Volume 12, Number 2, 1999
Table of contents (22 articles)
Avant-propos
Études – pratique du droit international privé
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LES LIMITES À LA COMPÉTENCE INTERNATIONALE DES TRIBUNAUX QUÉBÉCOIS
Geneviève Saumier
pp. 1–7
AbstractFR:
Il existe trois moyens pour un défendeur de s’opposer à la compétence internationale des tribunaux québécois. Le défendeur peut prétendre que les faits ne répondent pas aux critères juridictionnels du Droit international privé tels qu’énoncés dans le Livre X du Code civil. Il peut aussi démontrer que bien que le tribunal québécois soit prima facie compétent en vertu du Code civil, il n’existe pas de lien réel et substantiel entre le tribunal et le litige. Finalement, le défendeur peut invoquer le forum non conveniens par l’intermédiaire de l’article 3135 C.c.Q., c’est-à-dire demander au tribunal de décliner l’exercice de sa compétence.
Ces trois moyens doivent être exercés à l’intérieur d’un délai variant selon que la procédure soit ordinaire ou allégée. Dans la voie ordinaire, la règle générale est que la requête en exception déclinatoire soit signifiée, selon les articles 161 et 163 C.p.c. dans les cinq jours de la date prévue pour comparaître, depuis l’arrêt Alimport c. Victoria Transport Ltd. L’incompétence du tribunal québécois relevant d’une clause d’arbitrage ou d’une clause d’élection de for sont cependant des exceptions à cette règle. En procédure allégée, l’article 481.7 C.p.c. prévoit que le défendeur doit proposer ses moyens déclinatoires « dans les dix jours suivant le délai de comparution ». L’arrêt Corporation Internationale Brother c. S.T.D. Systems Inc. indique cependant qu’il ne s’agit pas d’un délai de rigueur, le tribunal pouvant proroger ce délai.
Les différences des régimes de délai applicable selon que l’on se trouve dans une procédure ordinaire ou allégée n’est qu’un des motifs justifiant une révision en profondeur de la procédure à suivre pour s’opposer à la compétence internationale des tribunaux québécois.
EN:
There are three options available to the defendant who opposes the international jurisdiction of Quebec courts. First, the defendant may claim that the facts do not satisfy the jurisdictional criteria set by Private International Law in Book X of the Civil Code of Québec. He can also demonstrate that although the Quebec court is prima facie competent in light of the Civil Code of Québec, there is no real and substantial link between the court and the case. Finally, the defendant can invoke forum non conveniens through article 3135 of the C.C.Q., thereby requesting that the court decline jurisdiction.
The three alternatives outlined above are available to the defendant within a varying time limit depending on whether it is an ordinary or simplified procedure. With respect to the ordinary procedure, since the decision of Alimport v. Victoria Transport Ltd, the general rule is that the request by which a defendant tries to demonstrate the incompetence of the jurisdiction that the plaintiff had chosen, must be done in accordance with articles 161 and 163 of C.C.P within five days of the date set for the appearance. The incompetence of the Quebec court relatively to arbitration or “choice of court” clauses are therefore exceptions to that rule. In a simplified procedure, article 481.7 C.C.P provides that the defendant must present, “within ten days following the time of appearance”, his declinatory exemptions. The Corporation International Brother v. S.T.D. Systems Inc. decision shows, however, that this time limit is not imperative, the court having the possibility to extend it.
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THE NIGHTMARE OF LITIGATING IN MULTIPLE FORA
Christopher Richter
pp. 9–22
AbstractEN:
In his text Christopher Richter describes how Quebec courts determine their jurisdiction over commercial disputes. The author notes that while the rules and concepts found in the Civil Code of Quebec, the Code of Civil Procedure, international agreements, and Quebec jurisprudence appear at first glance to be straightforward, their application in combination often creates uncertainty.
He explores concepts affecting jurisdiction, like connexity or domicile, and how the practical application of these concepts becomes difficult when the conflicting and evolving jurisprudence and legislation are considered. The author provides, however, more than a basic definitional analysis of the aspects influencing jurisdiction; he creatively posits how the conflicting rules, if manipulated carefully, can work flexibly to achieve a desired jurisdiction. To this end Christopher Richter considers several Quebec cases where the courts reached varying conclusions on the appropriateness of their jurisdiction based upon analyses of the alternating narrow and broad legislative rules (for example as between real and personal actions).
