Les transformations contemporaines du rapport au travail, sous la direction de Daniel Mercure, Québec, Presses de l’Université Laval, 2020[Record]

  • Marie-Pierre Boucher

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  • Recension écrite par
    Marie-Pierre Boucher
    Professeure, Département de Relations Industrielles, Université du Québec en Outaouais

Depuis quelques années, Daniel Mercure nous a habitués à la publication d’ouvrages collectifs en sociologie du travail sur des enjeux contemporains. Celui de 2020 porte sur l’un de ses thèmes de prédilection, à savoir le rapport au travail. Le rapport au travail renvoie aux significations que les individus donnent au travail et qui se manifestent dans leurs attitudes et comportements. Dans la mesure où ces significations et leurs manifestations sont façonnées par des conditions objectives et subjectives, alors que ces dernières ont connu d’importantes transformations depuis les 30 dernières années, ce livre vise non seulement à dégager les principales dimensions et pistes d’analyse du rapport au travail, mais surtout à exposer les changements dans les représentations et les expériences du travail. Dans le chapitre inaugural du livre intitulé « Rapport au travail et changement social : problématique et jalons pour un modèle d’analyse », Mercure propose à la fois de remonter le fil de la tradition sociologique d’interrogation du sens du travail – ce qui est le bienvenu –, mais surtout de synthétiser une proposition théorique pour l’analyse du rapport au travail. Si le rapport au travail témoigne de l’expression individuelle des représentations et des expériences du travail dans des contextes sociétaux et institutionnels donnés, le sociologue postule que le rapport au travail constitue l’une des voies d’appréhension de l’état des sociétés et, par conséquent, une manière de saisir les transformations sociétales en cours. La question à laquelle entend répondre cet ouvrage collectif est donc la suivante : « assistons-nous à une reconfiguration significative du rapport au travail ? Si oui, selon quelles modalités ? Et sous l’impulsion de quels facteurs socioéconomiques et culturels ? » (Mercure, 2020 : 2) Deuxième de trois ouvrages d’une recherche internationale portant sur les « nouvelles voies de la subjectivité », ce livre veut par conséquent contribuer à la compréhension du monde social et des perspectives de sens qu’il rend possibles. Une majorité de chapitres portent directement (Paugam, Gallie, Vendramin, Willemez, Bourdages-Sylvain et Côté) ou indirectement (Méda) sur des enquêtes réalisées auprès de travailleuses et de travailleurs, tandis que les autres présentent surtout des analyses de surplomb (Durand, Bouquin). On y trouve également une diversité d’approches qui intègrent plus ou moins l’aspect des temporalités du travail (Willemez), les transformations du travail ainsi que des enjeux institutionnels plus larges (Gallie, Vendramin). Dans le chapitre qu’elle signe, Méda part de trois ouvrages à succès exposant les ratés contemporains du travail comme vecteur d’identité ou comme institution centrale, ceux de Livingston, Frayne et Graeber, qu’elle éclaire en revenant aux critiques françaises et allemandes du travail des années 1980 et 1990. Par ce détour, Méda pose quelques-uns des jalons de la critique et de l’interprétation du travail, ce qui lui permet d’interroger ensuite l’expérience morale du travail. En contrepoint de cette approche, Paugam s’intéresse aussi à la dimension morale du travail dans son chapitre « Le monde du travail comme fondement de la solidarité : vers un déclin inéluctable ? ». Se basant sur Durkheim, il façonne une typologie de l’intégration sociale selon deux axes : le rapport à l’emploi mesuré par le degré de sécurité et le rapport au travail mesuré par la satisfaction. En considérant le rôle pivot du travail, Paugam s’inquiète des effets sociétaux délétères de la fragilisation des institutions du travail. Alors qu’à la suite de l’enquête de Goldthorpe et ses collègues, dans les années 1960, sur les attitudes de certains ouvriers dans un contexte de prospérité économique et de consolidation de l’emploi, Mercure rappelle qu’« il n’y a pas une “association systématique” entre l’expérience vécue au travail et les attitudes et comportements au …

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