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Réflexions sur les mutations de la négociation collectiveReflections on the Transformations of Collective Bargaining[Record]

  • Claude Rioux

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Conférence H.D. Woods, prononcée lors du Congrès annuel de l’Association canadienne des relations industrielles (ACRI), le 3 mai 2018, à Montréal.

H.D. Woods Conference, delivered at the annual Canadian Industrial Relations Association Conference (CIRA), May 3, 2018, in Montreal.

Je tiens à remercier les membres du conseil exécutif de l’ACRI, ainsi que le professeur Lorenzo Frangi qui m’a si aimablement présenté, de cette invitation à prononcer l’allocution en l’honneur de H.D. Woods qui, grâce à son enseignement à McGill et sa contribution aux politiques publiques, a profondément influencé le modèle canadien de relations industrielles Mon allocution s’inspire de mon expérience et traite de ma réflexion sur la négociation collective, que j’ai longuement fréquentée et pratiquée à la Confédération des syndicats nationaux (CSN) en tant que négociateur syndical dans le secteur manufacturier au Québec et, par la suite, à titre de formateur et collaborateur auprès du Bureau international du Travail (BIT). Je ferai ressortir, à l’aide d’exemples que j’ai vécus, la nature et l’impact des mutations qui ont eu cours quant au rôle régulateur de la négociation collective, ainsi que sur les capacités délibérative et d’adaptation des syndicats. Je traiterai de ce sujet en trois temps. J’ai débuté comme conseiller syndical de la Fédération des travailleurs du papier et de la forêt (FTPF-CSN), au bureau de Clermont dans la magnifique région de Charlevoix. À mon arrivée, le président du syndicat attira mon attention sur une photographie du premier exécutif de 1937, particulièrement sur deux personnes, Monseigneur Félix-Antoine Savard, aumônier du syndicat, auteur d’un roman fort connu au Québec Menaud maître-draveur, et Lucien Gaudreault, travailleur à la papeterie, frère de Laure Gaudreault, fondatrice des syndicats d’institutric es à l’origine de la Centrale des syndicats du Québec (CSQ). Tout à côté de cette photo, la « Charte » émise par la Confédération des travailleurs catholiques du Canada (CTCC, ancêtre de la CSN) et une reproduction de la page couverture de la première convention collective signée en 1945 avec la Donohue Brothers Limited. Cette page d’histoire syndicale, toute simple, mais toute riche; je ne l’oublierai jamais. Le syndicat de Clermont venait tout juste de conclure sa convention collective « dans la suite des choses ». Le président en était fier. Le syndicat avait négocié un horaire de travail hebdomadaire de 37 heures et tiers, comparativement aux 42 heures en vigueur dans l’industrie papetière de l’est du Canada. C’était tout autant la fierté de la FTPF-CSN, puisque la plupart de ses syndicats affiliés avaient obtenu cet horaire à la suite de la grève dans trois papeteries de la Compagnie Price au Saguenay-Lac-Saint-Jean. Je n’étais pas près de revoir pareille avancée. Depuis les années 1950, la négociation dans l’industrie papetière suivait un « rituel », celui du « modèle de négociation d’un contrat-type » (pattern bargaining en anglais), tout comme dans l’industrie automobile, deux bastions du syndicalisme industriel qui exerçaient une influence considérable sur les conditions de travail. Dans « la suite des choses », le syndicat présentait ses revendications. Les employeurs s’en tenaient au modèle et ne soumettaient que rarement des demandes. L’important, pour eux, c’était de demeurer maîtres de l’efficacité. On peut donc dire que la revendication, c’était l’affaire des syndicats. Par ailleurs, les représentants syndicaux et du service du personnel s’acquittaient de l’application des conventions collectives, encadrée par la procédure de griefs et d’arbitrage. Il fallait donc devenir bon technicien. Les problèmes pratiques qui se présentaient pendant la convention se réglaient lors des rencontres des comités d’intérêt mutuels et, ainsi, la paix industrielle était assurée. En ces temps-là, la négociation collective était, dans le secteur du papier, tout comme dans l’ensemble du secteur manufacturier, une affaire d’hommes. C’est seulement en 1976, que la FTPF embaucha Monique Simard, qui allait devenir, plus tard, Vice-présidente de la CSN. Son arrivée intrigua — le mot n’est pas trop fort — le club …

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