FR:
Dans son texte, Christopher Richter décrit les mécanismes utilisés par les cours québécoises afin de déterminer leur compétence relativement à des litiges commerciaux. L’auteur note que, bien que les règles et concepts trouvés dans le Code civil du Québec, le Code de procédure civile, les conventions internationales et la jurisprudence québécoise paraissent clairs à première vue, leur mise en oeuvre combinée est souvent génératrice d’incertitude.
Il explore des concepts affectant la compétence, tels la connexité ou le domicile, et comment l’application pratique de ces concepts devient difficile lorsque l’on tient compte d’une jurisprudence en développement et contradictoire ainsi que de la législation. Toutefois, l’auteur fait plus qu’analyser la définition des éléments influençant la compétence. Il examine de façon créative comment ces règles contradictoires, si elles sont manipulées avec précaution, peuvent fonctionner avec flexibilité de manière à obtenir la compétence recherchée. À cette fin, Christopher Richter étudie plusieurs arrêts québécois dans lesquels les cours sont parvenues à des conclusions différentes relativement au caractère opportun de leur compétence, en se basant sur l’analyse de règles législatives tantôt restrictives tantôt libérales (par exemple entre des actions réelles et personnelles).
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FORUM NON CONVENIENS
S. Donald Gonson
pp. 23–32
AbstractEN:
The United States forum non conveniens doctrine refers to the discretionary power of the court to decline jurisdiction when the convenience of the parties would be better served if the action was brought and tried in another forum. It is a flexible doctrine in that the ultimate resolution will depend of the particular facts of each case. The two-pronged United States forum non conveniens analysis places the burden of proof on the defendant to show the “availability” and “adequacy” of an alternate forum, and that the balance of relevant private and public interest factors favors dismissal. Such an analysis applied to the facts as found by the court in the Cambior decision reveals both the availability and adequacy of Guyana as an alternate forum. The available remedies to the plaintiff, although less extensive, would not be sufficient to find Guyana inadequate, nor would differences in procedural law between the two jurisdictions. Upon comparison with the Union Carbide case, it is apparent that private and public interest factors in Cambior are better served in Guyana. Thus, in light of Union Carbide, it seems that where Cambior first lodged in the United States, it would have been dismissed in favor of Guyana.
FR:
Aux États-Unis, la doctrine du forum non conveniens fait référence au pouvoir discrétionnaire que possède le tribunal de décliner sa compétence dans le cas où l’intérêt des parties serait mieux servi si l’action était entendue devant un autre forum. Il s’agit d’une doctrine assez flexible car la décision finale dépendra des faits propres à chaque espèce. L’analyse américaine du forum non conveniens place le fardeau de la preuve sur le défendeur qui devra démontrer d’une part la « disponibilité » et d’autre part la « l’opportunité » du choix d’un forum alternatif, et que la balance des intérêts publics et privés pertinents favorise le rejet de l’action. Cette analyse appliquée aux faits établis par le tribunal dans l’affaire Cambior, montre à la fois la disponibilité et l’opportunité de la Guyana comme forum alternatif. Les remèdes à la disposition du demandeur, bien que moins complets, ne seraient pas suffisants pour trouver la Guyana inadéquate, pas plus que les différences procédurales entre les deux juridictions. En comparaison avec l’affaire Union Carbide, il est apparent que les intérêts publics et privés sont mieux servis en Guyana. Ainsi, à la lumière de l’affaire Union Carbide, il semble que si l’affaire Cambior avait été initialement intentée aux États-Unis, elle aurait été rejetée en faveur de la Guyana.
