Abstracts
Résumé
En 2001, 2007 et 2011, les juges de la Cour suprême du Canada ont reconnu par une série d’arrêts le droit à la négociation collective comme un droit dérivé de la liberté d’association, liberté constitutionnelle prévue à la Charte canadienne des droits et libertés. Ces arrêts sont venus souffler un vent d’espoir pour les travailleurs précaires souvent tenus à l’écart des mécanismes de représentation et de négociation collective de leurs conditions de travail par un syndicat.
Cet article analyse comment la législation et même l’action collective, jadis pilier du développement de la représentation collective, ont pu constituer des obstacles au développement de la représentation collective des travailleurs précaires. Ensuite, il examine comment aujourd’hui la Cour suprême favorise l’accès à la représentation collective de certains travailleurs « précaires » en reconnaissant la spécificité du travailleur, du travailleur précaire et en accordant une plus vaste portée à la garantie constitutionnelle de la liberté d’association. Puis, l’article analyse les retombées de ces développements sur la scène judiciaire québécoise à l’égard des responsables d’un service de garde et des travailleurs migrants agricoles, avant de discuter de la place du pouvoir judiciaire dans cette évolution.
Nos travaux démontrent qu’aujourd’hui les tribunaux semblent avoir pris le relais du législateur et fournissent un terreau fertile pour l’épanouissement de la représentation collective des précaires.
Mots-clés :
- travail précaire,
- liberté d’association,
- représentation collective,
- responsables d’un service de garde,
- travailleurs migrants agricoles
Abstract
In 2001, 2007 and 2011 the Supreme Court of Canada’s decisions recognized, step by step, the right to bargain collectively as a part of the constitutionally enshrined freedom of association in the Canadian Charter of Rights and Freedoms. These Supreme Court decisions have the potential to create a wave of optimism among workers with low job security because they have created a great opportunity for these workers to improve their collective representation.
The purpose of this article is to analyze the collective representation of precarious workers in view of these new developments. Our analysis shows that legislators have not made any significant effort to ensure that workers have more access to collective representation and collective organizations, once a pillar for the development of collective action in the middle of the 20th century, have not done so either. The synergy between these two sources of worker support no longer achieves this objective. In fact, during the last few years, it has been the courts, particularly the Supreme Court of Canada, which have created the components for a better collective representation of workers.
The article begins with an emphasis on how legislation and collective action are obstacles to improving collective representation for workers with low job security, whereas the courts recognize that workers are on the vulnerable side of the employment relationship and that some workers are more vulnerable than others. As a result, the courts tend to decide in favour of better protections for workers.
Moreover, in 2007 and 2011 the Supreme Court of Canada decided that the freedom of association protections in section 2(d) of the Charter included the right to collective bargaining. But the Court declared that protection for collective bargaining rights is not sufficient. These rights need an effective statutory framework. The Court added that it was not constitutionalizing “a particular model of labour relations, nor … a specific bargaining method.”
This precision has shaped litigation in Quebec, where it has been an ideal breeding ground for creating new forms of collective representation for those workers who have less capability to bargain collectively and require statutory support for an effective protection for the right to organize and bargain collectively. The article continues by giving an account of two litigations that implement the lessons of the Supreme Court of Canada in the case of migrant agricultural workers and home care workers.
Keywords:
- precarious work,
- freedom of association,
- collective representation,
- home care workers,
- migrant agricultural workers
Resumen
En 2001, 2007 y 2011, los jueces de la Corte suprema de Canadá han reconocido mediante una serie de fallos el derecho a la negociación colectiva como un derecho derivado de la libertad de asociación, libertad constitucional prevista en la Carta canadiense de derechos y libertades. Estos fallos han alentado la esperanza de los trabajadores precarios que frecuentemente no son considerados en los mecanismos de representación y de negociación colectiva de condiciones de trabajo por un sindicato.
Este artículo analiza cómo la legislación e incluso la acción colectiva, otrora considerados como pilar del desarrollo de la representación colectiva, han podido constituir obstáculos al desarrollo de la representación colectiva de los trabajadores precarios. A continuación, se examina cómo la Corte suprema iba a favorecer el acceso a la representación colectiva de ciertos trabajadores “precarios” con el reconocimiento de la especificidad del trabajador, del trabajador precario, y acordando un ámbito más vasto a la garantía constitucional de la libertad de asociación. Luego, el artículo analiza los impactos de estos acontecimientos en la escena judicial quebequense respecto a los responsables de servicios de guardia y de los trabajadores emigrantes agrícolas, antes de discutir el rol del poder judicial en esta evolución.
Nuestro trabajo demuestra que los tribunales hoy en día parecen asumir el relevo del legislador y procuran así un terreno fértil para el auge de la representación colectiva de los trabajadores precarios.
Palabras clave:
- trabajo precario,
- libertad de asociación,
- representación colectiva,
- responsables de servicios de guardería,
- trabajadores emigrantes agrícolas
Appendices
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