Abstracts
Résumé
En s’inscrivant dans le cadre des approches néo-institutionnelles, cette contribution s’intéresse à l’influence exercée par les réseaux patronaux sur la diffusion des pratiques managériales, à travers l’exemple de la gestion des compétences dans les entreprises françaises. La littérature permet d’envisager les organisations d’employeurs comme des réseaux sociaux ayant un impact sur les politiques RH des entreprises, et l’étude du développement de la gestion des compétences permet d’étayer l’hypothèse d’une institutionnalisation sous influence patronale de cette pratique de gestion.
Pour proposer une évaluation de ce lien, nous nous appuyons ensuite sur une méthodologie quantitative permettant de croiser l’appartenance de membres de la direction d’une entreprise à des réseaux patronaux et la diffusion des pratiques de gestion par les compétences. Les données utilisées sont issues de l’enquête Réponse réalisée par le Ministère du Travail, et ont été collectées auprès de 3000 établissements. Cette approche permet dans un premier temps de procéder à un succinct mais inédit état des lieux des réseaux patronaux en France, puis de mesurer l’impact de l’appartenance à ces réseaux sur la mise en oeuvre de la gestion des compétences.
Les résultats montrent que près des trois quarts des établissements appartiennent à des réseaux patronaux ou bien les fréquentent, mais que derrière ce constat initial se cache une réalité multiforme et plutôt concentrée. Nous montrons ensuite que l’appartenance à des réseaux patronaux est bien un élément explicatif important du choix de mise en oeuvre d’une politique GRH orientée vers les compétences, et en particulier la participation à des clubs de DRH ou associations d’entrepreneurs. Les structures patronales les plus influentes apparaissent donc ici comme celles qui reposent davantage sur l’adhésion volontaire, la recherche de légitimité et l’échange d’outils et d’idées.
Mots-clés :
- institutions,
- compétence,
- patronat,
- réseaux
Abstract
Written from a neo-institutionalist standpoint, this paper focuses on the influence of employers’ networks on the dissemination of managerial practices through the example of skill management in French companies. Previous studies suggest that employers’ organizations can be perceived as social networks that affect Human Resources policies. Studying the development of skill management confirms the idea that this type of management becomes institutionalized under the influence of such networks. We evaluate this influence through the use of a quantitative methodology that shows the correlation between the dissemination of skill management techniques and the number of chief executives belonging to employers’ networks in a given company. We use data that were collected from 3,000 companies by the French Ministry of Labour for the Réponse survey. Our approach led us to formulate a brief—but new—account of employers’ networks in France. But mostly, it allowed us to measure the impact that belonging to these networks has on the implementation of skill management. Though almost three quarters of all 3,000 companies belong or are related to employers’ networks, the reality behind this fact is complex and concerns a limited number of the companies considered. We then show that a connection with an employers’ network – especially with clubs of heads of human resources or with entrepreneurs’ organizations – is one of the reasons why a skill management-oriented human resources policy is adopted. The most influential employers’ networks are therefore those that rely on voluntary subscription, the research of legitimacy and the exchange of tools and ideas.
Keywords:
- institutions,
- skills,
- employer,
- networks
Resumen
Ubicado en el marco de los enfoques neo-institucionales, este artículo se interesa por la influencia desempeñada por las redes patronales sobre la difusión de las prácticas de gestión, a través del ejemplo de la gestión de competencias en las empresas francesas. Los estudios suelen considerar las organizaciones de empresarios como redes sociales que tienen un impacto sobre las políticas de RRHH de las empresas, y el estudio del desarrollo de la gestión de competencias permite apoyar la hipótesis de una institucionalización bajo influencia patronal de esta práctica de gestión.
Para evaluar este vínculo, nos apoyamos, a continuación, en una metodología cuantitativa que permite cruzar la pertenencia de miembros de la dirección de una empresa a redes patronales y la difusión de las prácticas de gestión por competencias. Los datos utilizados proceden de la encuesta “Réponse” realizada por el Ministerio de Trabajo y conciernen a 3000 establecimientos. Este enfoque permite, primero, proceder a una breve pero inédita evaluación del estado de las redes patronales en Francia, para posteriormente medir el impacto de la pertenencia a estas redes sobre la puesta en ejecución de la gestión de competencias.
Los resultados evidencian que tres cuartos de los establecimientos pertenecen a redes patronales o que las frecuentan, pero que detrás de esta observación inicial se esconde una realidad multiforme y más bien concentrada. Recalcamos asimismo que la pertenencia a redes patronales es efectivamente un elemento explicativo importante de la elección de puesta en ejecución de una política de RRHH orientada hacia las competencias y, más particularmente con la participación en clubs de RRHH o asociaciones de empresarios. Así, las estructuras patronales más influyentes aparecen aquí como las que se basan sobre todo en la adhesión voluntaria, la búsqueda de legitimidad y el intercambio de herramientas y de ideas.
