RecensionsBook Reviews

Travail et reconnaissance des compétences, sous la direction de William Cavestro, Christine Durieux et Sylvie Monchatre; postface de Hugues Bertrand, Paris : Économica, 2007, 224 p., ISBN 978-2-717853-94-0.[Record]

  • Colette Bernier

…more information

  • Colette Bernier
    Université Laval

En France, l’analyse des démarches « compétences » s’est taillée une place centrale au sein de la sociologie du travail quand, à la fin des années 90, le patronat français, soutenu en cela par Zarifian, argumentait ouvertement en faveur de telles démarches face aux transformations de l’économie et de la technologie. Par la suite, plusieurs travaux parmi lesquels il faut citer l’ouvrage Réfléchir la compétence sous la direction de Dupray, Guitton et Monchatre (Octarès, 2003) ont tenté d’approfondir la réflexion théorique en replaçant notamment cette approche au sein d’un processus d’individualisation de la relation d’emploi. Le présent ouvrage se situe, avec certains des mêmes collaborateurs du groupe « Compétences » du Centre d’études et de recherche sur les qualifications (CÉREQ), dans la poursuite de cette réflexion. Constatant que l’expérimentation des outils relatifs à la gestion des compétences s’était jusqu’à récemment surtout limitée au périmètre de l’entreprise, les auteurs avancent que le développement récent des politiques publiques visant la transférabilité des compétences, la mobilité des individus et leur employabilité sur le marché du travail, déplace aujourd’hui la question sur le terrain de l’emploi. La question est alors de tenter de comprendre comment se construit la compétence et par quels moyens elle est reconnue à travers l’évaluation, la rémunération, la classification et la mobilité. Vaste chantier, d’autant plus motivant que l’action publique québécoise s’intéresse de près à cette question de la reconnaissance des compétences, et auquel l’ouvrage s’attaque par trois portes d’entrée : celle de la construction de la compétence individuelle et collective, celle du recours de plus en plus fréquent par l’entreprise à la notion de métier et celle enfin des négociations entre partenaires sociaux pour la reconnaissance des compétences. Élaborés en général sous forme d’essais faisant état des écrits les plus récents sur chaque question, les différents textes qui composent cet ouvrage collectif fournissent donc une base solide pour qui voudrait rapidement faire le tour de ce domaine d’expertise et de recherche. La première partie de l’ouvrage s’intéresse à une question plutôt négligée dans la dernière décennie, celle de la construction des compétences collectives. Les contributions de cette partie rappellent que la compétence collective ne peut se rapporter à une simple addition des compétences individuelles et nous invitent à réfléchir aux modalités de coopération au sein des collectifs de travail qui sont au coeur même de la construction des compétences. Ainsi, un premier texte, en analysant la façon dont se dévoilent les compétences collectives à travers les outils de gestion (référentiels, procédures d’évaluation, etc.) conclut que l’analyse des comportements serait l’innovation majeure de ces outils. Dans un second texte, confrontant les points de vue apparemment opposés de l’ergonomie et de la sociologie, les auteurs ouvrent un champ de réflexion sur les liens entre la production de règles collectives et leur appropriation individuelle. En cela, la contribution suivante montre qu’on ne peut contraindre des comportements coopératifs individuels qui sont vécus par les acteurs sur le mode du registre de « l’échange social ». Les compétences collectives seraient ainsi bien davantage que la somme des compétences individuelles. La seconde partie poursuit sur le thème de la construction des compétences à partir du constat de la résurgence du terme « métier » dans le vocabulaire gestionnaire. Une première contribution en propose une analyse en mobilisant la notion de « mandat ». Si la relation de mandat faisait normalement appel aux cadres et aux hommes de métier, avec les changements à l’organisation du travail (groupe de projets, approche par compétences), la pratique du mandat se répand dans les organisations et les fonctions d’exécution du travail. Ne serait-on pas face à une hétérogénéisation des groupes …