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L’AFFAIRE BRE-X ET LES RECOURS COLLECTIFS TRANSFRONTALIERS
H. Patrick Glenn
pp. 33–45
AbstractFR:
La question des recours collectifs a suscité beaucoup d’intérêt auprès des tribunaux et du législateur. Les recours collectifs transfrontaliers et conccurents posent des problèmes d’ordre géographique et juridique en Amérique du Nord. C’est une question qui doit être traitée à un niveau international. Il est en conséquence important de déterminer la compétence du tribunal saisi du litige. Le problème de compétence ratione personae se pose lorsque des actes sont commis dans deux pays différents, comme les États-Unis et le Canada, et que le recours collectif est intenté aux États-Unis par toutes les parties ayant subis un préjudice. La compétence ratione personae sera établie à l’égard d’un défendeur pour des actes commis dans des provinces autres que sa province de résidence. Par contre, elle ne le serait pas si les recours collectifs proviennent d’autres provinces. En plus de la détermination de la compétence du tribunal, il faut également vérifier la procédure suivie. Le problème posé par les classes transfrontalières en matière de recours collectif se situe principalement au niveau de la difficulté à communiquer avec tous les membres. L’autre point important à considérer dans ce type de recours consiste à déterminer la loi applicable au fond du litige. Comme il n’existe pas de règles de droit international privé spécifiquement prévues pour les recours collectifs, il est nécessaire de suivre les règles du droit international privé de chaque province pour déterminer si une action est bien fondée ou non. Vu les nombreuses difficultés qui entourent les recours collectifs au niveau national, il n’est pas surprenant d’être confronté à des questions encore plus complexes dans le cadre de recours collectifs transfrontaliers. On se rend compte toutefois, que les motifs de non reconnaissance d’un jugement étranger portant sur un recours collectif sont les mêmes que sur le plan interne, et découlent de principes essentiels de procédure.
EN:
Class actions have generated significant interest among the courts and the legislatures. Of particular concern are the geographical and legal difficulties that cross border class actions present in North America. This subject requires treatment on an international, as opposed to a domestic scale. Of primary importance is a consideration of the competence of the tribunal presiding over the dispute. The issue of competence ratione personae arises when acts are committed in two different countries, such as Canada and the United States, and the class action is founded in the latter country by the injured parties. The ratione personae competence will be recognized for a defendant who commits acts in provinces other than his/her province of residence. However, it will not be recognized for class actions originating in other provinces. In addition to the question of competence of the tribunal, there must also be a consideration of the procedure to be followed by the tribunal. Cross-border class actions are problematic primarily because of the geographical difficulties posed in attempting to communicate with all of the members. Another important issue concerns the question of the applicable law for the class action. As there are no private international law specifically designed for such actions, the private international law of each province must govern and be used to determine whether an action is well-founded or not. Given the large number of challenges that class actions present at the domestic level, it is not surprising to discover more complex questions that occupy the international ambit. However, we realize that the reasons for not recognizing foreign judgment regarding class actions are the same as the domestic level. These refusals derive in fact from procedural principals.
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THE NEW CHOICE OF LAW RULES IN TORTS: THE AFTERMATH OF TOLOFSON V. JENSEN; LUCAS V. GAGNON
John Swan
pp. 47–72
AbstractEN:
The recent cases of Tolofson v. Jensen and Lucas v. Gagnon have again brought the problem of the Conflict of Laws to the forefront of Canadian law. The structure of Canadian conflict of laws analysis dictates that when there is an issue of foreign law, it must be characterized as either a substantive or procedural question. In the former case, further characterization into category of law is required, e.g. whether it is a contracts or a torts question. In the latter case, the lex fori, or the law of the forum applies. In Tolofson/Gagnon, the Supreme Court decided not only that questions of limitation period are questions of substance rather than procedure, but also that the choice of law rule in torts is that of lex loci delicti, i.e., the law of the place of the wrong determines the rights and obligations of the parties. The article addresses the choice of law aspects of the Tolofson/Gagnon decision and the form of the rule, the ability to justify its application and the general structure of conflict analysis. The court's reasons for the choice of law rule were simplicity and certainty, and respecting the limits on provincial powers. It is argued that the adoption of the rule was unexpected, and it was followed neither in Canada, nor in the U. S.. The Ontario case of Hanlan v. Sernesky demonstrates that the lex loci delecti rule will not provide certainty because in cases where lex loci leads to injustice, the judge has discretion to apply the lex fori. The author maintains that while the facts and reasons of Hanlan cannot be distinguished from Tolosfon/Gagnon, the two cases came to opposite results.
