Abstracts
Résumé
Cet article constitue une critique de la décision de la Cour suprême du Canada dans le Renvoi relatif à la sécession du Québec. Cette critique porte essentiellement sur l’utilisation par la Cour des sources du droit international public.
Dans ce Renvoi, le gouvernement du Canada demandait entre autres à la Cour si le Québec avait, en droit international, le droit de procéder unilatéralement à sa sécession du reste du Canada. La Cour conclut par la négative en vertu de deux règles de droit international public : celle du respect de l’intégrité territoriale des États dans le cadre du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, ainsi que celle voulant que la légalité d’une sécession en droit international dépende du droit interne de l’État amputé.
Les auteurs, Geneviève Dufour et Alexandre Morin, critiquent les bases du raisonnement de la Cour suprême en droit international. La Cour fonde son raisonnement sur des instruments de droit international non contraignants, qui n’ont qu’une très faible valeur juridique en droit international. En premier lieu, la Cour démontre l’existence de la règle du respect de l’intégrité territoriale dans le cadre du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes en se référant à la Déclaration du 50e anniversaire des Nations Unies et à l’Acte final d’Helsinki, deux instruments ne comportant aucune obligation juridique contraignante pour les États parties et qui, en cas de sécession, ne seraient nullement opposables à un Québec souverain. Ensuite, la Cour indique que la légalité d’une sécession en droit international est déterminée en fonction de la légalité du processus en droit interne. Cette règle, qui n’existe pas en droit international, est tirée par la Cour d’un passage d’un ouvrage du juge Jennings, de la Cour Internationale de Justice, écrit en 1963. Il appert d’une part que la Cour a fait une mauvaise lecture de Jennings, puisque cet auteur n’a jamais formulé qu’une telle règle existait. D’autre part, on ne saurait conclure à l’existence d’une règle de droit international public uniquement parce qu’un auteur affirme qu’elle existe. Enfin, la Cour indique erronément que la reconnaissance internationale des nouveaux États est assujettie à une série de règles de droit international. La théorie ainsi que la pratique en cette matière nous enseignent plutôt que l’acte de reconnaissance d’un nouvel État est un acte libre, un acte politique qu’on a vainement tenté de ramener au concept d’un devoir.
Les auteurs concluent qu’un tel jugement nuit à la réputation de la Cour suprême du Canada chez les internationalistes et que les neufs juges de cette Cour devraient traiter cette branche du droit avec beaucoup plus de rigueur et de respect.
Abstract
This article analyses the decision of the Supreme Court of Canada in the Reference re Secession of Quebec. Specifically, the article considers the use of Public International Law sources by the Court. In this Reference Case, the Government of Canada asked, among other things, if the province of Quebec had, under International Law, the capacity to proceed with its unilateral secession from the rest of Canada. The court concluded that it could not do so according to international rules regarding the territorial integrity of nation states in the context of the peoples’ right to self-determination, and the rule regarding legality of secession depending on the internal law of the “parent” state.
Here, Geneviève Dufour and Alexandre Morin, criticize the reasoning of the Supreme Court, based on non-constraining tools of International Law, those have only a weak legal value in International Law. First, the Court considers the rule dealing with territorial integrity in the context of peoples' right to self-determination by referring to the Declaration on the Occasion of the Fiftieth Anniversary of the United Nations 1986 C.S.C.E Concluding Document of the Vienna Meeting. These two tools do not create any constraining legal obligation for the States members and, in the case of secession, they would not be set up against a sovereign Quebec. The court then states that the legality of secession in International Law is determined according to the legitimacy of this process in domestic law. The Court draws this rule, one that does not exist in International Law, from a 1963 work by Mr Justice Jennings of the International Court of Justice. The authors contend that the Supreme Court misinterpreted Jennings, because he never even considered such a rule. Even so, one should not conclude the existence of a rule under Public International Law only because one author claims its existence. Finally, the Court mistakenly holds that the international recognition of new States is subject to a series of rules under International Law. In truth the recognition of a new State is a free, political act, that has been unsuccessfully attached to the concept of duty. The authors conclude that the decision discredits the Supreme Court of Canada in the eyes of the international community and Canadian society, and that the Justices should treat this branch of the Law more rigorously and respectfully.