Comptes rendus

La portée musicale du poème. Des paradoxes de l’autonomie à la communauté sonore, dirigé par Céline Barral, Katerina Paplomata et Marina Seretti, Sampzon, Éditions Delatour France, 2022, 340 pages[Record]

  • Sylvain Caron

Si le domaine des rapports entre la poésie et la musique a fait l’objet de plusieurs publications au cours des dernières années, peu d’entre elles s’y sont attaquées en réunissant les domaines de la philosophie, de l’esthétique et des études littéraires. Le collectif codirigé par Céline Barral, Katerina Paplomata et Marina Seretti vise à combler ce vide en se penchant sur la question. Ayant pour titre La portée musicale du poème. Des paradoxes de l’autonomie à la communauté sonore, cette publication est le fruit d’un colloque interdisciplinaire qui a eu lieu à l’Université Bordeaux- Montaigne en octobre 2019. Le livre apparaît sous la forme d’une publication d’actes, avec des chapitres présentant différents aspects de la question et précédés d’un avant-propos qui tisse un fil conducteur entre le tout. Il n’y a pas de conclusion, mais les sections finales – « IV. Communauté sonore » (p. 237-306) et « Coda » (p. 307-321) – apportent un nouvel éclairage qui permet de considérer le son et l’interprétation scénique comme deux nouvelles méthodes de rapprochement entre les arts. Le titre précise d’entrée de jeu l’angle d’approche de l’ouvrage : c’est à l’aune du poème que l’on observe la musique, et les rapports entre poème et musique seront surtout traités sous l’angle de l’autonomie. L’avant-propos (p. 9-12), signé par les codirectrices de l’ouvrage, renforce cette posture en rappelant que le concept de « musique pure » dégage la musique de son rôle d’auxiliaire du texte et lui permet de se déployer selon ses règles propres. En serait-elle réduite pour autant à un rôle de décoration ou d’intensification émotive du poème ? Et que devient l’oeuvre poétique lorsque la musique s’en empare ? Ce sont des questions qui concernent tout autant l’ontologie de la musique que les rapports entre le compositeur, le poète et le public. L’introduction (p. 13-30) de Marina Seretti – qui enseigne l’esthétique et consacre ses recherches aux arts visuels – rappelle qu’Eduard Hanslick avait pris comme exemple un air de l’Orphée et Eurydice (1762) de Christoph W. Gluck, « J’ai perdu mon Eurydice », afin de s’élever contre la tentation des analogies émotionnelles ou mimétiques purement personnelles, puisque sans fondement dans la forme sonore elle-même. Cette mélodie n’a pas de signification propre, puisqu’elle pourrait tout autant servir des paroles exprimant l’amour, la colère ou le désespoir. Boris de Schloezer reprend cet exemple, mais en ajoutant qu’il faut distinguer le sens psychologique du sens spirituel, le premier étant variable selon les individus alors que le second ne se laisse pas ramener à la conceptualité du langage. L’écoute véritable serait donc de ne pas s’attarder au sens des paroles chantées, puisqu’elles sont transformées en sens musical. Prenant la contrepartie de cette position, Nicolas Ruwet affirme que l’un n’est pas la limite de l’autre, mais que s’ouvre un univers de potentialités selon les diverses formes littéraires et musicales. C’est ainsi que la musique conduit à une interprétation du poème. L’union paradoxale est atteinte lorsqu’il y a un point d’équilibre entre poésie et musique. Professeur de littérature française, Éric Benoit pose « Trois questions sur la “mise en musique des poèmes” » (p. 31-42) : y a-t-il rivalité ou fusion entre poésie et musique ? La métrique musicale prend-elle le dessus sur la métrique du poème ? Comment la musique interfère-t-elle avec la signification du poème ? À cette troisième question, Benoit souligne que Schönberg, dans « La relation avec le texte » (1912), affirmait que la compréhension du texte des lieder de Schubert était superflue puisqu’elle n’ajoutait aucun élément de compréhension supplémentaire à l’écoute purement musicale d’un lied. L’auteur remarque avec justesse …

Appendices