Given the uncertainty created by the structure of conflict analysis, "escape devices" have been adopted by English, French, Canadian and American courts to avoid the application of the law "selected" by the choice of law rule. The first device discussed was to adjust the characterization of the question, so that for example, it would be examined as a contracts or family law question rather than a torts one. The characterization of the question is particularly important because every question must be answered by the same choice. Another device is the use of the doctrine of renvoi which includes in the conflict analysis, the choice of law rule of the foreign law. Tolofson/Gagnon is hard to reconcile with other SCC cases such as Morguard, Moran and Amchem, as the former denies the development that the SCC can oversee litigation with a foreign element and ensure that Canadian values are represented. The author clearly indicates that he is unhappy with this situation and that he hopes for a quick change in the Canadian case law.
FR:
Les récents arrêts Tolofson v. Jensen et Lucas v. Gagnon ont remis les problèmes de conflit de lois à l’avant scène du droit canadien. En droit canadien, la structure de l’analyse du conflit de lois exige que, lorsque l’on est confronté à une question de loi étrangère, celle-ci doit être qualifiée comme une question de substance ou de procédure. Dans le premier cas, une qualification plus approfondie est requise quant à la catégorie de loi, à savoir s’il s’agit d’une question de nature contractuelle ou délictuelle. Dans le deuxième cas, la lex fori, ou la loi du for, s’applique. Dans Tolofson/Gagnon, la Cour suprême a décidé non seulement que les questions de prescription sont des questions de substance et non de procédure, mais également que la régie de conflit applicable à la responsabilité délictuelle est celle de la lex loci delicti, c’est-à-dire que c’est la loi du lieu où la faute a été commise qui détermine les droits et les obligations des parties. L’article aborde les aspects de la règle de conflit utilisée dans Tolofson/Gagnon ainsi que la forme de la règle, la capacité à justifier son application et la structure générale de l’analyse du conflit. Les motifs de la cour pour le choix de la règle de conflit étaient la simplicité, la certitude ainsi que le respect des limites des compétence provinciales. On prétend que l’adoption de cette règle était inattendue et qu’elle n’a été suivie ni au Canada, ni aux États-Unis. L’arrêt ontarien Hanlan c. Sernesky démontre que la règle de la lex loci delicti n’engendre pas de certitude parce que dans les arrêts où la lex loci entraîne une injustice, le juge garde la discrétion d’appliquer la lex fori. L’auteur soutient que bien que les faits et raisonnements de Hanlan ne puissent être distingués de ceux de Tolofson/Gagnon, les deux arrêts sont arrivés à des résultats opposés.
Étant donné l’incertitude générée par l’analyse de la structure des conflits de lois, des « dispositifs d’évitement » ont été adoptés par les cours anglaises, françaises, canadiennes et américaines afin d’écarter l’application de la loi déterminée par la régie de conflit. Le premier dispositif examiné a été l’ajustement de la qualification de la question de sorte que, par exemple, elle soit examinée comme une question de nature contractuelle ou de droit de la famille et non comme une question de nature délictuelle. La qualification de la question est particulièrement importante parce que chaque question est soumise à la même régie. Un autre dispositif utilisé est la doctrine du renvoi qui intègre dans l’analyse du conflit, les régies de conflit contenues dans la loi étrangère. Il est difficile de réconcilier Tolofson/Gagnon avec d’autres arrêts de la Cour suprême tels que Morguard, Moran et Amchem, puisqu’il nie le développement selon lequel la Cour suprême du Canada a droit de regard sur les litiges ayant un élément étranger afin de s’assurer que les valeurs canadiennes soient représentées. L’auteur exprime clairement son mécontentement à ce sujet tout en espérant un revirement rapide de la jurisprudence.
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THE PROPOSED HAGUE CONVENTION ON JURISDICTION, RECOGNITION AND ENFORCEMENT OF JUDGMENTS
Bradbrooke Smith
pp. 73–77
AbstractEN:
A new international agreement on juridiction and foreign judgments in civil and commercial matters is needed because the Hague Convention of 1971 has proven unworkable. The Brussels Convention of 1968 and the Lugano Convention of 1988 were helpful in resolving jurisdictional issues in the European context, but because of the lack of reciprocity in the european approach, even though North American courts have a liberal approach towards the recognition of foreign judgements, North American judgements are at a disadvantage before European courts. The United States’ initiative in promoting a consistent international approach to the enforcement of foreign judgments may lead to a new Hague Convention.