Palabras clave:
- instituciones,
- competencia,
- empresariado,
- redes
Download the article in PDF to read it.
Download
Appendices
Bibliographie
- Aballéa, F., A. Bevort, C. Gadea, M. Lallement et D. Trancart. 2003. « Réseaux et innovations organisationnelles: une approche par les relations professionnelles ». Travail et Emploi, 95, 87-99.
- Allouche, J. et P. Gilbert. 2006. « 50 ans de GRH : de la profusion des outils rationnels à l’institutionnalisation des ressources humaines ». 50 ans de management. J. Caby et G. Schmidt, dir. Paris : Pearson Education, 131-155.
- Amossé, T., C. Bloch-London et L. Wolf. 2008. Les relations sociales en entreprise. Paris : La Découverte.
- Aubret, J., P. Gilbert et F. Pigeyre. 2002. Management des compétences : réalisations, concepts, analyse. Paris : Dunod.
- Baret, C., I. Huault et T. Picq. 2006. « Management et réseaux sociaux : jeux d’ombres et de lumières sur les organisations ». Revue française de gestion, 163, 93-106.
- Barney, J.-B. 1991. « Firm Resources and Sustained Competitive Advantage ». Journal of Management, 171, 99-120.
- Béraud, M., T. Colin et B. Grasser. 2008. « Job Quality and Career Opportunities for Call Centers Workers : Contrasting Patterns in France ». Low Wage Work in France. E. Caroli et J. Gautier, dir. New York : Russel Sage Foundation, 254-287.
- Bevort, A. 2006. « Le capital social : une problématique pour la sociologie de l’entreprise comme ‘forme sociale’ ». Le capital social. A. Bevort et M. Lallement, dir. Paris : La Découverte, 193-210.
- Bevort, A. et A. Jobert. 2008. Sociologie du travail : les relations professionnelles. Paris : Armand Colin.
- Bouteiller, D. et G. Gilbert. 2005. « Réflexions croisées sur la gestion des compétences en France et en Amérique du Nord ». Relations industrielles / Industrial Relations, 60 (1), 3-28.
- Brabet, J. 2003. « Des méthodologies qualitatives pour la recherche en GRH ? ». Encyclopédie des ressources humaines. J. Allouche, coord. Paris : Vuibert, 888-896.
- Brochier, D., coord. 2002. La gestion des compétences : acteurs et pratiques. Paris : Économica.
- Burt, R. 1995. « Le capital social, les trous structuraux et l’entrepreneur ». Revue française de sociologie, XXXVI, 599-628.
- Chauvet, V. et B. Chollet. 2010. « Management et réseaux sociaux : bilan et perspectives de recherche ». Revue française de gestion, 202, 79-96.
- Chênevert, D. et M. Dubé. 2008. « Les nouvelles formes d’organisation du travail : le rôle des perspectives contingentes et institutionnelles ». Relations industrielles / Industrial Relations, 63 (1), 134-159.
- Colin, T. et B. Grasser. 2003. « La gestion des compétences : une inflexion limitée de la relation salariale ». Travail et emploi, 93, 61-73.
- Colin, T. et B. Grasser. 2007. « La gestion des compétences : de la diffusion des pratiques et des outils au modèle ? ». Revue de gestion des ressources humaines, 66, 18-29.
- Coutrot, T. et T. Amossé. 2008. « Genèse et réalité d’une enquête ». Les relations sociales en entreprise. T. Amossé, C. Bloch-London et L. Wolf, dir. Paris : La Découverte, 38-68.
- Defélix, C., A. Klarsfeld et E. Oiry, dir. 2006. Nouveaux regards sur la gestion des compétences. Paris : Vuibert.
- Di Maggio, P.-J. et W.-W. Powell. 1983. « The Iron Cage Revisited : Institutional Isomorphism and Collective Rationality in Organizational Fields ». American Sociological Review, 48, 147-160.
- Dietrich, A. 2003. « La gestion des compétences : essai de modélisation ». Gérer les compétences : des instruments au processus. A. Klarsfeld et E. Oiry, dir. Paris : Vuibert, collection AGRH, 215-239.
- Dietrich, A., P. Gilbert et F. Pigeyre. 2010. Management des compétences. Paris : Dunod.
- Doucouliagos, C. et P. Laroche. 2009. « Unions and Firm Profits: A Meta-Regression Analysis ». Industrial Relations, 48 (9), 146-183.
- Dufour, C. 2001. « Représentations patronales : des organisations à responsabilités limitées ». Chronique internationale de l’IRES, 72, 3-21.
- Dumont, A. 2000. « Un individu devient compétent lorsque l’entreprise lui en donne les moyens ». Revue Personnel, 412.
- Erickson, C.-L. et S.M. Jacoby. 2003. « The Effect of Employer Networks on Workplace Innovation and Training ». Industrial and Labor Relations Review, 56 (2), 203-223.
