Abstracts
Résumé
Cet article explore l’hypothèse suivante : le cinéma peut nous faire voir et entendre la dimension éthique et politique de l’improvisation musicale. Il décrit concrètement les éléments de cette politique de l’improvisation en analysant plusieurs séquences du film Step Across the Border (1990) de Nicolas Humbert et Werner Penzel. Il étudie deux principes relationnels qui structurent la pratique de l’improvisation musicale et cinématographique explorée dans le film. L’implication (intégration du créateur dans l’espace sonore) et la résonance (transformation mutuelle du son, du contexte, de l’auditeur) modifient la dynamique du tournage et souligne le potentiel musical des espaces quotidiens (la rue, le café, la mer, l’usine). De plus, le montage cinématographique a un pouvoir de mise en relation, il crée un espace de résonance qui brouille les frontières entre les musiciens (Fred Frith et ses amis), les cinéastes et les spectateurs. Cette « expérimentation de nouvelles formes sociales de création » (Saladin 2014, p. 205) produit une expérience cinématographique libre et singulière : dans ce film, la musique est un phénomène pluriel qui peut déplacer notre regard, notre écoute, et ainsi interroger nos manières d’interagir avec les autres.
Mots-clés :
- improvisation,
- cinéma,
- éthique,
- politique,
- Fred Frith,
- Nicolas Humbert,
- Werner Penzel,
- Step Across the Border
Abstract
This article explores the following hypothesis: cinema can make us see and hear the ethical and political dimension of musical improvisation. It concretly describes the elements of this politics of improvisation by analyzing several sequences of the film Step Across the Border (1990) by Nicolas Humbert and Werner Penzel. It studies two relational principles that structure the practice of musical and cinematic improvisation explored in the film. Involvement (the integration of the creator in the sound space) and resonance (the mutual transformation of sound, of the context, of the listener) modify the dynamics of the film’s shoot and underline the musical potential of every day spaces (the street, the café, the sea, the factory). Furthermore, the relational power of editing creates a resonant space that blurs the borders between the musicians (Fred Frith and his friends), the film-makers and the spectators. This “experimentation of new social forms of creation” (Saladin 2014, 205) produces a free and singular cinematic experience: in this film, music appears as a plural phenomenon that can shift our gaze, our listening, and thus interrogate our ways of interacting with others.
Keywords:
- improvisation,
- cinema,
- ethics,
- politics,
- Fred Frith,
- Nicolas Humbert,
- Werner Penzel,
- Step Across the Border
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Note biographique
Frédéric Dallaire réalise un projet de recherche-création postdoctoral sur les pratiques collectives d’écoute (uqàm). Co-directeur du laboratoire « La création sonore : cinéma, arts médiatiques, arts du son », il a enseigné la pratique du son, de la vidéo et du montage, le cinéma expérimental et la philosophie du cinéma (UdeM). Il réalise des vidéogrammes, des oeuvres sonores et des projets musicaux, dont Dynamique de la pénombre (avec Félix Dufour-Laperrière, 2012) et Le souffle court (avec Chantal Dumas, 2017). Il termine la rédaction de son premier livre : La création sonore au cinéma. Pensée et pratique du mixage.
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