The author discusses procedures of the Hague Conference on Private International Law and the work of the Special Commission, which is charged with the task of working up a draft text for a new judgments convention. The author’s view is that decisions made at the Hague Conference will have real impacts on the practice of international lawyers and their clients. He identifies key members of the Canadian delegation to the Special Commission and encourages practitioners to contact the members so their concerns and ideas will be considered during the drafting process of the convention.
FR:
Un nouvel accord international concernant la compétence et les jugements étrangers en matière civile et commerciale est nécessaire compte tenu de l’échec de la Convention de La Haye de 1971. La Convention de Bruxelles de 1968 ainsi que la Convention de Lugano de 1988 ont aidé à résoudre les problèmes de compétence et de reconnaissance dans le contexte européen, mais à cause de l’absence de réciprocité de l’approche européenne, même si les tribunaux nord-américains ont adopté une approche libérale envers la reconnaissance des jugements étrangers, les jugements nords-américains se trouvent désavantagés devant les tribunaux européens. L’initiative des États-Unis de promouvoir une approche internationale cohérente pour la reconnaissance des jugements étrangers pourrait mener à une nouvelle Convention de La Haye.
L’auteur discute de la procédure de la Conférence de La Haye sur le droit international privé et du travail de la Commission spéciale, chargée de rédiger un avant-projet pour la nouvelle convention sur les jugements. L’auteur est d’avis que les décisions qui ont été prises à la Conférence de La Haye auront un impact important sur les avocats pratiquant le droit international ainsi que leurs clients. Il identifie les membres-clés de la délégation canadienne à la Commission spéciale et encourage les praticiens à les contacter afin que leurs préoccupations et leurs idées soient prises en considération pendant le processus de rédaction de la nouvelle convention.
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COMPÉTENCE JUDICIAIRE ET COMPÉTENCE ARBITRALE : ANALYSE DE LA JURISPRUDENCE RÉCENTE AU QUÉBEC
Alain Prujiner
pp. 79–98
AbstractFR:
Depuis la Convention de New York en 1958, le régime juridique de l’arbitrage a constamment évolué. Ce mode de résolution des litiges a nécessité l’adoption de législations dans l’ensemble des provinces et des territoires du Canada, en plus du Parlement fédéral. Cet article présente l’attitude favorable des tribunaux et des particuliers envers l’arbitrage. L’utilisation accrue de l’arbitrage ne s’est toutefois pas faite sans heurts particulièrement en ce qui a trait à la détermination de la compétence des juges et des arbitres. L’auteur analyse cinq jugements qui illustrent bien les problèmes concrets auxquels le monde judiciaire doit encore faire face. Finalement, l’auteur porte un regard critique sur la situation actuelle tout en proposant des modifications qui permettraient de clarifier les compétences judiciaires et arbitrales.
EN:
Since the 1958 New York Convention, the judicial regime at the arbitration level has been constantly evolving. This mode of alternative dispute resolution required the adoption of new laws by all Canadian provinces and territories as well as by the federal parliament. This article presents the positive attitude adopted by courts and individuals towards arbitration. Increased use of arbitration methods was not done without difficulty especially with respect to jurisdiction matters concerning judges and arbitrators. The author analyses five different decisions illustrating concrete problems that the judicial world still faces. Finally the author brings a critical view to the actual situation and proposes some changes that would clarify the jurisdiction of both judges and arbitrators.
Études
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LA CRÉATION DE LA COUR AFRICAINE DES DROITS DE L’HOMME ET DES PEUPLES : MÉCANISME EFFICACE DE PROTECTION DES DROITS DE L’HOMME ?
Olivier Delas and Eugène Ntaganda
pp. 99–124
AbstractFR:
La Charte africaine des droits de l’homme et des peuples se distingue des autres instruments internationaux. Elle proclame non seulement des droits, mais également des devoirs, tant sur le plan individuel que collectif. Le contrôle de cette Charte est confié à une Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, qui est l’organe principal de la Charte. Cependant, vingt ans après son adoption, la Charte africaine ne permet pas encore une mise en oeuvre effective des droits de l’Homme sur le continent africain.
