Abstracts
Résumé
À travers une étude comparative de plusieurs films au contexte narratif contemplatif comme La Ligne Rouge (Terrence Malick, 1998), partition-matrice qui a marqué une nette évolution dans l’esthétique zimmerienne, Hannibal (Ridley Scott, 2001), Da Vinci Code (de Ron Howard, 2006) « synthèse la plus raffinée des influences du minimalisme » (Berthomieu 2013, p. 698), jusqu’à des partitions que Hans Zimmer a composées pour Christopher Nolan comme Inception (2010) et Interstellar (2014), cet article montre de quelle manière Zimmer parvient pleinement à imposer un nouveau courant musical à Hollywood en intégrant une écriture épurée imprégnée notamment par le minimalisme d’Arvo Pärt à des boucles élaborées par des synthétiseurs ou des sons électroniques : si les hommages ciblés à des oeuvres d’Arvo Pärt sont propices à souligner le tourment intérieur ou le recueillement sombre, Zimmer reprend également des principes plus généraux de cette forme de minimalisme – souvent une oscillation immuable et répétée à l’infini autour d’un accord parfait mineur – presque systématiquement mêlés à cette énergie créative de timbres hybrides, afin de créer une autre temporalité apportant une forme d’inéluctable à l’image tout en maintenant empathie et synchronisme discret comme soutiens à l’action (La Ligne rouge, Batman Begins, Da Vinci Code, Inception). La quinte – seule, en ostinato ou répétée sur un motif – quintessence du tintinnabuli zimmerien (au-delà de l’accord parfait pärtien), souligne l’instant suspendu (La Ligne rouge, Hannibal, Interstellar), tandis qu’une forme de radicalisation de ce minimalisme qui va parfois jusqu’à la négation de toute mélodie, remplacée par une note unique, devenue texture abstraite, ou par un cluster diatonique en blend mode (Da Vinci Code, Interstellar), évoque le désespoir, la mort, ou le néant. Loin d’être un « monde » qui « se réduit alors au vide d’un présent sans rêve » (Berthomieu 2004, p. 75), l’écriture électro-minimaliste et contemplative de Zimmer, marquée par une cohérence narrative forte, est connectée au programme esthétique des films auxquels elle se destine.
Mots-clés :
- Zimmer,
- électro-minimaliste,
- minismalisme,
- contemplatif,
- Pärt,
- statique,
- électronique,
- synthétique,
- hybride,
- texture abstraite,
- matrice,
- épure,
- radicalisation
Abstract
Through a comparative study of several films with a contemplative narrative context such as Thin Red Line (Terrence Malick, 1998), a score-matrix that marked a clear evolution in Zimmerian aesthetics, Hannibal (Ridley Scott, 2001), The Da Vinci Code (Ron Howard, 2006) “the most sophisticated synthesis of the influences of minimalism” (Berthomieu 2013, p. 698), to scores that Hans Zimmer composed for Christopher Nolan as Inception (2010) and Interstellar (2014), this article shows how Zimmer manages to impose a new musical trend in Hollywood by integrating a pared-down writing impregnated notably by the minimalism of Arvo Pärt to loops developed by synthesizers or electronic sounds: if tributes to works of Arvo Pärt are appropriate to highligh inner torment or dark meditation, Zimmer also takes up more general principles of this form of minimalism – often an immutable and infinitely repeated oscillation around a minor perfect chord – almost systematically mixed with this creative energy of hybrid timbres, to create another temporality bringing a form of ineluctable to the image while maintaining empathy and discreet synchronism as supports for the action (The Thin Red Line, Batman Begins, The Da Vinci Code, Inception). The fifth – alone, in ostinato or repeated on a motif –, which is the quintessence of the Zimmerian tintinnabuli (beyond the perfect Pärtian agreement), emphasizes the suspended moment (The Thin Red Line, Hannibal, Interstellar), while a form of radicalization of this minimalism which sometimes goes as far as the negation of any melody, replaced by a single note, becoming abstract texture, or by a diatonic cluster in blend mode (The Da Vinci Code, Interstellar), evokes despair, death, or nothingness. Far from being a “world” which “is reduced to the emptiness of a present without a dream” (Berthomieu 2004, p. 75), Zimmer’s electro-minimalist and contemplative writing, marked by a strong narrative coherence, is connected to the aesthetic program of the films for which it is intended.
Keywords:
- Zimmer,
- electro-minimalism,
- minismalism,
- contemplative,
- Pärt,
- static,
- electronic,
- synthetic,
- hybrid,
- abstract texture,
- matrix,
- outline,
- radicalization
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Appendices
Note biographique
Cécile Carayol est Maître de conférences en musicologie à l’Université de Rouen. Son enseignement et sa recherche sont centrés sur la musique à l’image. Elle a fondé un groupe de recherche collective elmec (Étude des Langages Musicaux à l’Écran). Elle est l’auteur d’articles sur la musique de film (La figure musicale du vampire au cinéma, Philippe Rombi, Alexandre Desplat, John Williams, Danny Elfman, Alejandro Amenabar, Dario Argento), ses correspondances avec la musique de concert (Debussy et le cinéma de suspense, Le phénomène du minimalisme répétitif dans le cinéma français, la musique de film comme prolongement de l’opéra, ou le potentiel cinématographique de Pelléas et Mélisande de Claude Debussy), elle a co-dirigé un ouvrage sur la musique de séries (Presses Universitaires de Rennes, 2015.) et un ouvrage sur le fantastique dans les musiques des xxe et xxie siècles (Delatour France, 2017), elle est l’auteur d’un ouvrage : Une musique pour l’image, vers un symphonisme intimiste dans le cinéma français, Presses Universitaires de Rennes, 2012 et elle prépare actuellement un ouvrage sur la musique de film fantastique à paraître aux éditions Rouge Profond.
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