RecensionsBook Reviews

Les temporalités sociales : repères méthodologiques, ouvrage collectif coordonné par Jens Thoemmes et Gilbert de Terssac, Toulouse : Octarès éditions, collection Le travail en débats, 2006, 187 p., ISBN-10 : 2-915346-33-X.[Record]

  • Martine Buffier-Morel

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  • Martine Buffier-Morel
    École des Mines de Nantes

Cet ouvrage – dédié à William Grossin, fondateur des recherches sur les temps sociaux – traite des temporalités sociales et s’intéresse aux nouvelles manières de cerner les pratiques temporelles des acteurs, considérés au sens sociologique du terme. En partant d’enjeux sociaux concrets et de terrains d’enquête, l’objectif de ce livre porte sur les manières de travailler en sociologie des temps sociaux. Il met l’accent sur le « comment » de l’analyse en ayant demandé à une quinzaine d’auteurs – pour la plupart sociologues – d’interroger leurs outils, leurs concepts, leurs méthodes, les cadres théoriques qu’ils mobilisent. Les contributions fournies – douze au total – touchent à des enjeux sociaux divers : l’organisation productive et la réduction de la durée du travail, la féminisation des groupes professionnels, l’articulation emploi-famille et la dynamique du genre sur les arrangements temporels, l’expérience du chômage durable, les stratégies d’activité et les choix d’emploi de certaines catégories d’individus dans des pays aux économies en transition. Cette diversité d’objets et de terrains soumise pour chaque présentation au crible d’un questionnement sur la méthodologie utilisée, est en partie attenante à la problématique des 35 heures et au contexte de la RTT. Il va sans dire que ce contexte dans le cas français a contribué à stimuler et enrichir la recherche sur les temporalités sociales, en proposant à l’analyse une sorte de laboratoire d’élaboration des cadres temporels. Parmi les contributions qui ont répondu à l’exercice, nombreuses sont celles dont les investigations portent sur la production des normes temporelles en lien avec l’organisation productive et le hors travail. Les auteurs ont été sollicités dans un but didactique pour mettre en avant leurs difficultés méthodologiques face à la saisie des temporalités avec la consigne, semble-t-il, d’un propos concis mais non exempt d’explications concrètes pour bien faire comprendre leurs objectifs de recherche et dégager pour le lecteur avancées conceptuelles et savoir-faire heuristiques. Leurs présentations ont été regroupées selon quatre prismes qui forment les différentes parties de l’ouvrage. Le premier ensemble thématique convie à une exploration méthodologique au coeur de la fabrique des formes temporelles : il s’intéresse, à partir du chantier des 35 heures, au formatage du temps de travail, en ancrant la réflexion sur les nouvelles régulations qui caractérisent une action publique de plus en plus négociée, sur la capacité du chercheur à interpréter les logiques sociales sous-jacentes aux accords entre employeurs et organisations syndicales à partir d’idéaux-types de la négociation (classes d’accords), ainsi que sur les manières d’aborder le poids des normes temporelles sexuées et leur évolution en tenant compte de la production des principes du genre. Le second ensemble se focalise sur l’articulation des niveaux d’analyse et illustre des démarches qui, en combinant plusieurs appareils méthodologiques, ont construit et cerné leur objet en dépassant les antagonismes entre recherche qualitative et quantitative : on y trouve au fil des descriptions de recherche comment l’utilisation de traitements statistiques (analyse multivariée…), combinée à des démarches d’enquête plus inductive (recours au recueil de données par entretiens par exemple avec une place particulière donnée aux entretiens biographiques), a permis de faire progresser les résultats, ou encore comment la mobilisation de l’approche de genre rend compte des points de vue des hommes et des femmes dans leurs aménagements du temps de travail. Le troisième ensemble met au centre les temporalités de l’individu et tout l’intérêt de l’individualisme méthodologique et de l’analyse stratégique pour saisir le sens que l’individu en situation donne à l’agencement de ses temporalités. Ce recentrage sur la subjectivité de l’acteur dans la construction de son temps est riche d’enseignements et particulièrement en résonance avec la notion d’équation temporelle personnelle souvent mentionnée par …