L’OUA a adopté un projet de protocole à la Charte africaine dont le but est de créer une véritable Cour. Néanmoins, cette méthode comporte des lacunes institutionnelles en ce qui concerne le mécanisme des garanties procédurales. Les auteurs relèvent non seulement les insuffisances de la Commission, mais également les lacunes sur le statut de la Cour. Ils dégagent les possibilités de ce nouveau mécanisme tout en déterminant les limites intrinsèques et opérationnelles qui peuvent occasionner une entrave à l’efficience du mécanisme de protection.
EN:
The African Charter on human and peoples’ rights is distinguishable from other international instruments. It asserts not only the rights, but also the duties, on both the individual and society. Its control is conferred on the principle organ of the Charter, an African human rights commission. Nevertheless, twenty years after its adoption, the African Charter does not yet permit a practical application of human rights on the African continent.
The OUA is currently has adopted a draft protocol, the goal of which is to create a court for the application of the African Charter. Nevertheless, this method has serious institutional problems with respect to the mechanism for procedural guaranties. The authors consider not only the Commission’s flaws in this respect, but also the deficiencies of the Court’s statute. The authors analyse the potential of this new mechanism while addressing the intrinsic and operational limits the totality of which could become a serious obstacle to the protective mechanism’s efficiency.
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SÉCURITÉ HUMAINE ET PUISSANCE DE LA PERSUASION : LA CONFÉRENCE DE ROME SUR LA COUR PÉNALE INTERNATIONALE
Philippe Kirsch and Darryl Robinson
pp. 125–142
AbstractFR:
Cet article s’intéresse à la création de la Cour criminelle internationale. Tout d’abord, les auteurs abordent le sujet par un bref historique des travaux préparatoires qui démontrent la grande complexité des questions abordées qui mèneront à la Conférence de Rome. Celle-ci est ensuite présentée à la lumière de deux grands problèmes : l’ampleur de la tâche et le caractère politique des questions soulevées. En effet, trois grands blocs de participants aux idées divergentes s’étaient formés : les « pays pilotes », les membres permanents du Conseil de sécurité et le MNA (Mouvement des pays non alignés). De plus, les ONG ont eu un impact important sur le résultat de la conférence. Dans le Statut adopté, on note que la Cour aura compétence sur les crimes de nature internationale les plus graves, nommément le génocide, les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre. De plus, la Cour présente un caractère complémentaire avec les systèmes judiciaires nationaux déjà existants. La procédure, quant à elle, peut être entammée par un État partie, par le Conseil de sécurité ou par le procureur de la Cour. L’acceptation de la compétence doit être donnée soit par l’État dont l’accusé a la nationalité soit par celui sur le territoire duquel le crime a été commis. Toutefois, le Statut prévoit une acceptation automatique des États parties, sous réserve d’une disposition transitoire. Le Conseil de sécurité peut lui renvoyer des situations et demander la coopération des États membres de l’ONU. Enfin, le Statut englobe des aspects humanitaires importants, notamment l’équité entre les sexes et la protection des enfants.
Les auteurs observent que malgré qu’il ne soit pas parfait, le Statut s’avère un instrument équilibré et libellé en termes suffisament forts pour garantir le fonctionnement efficace de la Cour, les objectifs des délégations sont ainsi, pour la plupart, atteints en ayant obtenu un appui massif. De plus, les auteurs notent l’efficacité de la puissance de la persuasion, le rôle de la société civile et la tendance à la promotion de la sécurité humaine. En effet, la compétence de la Cour sera bien plus vaste que ce que prévoyait les textes des travaux préparatoires.
EN:
This article considers the creation of an International Criminal Court. The authors first tackle the subject by conducting an historical survey of the preparatory work which demonstrates the massive complexity of the questions considered which were to be considered at the Rome Conference. The authors’ discussion is furthered by the contemplation of two weighty issues: the intensity of the task and the political character of the questions at issue. In effect, three major groups of diverging ideas were found: the ‘pilot countries’, the permanent members of the Security Council and the NAM (Non Aligned Movement). Furthermore, the NGO’s had a substantial impact on the outcome of the conference.
