamic interactions among numerous political fora and various institutional actors, in order to develop innovative decision-making solutions. The structural interdependence of the recognition of identities, the management of diversity and the protection of fundamental rights is a central component of the conceptualization of this complexity within an open, inclusive and integrative democracy. If the Canadian model is specifically situated in time and space and thus not exportable, federalism, as a multi-layered model of governance, offers forms of management of this complexity by favouring the expression of diversity. The active, constitutional protection of fundamental rights at every layer of government is the essential ingredient for cultural diversity and social plurality, both of which contribute to forging a multiform, national identity. Ultimately, a dimension, to which Katia became very sensitive, is the collective perception that this “culture of rights” is a veritable source of citizen power as well as a recognition of plural identities drives its appropriation by the individual and the group and, in so doing, ensures the promotion of diversity at the heart of the Canadian polity. A possible source of inspiration for Europe and the European countries.
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LES OGM À L’OMC : RÉSUMÉ CRITIQUE DU RAPPORT DU GROUPE SPÉCIAL DANS L’AFFAIRE CE – PRODUITS BIOTECHNOLOGIQUES
Geneviève Dufour
pp. 281–311
AbstractFR:
En mai 2003, les États-Unis, le Canada et l’Argentine – les trois plus grands producteurs d’OGM de l’époque – demandaient l’ouverture de consultations avec les Communautés européennes (CE) dans le cadre du mécanisme de règlement des différends de l’OMC. Les trois États se plaignaient de mesures prises tant au niveau communautaire que par certains des États membres des CE à l’égard des produits agricoles et alimentaires issus des biotechnologies modernes. Le 29 septembre 2006, avec beaucoup de retard, le Groupe spécial distribuait un rapport de plus de mille pages. L’auteure offre un résumé sélectif critique des conclusions et recommandations de ce rapport. Plus précisément, l’auteure se concentre sur les conclusions du Groupe spécial relatives à l’Accord sur l’application des mesures sanitaires et phytosanitaires (Accord SPS).
EN:
In May 2003, the United States, Canada and Argentina – the most important GMO’s producers of the time – requested consultations with the European Community. These three countries complained about certain measures taken by the EC and its member States affecting agricultural products and food imports resulting from modern biotechnologies. On 29 September 2006, with much of delay, the Panel’s report was distributed. The author offers a selective summary and criticizes the conclusions and recommendations of the report. More precisely, the author focuses on the conclusions of the Panel relating to the Agreement on the Application of Sanitary and Phytosanitary Measures.