Le volume, dirigé par S. Moulin, est constitué de huit chapitres rédigés par des professeurs et chercheurs canadiens francophones. Le but visé est d’établir le « bilan des apports et des limites des approches de justice organisationnelle dans l’étude du lien entre perceptions de justice et santé au travail » (p. 1), et notamment, en lien avec la pandémie de la Covid-19. Moulin précise que ce volume se distingue des études de justice organisationnelle sur la santé (qualifiées de « psychologisantes ») en privilégiant des approches davantage contextuelles et compréhensives. Il importe d’abord de présenter sommairement les dimensions de la justice organisationnelle. Précisons que tous ne les considèrent pas comme étant toutes indépendantes. Les quatre dimensions sont : procédurale (procédures identiques pour la prise de décision), distributive (rapport proportionnel entre les contributions fournies et les rétributions reçues), interpersonnelle ou interactionnelle (communication respectueuse de la décision) et informationnelle (description franche et complète des critères et de la procédure de décision). Dès le premier chapitre, Haines, Guerrero et Marchand adoptent la notion de justice systémique plutôt que celle de justice organisationnelle. Ils distinguent la justice systémique privilégiant l’étude de la structuration du contexte de travail (caractéristiques fondamentales et stables de l’organisation) aux recherches de justice organisationnelle s’intéressant aux perceptions des individus. Les auteurs associent la justice systémique à la dimension procédurale de la justice organisationnelle puisqu’il est question des règles, politiques et procédures, par exemple, des pratiques de gestion des ressources humaines ou des conditions de travail. Pour ces auteurs, les individus oeuvrant dans une organisation juste (justice systémique) auront une perception positive de la justice et, par conséquent, en ressentiront des effets positifs. Ainsi, le concept de justice systémique (justice globale) combinerait à la fois les dynamiques organisationnelles normatives (principes de justice procédurale) ainsi que les dynamiques individuelles cognitives. En examinant la documentation sur l’injustice organisationnelle et la santé, Moulin et Khomsi (chapitre 2) identifient trois limites. Une première limite concerne l’existence de deux approches théoriques de risque : une approche axée sur les dérives comportementales au travail (ex. : forme faible : irrespect, impolitesse; forme aiguë : harcèlement, intimidation, discrimination) et une approche préventive axée sur les environnements organisationnels (ex. : risques physiques ou psychosociaux). La deuxième limite concerne l’existence de deux approches méthodologiques : une approche quantitative identifiant les risques en milieu de travail (dérives comportementales et environnements à risque) et une approche qualitative saisissant le sens donné aux expériences d’injustice et révélant ce qui peut cacher le lien entre l’injustice et la santé (ex. : ethos de travail). La troisième limite est que les études sur la relation entre l’injustice et la santé ne tiennent pas compte des dimensions macrosociologiques (cf. action de l’État en matière d’emploi et de conditions de travail). Quesnel, Beauregard, Gaudet et Turcotte-Légaré (chapitre 3) ont mené une étude quantitative visant à vérifier le rôle médiateur de la justice organisationnelle dans la relation entre leadership d’habilitation des supérieurs et la santé mentale au travail. Les hypothèses ont été vérifiées auprès de 741 travailleurs québécois du secteur de fabrication métallique. Les résultats indiquent : (1) une association positive entre le leadership d’habilitation et la perception des quatre dimensions de la justice organisationnelle; (2) une association négative avec deux des quatre dimensions de la justice (distributive et procédurale) avec la détresse psychologique ; et (3) seules la justice distributive et surtout la justice procédurale exercent un effet modérateur sur la relation entre leadership d’habilitation et détresse psychologique. Le leadership d’habilitation du supérieur immédiat joue donc un rôle important sur les perceptions de justice procédurale et distributive lesquelles, à leur tour, sont associées à la détresse psychologique. …
Moulin, Stéphane (éd.). 2021. Perceptions de justice et santé au travail. L’organisation à l’épreuve. Collection Inégalité et justice sociale. Presses de l’Université Laval.210 pages ISBN : 978-2-7637-5475-8[Record]
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Johanne Dompierre
Professeure retraitée, Département des relations industrielles, Université Laval