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Enfin ! Une présentation d’ensemble du droit fédéral du travail de cette envergure, du moins en langue française, faisait en effet défaut. Michel Coutu, professeur titulaire à l’École de relations industrielles de l’Université de Montréal, Julie Bourgault, professeure au Département de relations industrielles de l’Université du Québec en Outaouais, et Annick Desjardins, avocate au Syndicat canadien de la fonction publique, avec la collaboration de Me Guy Dufort et de Annie Pelletier, ont su combler avec brio cette lacune.
Les principales lois du travail en cause sont le Code canadien du travail, dans ses trois parties traitant respectivement des normes du travail, des rapports collectifs du travail et de la santé et sécurité au travail. Il s’agit aussi de deux lois se rattachant au champ des droits et libertés de la personne : la Loi canadienne sur les droits de la personne et de la Loi sur l’équité en matière d’emploi. L’étude détaillée des lois touchant à la fonction publique fédérale est toutefois volontairement exclue. Mais, l’évocation immédiate de ces lois pour situer l’ouvrage d’emblée est trompeuse : il y va beaucoup plus globalement de l’ensemble du droit relatif au travail subordonné relevant de la compétence du Parlement canadien, y compris, mais au-delà de ses sources législatives, le droit constitutionnel, la jurisprudence, surtout des tribunaux fédéraux et des instances spécialisées, la doctrine et le droit international qui s’intègrent tout naturellement. On est loin d’un code annoté ; il s’agit d’une véritable synthèse de ce droit fédéral du travail.
L’ouvrage est donc d’une grande importance. Pratique, car il met en cause les entreprises fédérales, celles qui se situent dans des secteurs comme celui des banques, du transport terrestre interprovincial et international, de la navigation, aérienne et maritime, de la radiodiffusion, pour n’en nommer que quelques-uns. Théorique, il reflète les différents courants juridiques qui traversent le pays entier et il fait aussi à l’occasion des rapprochements intéressants avec le droit du travail québécois. La loi fédérale sait aussi, parfois subtilement, préserver la place de l’autonomie collective, par exemple, pour ce qui est de la désignation de l’agent négociateur, possible du fait des parties elles-mêmes, sans l’intervention du Conseil canadien des relations industrielles.
La richesse de l’ouvrage tient particulièrement à son souci de présenter amplement le contexte d’application de la législation fédérale du travail. Il expose non seulement l’évolution historique de chacune des lois évoquées précédemment, mais aussi, de façon beaucoup plus importante, leur assise : le contrat de travail. Un chapitre introductif lui est d’ailleurs consacré, traçant son évolution, tant dans une perspective civiliste, applicable au Québec, que de common law, pour ce qui est de l’arrière-plan dans les autres provinces, ce, avec accent comparatif, dans l’un et l’autre cas sur ses modes de résiliation. Cette présentation du contrat de travail nous vaut une distinction entre la « rationalisation formelle et la rationalisation matérielle » de ce contrat (p. 64), qui servira d’ailleurs à expliquer historiquement l’attitude des tribunaux et des législateurs canadiens à son endroit. Les auteurs n’hésitent pas, non plus, à tracer un portrait complet de l’appareil judiciaire fédéral (y compris la Cour canadienne de l’impôt…) et des instances du droit administratif fédéral en matière de travail.
Suit l’exposé détaillé et précis du droit se rattachant à chacune des lois en cause et de leur interprétation jurisprudentielle. Les normes fédérales (partie III du Code canadien du travail) sont ainsi d’abord présentées à l’aune critique du rapport Arthur de 2006. Un titre subséquent traite abondamment du déroulement des différentes phases des rapports collectifs du travail (Partie I du même code) : protection de la liberté syndicale, procédure d’accréditation, négociation collective, y compris la grève et le lockout, convention collective et arbitrage des griefs, ce dernier dans un court chapitre distinct. Ce titre apporte des notions, soit dit en passant, que le Code du travail aurait tout intérêt à faire siennes, soit celles « d’entrepreneur dépendant » et « d’employeur unique ». Le droit de l’employeur de fermer l’entreprise vaut aussi un développement substantiel à la suite de l’arrêt Wal-Mart. La santé et la sécurité du travail (Partie II) du Code est, quant à elle, surtout assurée par voie de plaintes devant les instances appropriées, encore que plusieurs aspects préventifs sont aussi présentés ; notamment celui d’un règlement imposant à l’employeur de mettre en oeuvre une politique de prévention de la violence au travail. Le traitement des différentes formes de discrimination selon la Loi canadienne des droits de la personne est élaboré, particulièrement lorsqu’il s’agit de l’égalité salariale. Les plaintes à la Commission des droits de la personne, puis le recours au Tribunal des droits de la personne, sont, là aussi, à l’honneur. Enfin, la Loi sur l’équité en matière d’emploi illustre bien une façon « proactive » de réaliser une représentation équitable des femmes, des autochtones, des personnes handicapées et des minorités visibles dans les entreprises fédérales.
Outre l’exposé jurisprudentiel détaillé qui caractérise l’étude de l’application de chacune de ces lois, les développements que les auteurs y consacrent ont en commun de présenter de façon distincte les autorités d’application de chacune d’entre elles et d’insister sur l’évolution du contrôle judiciaire des décisions des instances spécialisées dont il s’agit, notamment celles rendues en vertu de la Partie I du Code. Ces développements ne manquent pas d’être parfois répétitifs, notamment en ce qui a trait au barème de contrôle de l’erreur à la suite de l’arrêt Dunsmuir (p. 173, 361, 417, 480 et 571). Cette insistance présente toutefois l’avantage de respecter l’identité de chaque instance spécialisée et l’étendue de ses pouvoirs. Elle se prête aussi à l’occasion à des vues critiques d’un contrôle judiciaire trop intensif de la part de la Cour fédérale (ex., p. 174).
Reste donc à souhaiter que des éditions subséquentes de l’ouvrage rendent aussi bien l’évolution de ce droit fédéral du travail que le fait l’exposé initial de sa teneur contemporaine.