La responsabilité sociale de l’entreprise (RSE), un concept émergeant dans les années 1950, connaît, depuis quelques années, un essor considérable. Les effets pervers sociaux et environnementaux de l’industrialisation libérale et mondialisée, de plus en plus médiatisés, propulsent ce concept à l’avant-plan. Tant les sociétés civiles, les gouvernements, les entreprises, les grands organismes internationaux que les universitaires sont concernés par les interrogations et pratiques associées à l’idée selon laquelle l’entreprise privée doit exercer des responsabilités relevant de l’intérêt général ou du bien commun. Cette pluralité d’acteurs aux intérêts parfois divergents participe à la réactualisation d’un concept multidimensionnel généralement considéré comme équivoque et qui, par conséquent, est parfois vigoureusement contesté. L’ouvrage Responsabilité sociale et environnementale de l’entreprise, sous la direction de Marie-France B. Turcotte et Anne Salmon, réunit les contributions de plusieurs chercheurs québécois et français provenant de domaines distincts. Son objectif est d’apporter un éclairage tant empirique que théorique sur les multiples facettes de la RSE. L’ouvrage est structuré en deux parties. La première, qui aborde la RSE dans une perspective empirique, contient quatre analyses de cas d’entreprises qui présentent les pratiques contemporaines en matière de RSE, ainsi que la diversité d’acteurs et d’institutions concernés par elles. La deuxième partie traite la RSE d’un point de vue théorique et multidisciplinaire; elle contient cinq chapitres témoignant des différentes perspectives théoriques sur la RSE, issues de corpus disciplinaires variés, notamment la gestion, l’économie, le droit et la sociologie. Le premier cas, étudié par Emmanuelle Champion et Corinne Gendron, concerne Mosanto, une multinationale américaine impliquée dans la production d’organismes génétiquement modifiés (OGM) et qui, critiquée pour ses activités polluantes et son passé de collaboratrice avec l’armée américaine, se présente aujourd’hui comme une « entreprise des sciences de la vie ». Malgré son lourd passé, elle adopte une position éthique nouvelle en se convertissant au développement durable. Les auteures de cet article tentent d’éclairer ce « paradoxe ». Dépassant la thèse de la stratégie commerciale ou de marketing, elles sont plutôt « d’avis que le nouveau discours de Mosanto participe à une offre éthique en émergence qui doit être comprise en lien avec la nécessaire légitimation de l’entreprise comme institution sociale ». Cette contribution ouvre la voie à des réflexions portant notamment sur l’impact des discours sociaux et environnementaux des entreprises sur les nouveaux systèmes de légitimation. Dans le deuxième chapitre, Stéphane de Bellefeuille et Marie-France B. Turcotte analysent les interactions entre Gildan, une firme de textile canadienne, dont les activités commerciales au Honduras sont controversées, et les mouvements sociaux. Le code de conduite adopté par la firme, traduisant sa prise de position éthique, se heurte aux systèmes de justification de divers groupes sociaux. Le chapitre explore les stratégies des acteurs impliqués dans le débat portant sur les pratiques de la firme ainsi que les divers systèmes de justification que ceux-ci mobilisent. La troisième contribution, signée par Monique Le Chêne et Emmanuel B. Raufflet, examine les relations de pouvoir entre la firme Yves Rocher et la communauté locale dans laquelle elle s’est implantée. L’entrepreneur en question est une figure ubiquiste dans la communauté qui a, par le biais de son entreprise, fortement contribué à la prospérité économique du territoire. En ce sens, l’entreprise peut être considérée socialement responsable. Toutefois, l’immense pouvoir économique, politique et symbolique de ce maire-entrepreneur semble avoir freiné la participation sociale, économique et politique de la société civile locale. Cette analyse de cas démontre la nécessité, aux plans théorique et pratique, d’intégrer les exigences de la démocratie aux modèles de la RSE. Dans le quatrième chapitre, Anne Salmon poursuit en quelque sorte la réflexion entamée dans le précédent en tentant de …
Responsabilité sociale et environnementale de l’entreprise, sous la direction de Marie-France B. Turcotte et Anne Salmon, Sainte-Foy : Presses de l’Université du Québec, 2005, 228 pages, ISBN 2-760513-75-0[Record]
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Sarah Tremblay Corriveau
Université Laval