In the adopted Statute, one notes that the Court will have competence over international crimes the nature of which are the most serious; notably genocide, crimes against humanity, and war crimes. Furthermore, the Court plays a complementary role with the legal Systems already existing at national levels. The Court will consider a case at the request of a party State, the Security Council or by the Court prosecutor. The acceptance of the Court’s jurisdiction must be given either by the State to which the accused is a citizen or by the state of the territory where the crime was committed. Nevertheless, the Statute foresees automatic acceptance by party States, under condition of a transitory disposition. The Security Council can send certain disputes to the Court and can order the co-operation of United Nations member states. Finally, the Statute includes important humanitarian aspects, notably gender equality and the protection and rights of children.
Notwithstanding its imperfections, the authors consider the Statute a well-balanced and equitable instrument that is sufficiently strong to guarantee the efficient functioning of the Court; the objectives of the delegations are therefore, for the most part, attained in having achieved a massive support. Furthermore, the authors note the efficacy of the power of persuasion, the role of civil society and the tendency toward the promotion of human security. In effect, the Court will have vast competence because that is what the preparatory texts foresaw.
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LA DISSÉMINATION DES ORGANISMES GÉNÉTIQUEMENT MODIFIÉS (OGM) ET LES DROITS HUMAINS ; LE PRINCIPE DE PRÉCAUTION, UN CADRE PROMOTEUR DES DROITS ET LIBERTÉS ?
Sylvestre-José-Tidiane Manga
pp. 143–173
AbstractFR:
Cet article fait état des droits de la personne face à la dissémination des OGM, en droit interne et international, et relate les craintes du consommateur.
Les applications du génie génétique dans l’agriculture et l’alimentation font l’objet d’une vive controverse à cause de la faiblesse des connaissances scientifiques et de l’évidence du risque, pour les organismes génétiquement modifiés (OGM), de causer la maladie. A cet effet, l’auteur parle du potentiel nocif de ces aliments en matière d’allergènes et d’antibiotiques. En plus de ces dangers pour la santé, les OGM risquent de causer des torts à la diversité biologique par la pollution génétique et le risque d’effets adverses sur l’environnement. De plus, ces craintes se renforcent par l’aveu de l’industrie de l’existence de ce potentiel de risque.
Ainsi, les intérêts de l’industrie biotechnologique et de certains pouvoirs publics, à l’égard des applications du génie génétique dans le secteur agroalimentaire, supposent aux dispositions de certains instruments relatifs aux droits de la personne. Comme droits fondamentaux, il s’agit du droit à la santé, du droit à la préservation de l’écosystème et du droit au libre choix du consommateur. En réponse à ces droits, cet article traite du rôle plus important que devrait avoir l’État, par rapport à celui de l’industrie, dans l’évaluation des risques et au niveau de l’étiquetage clair des produits transgéniques. Ce rôle cependant ne se matérialise pour l’instant que par un engagement timide des autorités publiques. Le principe de précaution y est en conclusion présenté comme étant promoteur d’un cadre normatif respectueux des droits et libertés.
EN:
The subject of this article concerns human rights with respect to the dissemination of genetically modified organisms (GMOs) in terms of both internal and international law, in addition to a discussion of consumer fears.
The use of genetic engineering in agriculture and the food industry is a very controversial issue, due in part to an incomplete understanding of the technology at the scientific level, and partly because of the apparent risk that GMOs pose in causing disease. In particular, the author discusses the potential harmful effects of these organisms in terms of allergens and antibiotics. Coupled with the health risk that GMOs present, the author highlights the serious and very real potential of GMOs to threaten biological diversity through “genetic pollution.” This fear is only amplified by the admission of relevant industries of the existence of this potential.
Thus, the interests of the biotechological industry and certain public authorities, with respect to applications of genetic engineering in the agricultural industry, depend on certain human rights. These fondamental rights include the right to health, preservation of the ecosystem and the right of freedom of choice for the consumer. Concerning these rights, this article suggests an increased participation by the State, with respect to the industry, in the evaluation of risks and the clear labeling of transgenic products. Presently, this role has not been extended beyond a timid participation of public authorities.
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LE RENVOI RELATIF À LA SÉCESSION DU QUÉBEC : CRITIQUE DU TRAITEMENT QUE FAIT LA COUR SUPRÊME DU DROIT INTERNATIONAL
Geneviève Dufour and Alexandre Morin
pp. 175–195
AbstractFR:
Cet article constitue une critique de la décision de la Cour suprême du Canada dans le Renvoi relatif à la sécession du Québec. Cette critique porte essentiellement sur l’utilisation par la Cour des sources du droit international public.