- Famdale, E. et C. Brewster. 2005. « In Search of Legitimacy: Personnel Management Associations Worldwide ». Human Resource Management Journal, 15 (3), 33-48.
- Galambaud, B. et E. Léon. 2008. « Le sens de la mesure : le cas de la performance en gestion des ressources humaines ». Gestion, 332, 10-13.
- Giandou, A. 2010. « Le CIGREF : un club de grandes entreprises, acteur majeur de l’évolution des systèmes d’information en France 1970-2010 ». Entreprises et histoire, 360, 62-77.
- Gilbert, P. 2003. « Jalons pour une histoire de la gestion des compétences ». Gérer les compétences : des instruments au processus. A. Klarsfeld et E. Oiry, dir. Paris : Vuibert, collection AGRH, 11-31.
- Gilbert, P. 2006. La gestion prévisionnelle des ressources humaines. Paris : La Découverte.
- Greenwood, R., R. Suddaby et C.R. Hinings. 2002. « Theorizing Change : The Role of Professional Associations in the Transformation of Institutionalized Fields ». Academy of Management Journal, 451, 58-80.
- Guérin, F., F. Pigeyre et P. Gilbert. 2009. « La professionnalisation de la fonction RH : mythe et limites ». Revue française de gestion, 194, 105-121.
- Haines, V.-Y., S. Brouillard et N. Cadieux. 2010. « Une analyse longitudinale 1975-2005 de l’évolution de la profession ressources humaines ». Relations industrielles / Industrial Relations, 65 (3), 491-513.
- Huault, I. 2004. « Une analyse des réseaux sociaux est-elle utile pour le management ? Puissance et limites d’une théorie de l’encastrement structural ». Institutions et gestion. I. Huault, coord. Paris : Vuibert, 49-67.
- Klarsfeld, A. et E. Oiry, dir. 2003. Gérer les compétences : des instruments au processus. Paris : Vuibert.
- Laroche, M. 2010. « Mondialisation et action collective patronale : deux réalités conciliables ? ». Relations industrielles / Industrial Relations, 65 (1), 134-154.
- Laroche, P. et S. Point. 2011. « La GRH dans tous ses états : état des thèses en GRH ». Revue de gestion des ressources humaines, 80, 65-80.
- Le Boterf, G. 2004. Construire les compétences individuelles et collectives. Paris : Éditions d’Organisation.
- Livian, Y.-F. 2004. « Le cadre institutionnel de la gestion des ressources humaines : une application à l’emploi et au temps de travail ». Institutions et gestion. I. Huault, dir. Paris : Vuibert, 119-132.
- Marpsat, M. et A. Trognon. 1992. « Présentation générale du modèle Logit ». INSEE Méthodes, 46-47-48, 221-253.
- Masson, A. et M. Parlier. 2004. Les démarches compétence. Paris : Éditions ANACT.
- Merkelé, P. 2004. Sociologie des réseaux sociaux. Paris : La Découverte.
- Meyer, J.-W. et B. Rowan. 1977. « Institutionalized Organizations: Formal Structure as Myth and Ceremony ». American Journal of Sociology, 83 (2), 340-363.
- Michel, S. et M. Ledru. 1991. Capital compétence dans l’entreprise. Paris : ESF.
- Noël, F. 2003. « J.-W. Meyer : la quête de légitimité ». Encyclopédie des ressources humaines. J. Alouche, dir. Paris : Vuibert, 1725-1733.
- Offerlé, M. 2009. Sociologie des organisations patronales. Paris : La Découverte.
- Oiry, E. 2007. « Démarches compétences et dialogue social à la française : quelques éléments de réflexion ». Travail et reconnaissance des compétences. W. Cavestro, C. Durieux et S. Montchatre, dir. Paris : Économica.
- Oiry, E. et A. d’Iribarne. 2001. « La notion de compétence : continuité et changements par rapport à la notion de qualification ». Sociologie du travail, 1, 49-66.
- Rabier, M. 2007. Organisations patronales en France et en Europe. Document d’étude 130. Paris : DARES.
- Reynaud, J.D. 2001. « Le management par les compétences : un essai d’analyse ». Sociologie du travail, 1, 7-32.
- Walsworth, S. 2010. « What do Unions do to Innovation? An Empirical Examination of the Canadian Private Sector ». Relations industrielles / Industrial Relations, 65 (4), 543-561.
- Weber, H. 1991. Le parti des patrons : le CNPF (1946-1990). Paris : Seuil.
- Widmer, F. 2010. « La coordination patronale face à l’ouverture des marchés : l’industrie des machines depuis les années 1990 ». Relations industrielles / Industrial Relations, 65 (3), 357-379.
- Woll, C. 2006. « La réforme du MEDEF : chronique des difficultés de l’action collective patronale ». Revue française de science politique, 56, 255-279.
- Zarifian, P. 2005. Compétences et stratégies d’entreprises. Paris : Éditions Liaisons.