Dans ce Renvoi, le gouvernement du Canada demandait entre autres à la Cour si le Québec avait, en droit international, le droit de procéder unilatéralement à sa sécession du reste du Canada. La Cour conclut par la négative en vertu de deux règles de droit international public : celle du respect de l’intégrité territoriale des États dans le cadre du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, ainsi que celle voulant que la légalité d’une sécession en droit international dépende du droit interne de l’État amputé.
Les auteurs, Geneviève Dufour et Alexandre Morin, critiquent les bases du raisonnement de la Cour suprême en droit international. La Cour fonde son raisonnement sur des instruments de droit international non contraignants, qui n’ont qu’une très faible valeur juridique en droit international. En premier lieu, la Cour démontre l’existence de la règle du respect de l’intégrité territoriale dans le cadre du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes en se référant à la Déclaration du 50e anniversaire des Nations Unies et à l’Acte final d’Helsinki, deux instruments ne comportant aucune obligation juridique contraignante pour les États parties et qui, en cas de sécession, ne seraient nullement opposables à un Québec souverain. Ensuite, la Cour indique que la légalité d’une sécession en droit international est déterminée en fonction de la légalité du processus en droit interne. Cette règle, qui n’existe pas en droit international, est tirée par la Cour d’un passage d’un ouvrage du juge Jennings, de la Cour Internationale de Justice, écrit en 1963. Il appert d’une part que la Cour a fait une mauvaise lecture de Jennings, puisque cet auteur n’a jamais formulé qu’une telle règle existait. D’autre part, on ne saurait conclure à l’existence d’une règle de droit international public uniquement parce qu’un auteur affirme qu’elle existe. Enfin, la Cour indique erronément que la reconnaissance internationale des nouveaux États est assujettie à une série de règles de droit international. La théorie ainsi que la pratique en cette matière nous enseignent plutôt que l’acte de reconnaissance d’un nouvel État est un acte libre, un acte politique qu’on a vainement tenté de ramener au concept d’un devoir.
Les auteurs concluent qu’un tel jugement nuit à la réputation de la Cour suprême du Canada chez les internationalistes et que les neufs juges de cette Cour devraient traiter cette branche du droit avec beaucoup plus de rigueur et de respect.
EN:
This article analyses the decision of the Supreme Court of Canada in the Reference re Secession of Quebec. Specifically, the article considers the use of Public International Law sources by the Court. In this Reference Case, the Government of Canada asked, among other things, if the province of Quebec had, under International Law, the capacity to proceed with its unilateral secession from the rest of Canada. The court concluded that it could not do so according to international rules regarding the territorial integrity of nation states in the context of the peoples’ right to self-determination, and the rule regarding legality of secession depending on the internal law of the “parent” state.
Here, Geneviève Dufour and Alexandre Morin, criticize the reasoning of the Supreme Court, based on non-constraining tools of International Law, those have only a weak legal value in International Law. First, the Court considers the rule dealing with territorial integrity in the context of peoples' right to self-determination by referring to the Declaration on the Occasion of the Fiftieth Anniversary of the United Nations 1986 C.S.C.E Concluding Document of the Vienna Meeting. These two tools do not create any constraining legal obligation for the States members and, in the case of secession, they would not be set up against a sovereign Quebec. The court then states that the legality of secession in International Law is determined according to the legitimacy of this process in domestic law. The Court draws this rule, one that does not exist in International Law, from a 1963 work by Mr Justice Jennings of the International Court of Justice. The authors contend that the Supreme Court misinterpreted Jennings, because he never even considered such a rule. Even so, one should not conclude the existence of a rule under Public International Law only because one author claims its existence. Finally, the Court mistakenly holds that the international recognition of new States is subject to a series of rules under International Law. In truth the recognition of a new State is a free, political act, that has been unsuccessfully attached to the concept of duty. The authors conclude that the decision discredits the Supreme Court of Canada in the eyes of the international community and Canadian society, and that the Justices should treat this branch of the Law more rigorously and respectfully.
Notes et commentaires
Chroniques
Recensions
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