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L’objectif de l’ouvrage est double. D’une part, les auteurs proposent de faire une « présentation méthodique et analytique des grandes règles de droit relatives à l’emploi » au Québec (p. 4). Ils ont aussi pour objectif d’en faire l’analyse critique en les situant dans leur contexte d’émergence et en rappelant leurs fonctions.
Pour ce faire, les auteurs empruntent une démarche qu’ils qualifient de « traditionnelle » (p. 1407) dans les cinq premiers titres de l’ouvrage. Le titre I est consacré à une introduction au droit de l’emploi. Il porte sur la définition et les composantes du droit de l’emploi, notion que les auteurs préfèrent à celle plus étroite à leurs yeux de droit du travail. Ce titre comporte aussi une présentation de l’histoire du droit de l’emploi et de ses liens avec la transformation du rôle de l’État depuis la révolution industrielle. Il comprend enfin une première analyse des sources du droit de l’emploi – la Constitution, les normes internationales, les lois, les règlements, la convention collective, le contrat de travail, la jurisprudence, les usages et la doctrine – qui aborde leurs rapports de complémentarité. Le titre II porte sur le contrat de travail. Il illustre comment les règles du droit de l’emploi encadrent tant les étapes qui précèdent l’existence du contrat (les règles relatives à l’embauche) que sa formation, sa définition, son contenu obligationnel, sa suspension ou sa rupture. Le titre III expose le contenu des lois de l’emploi. Contrairement au titre II, qui repose sur une trame chronologique, ce titre présente chacune des lois de l’emploi – des plus générales aux plus spécifiques – dans l’ensemble de ses dimensions : son histoire et sa raison d’être, son champ d’application, ses objets propres, ses mécanismes d’administration et d’application. Le titre IV porte sur le droit des rapports collectifs de travail en privilégiant une trame chronologique : y sont présentées les règles régissant la formation d’un syndicat, son accréditation, la négociation collective, la grève, la convention collective et l’arbitrage de griefs. Le régime applicable dans les services et secteur publics fait aussi l’objet d’un développement spécifique. Le titre V est consacré à la « pathologie » (p. 1407) du droit de l’emploi, pour reprendre le terme judicieux des auteurs, c’est-à-dire au contentieux de l’emploi. L’objectif est ici de présenter de manière systématique les recours spécialisés découlant des lois de l’emploi en précisant leurs finalités ainsi que leurs modalités procédurales. Les recours devant les tribunaux de droit commun ainsi que certains recours administratifs et de nature pénale sont aussi systématiquement présentés.
Le rapide survol qui précède ne rend pas compte de la richesse du contenu de ces cinq premiers titres. En effet, nous sommes en présence d’un ouvrage de synthèse qui dépasse largement la seule description des règles de droit existantes. Bien sûr, l’analyse de la portée juridique des règles est rigoureuse et élaborée et elle repose sur un large éventail de sources jurisprudentielles et doctrinales. Mais cette analyse s’insère dans une perspective plus globale, prenant en compte des facteurs historiques, sociaux ou économiques, qui enrichit la compréhension que l’on peut avoir de la teneur actuelle des règles, de leurs forces et de leurs faiblesses. Bref, et c’est l’une des grandes réussites de cet ouvrage, les deux objectifs que les auteurs avaient identifiés d’entrée de jeu sont traités de manière intégrée dans ces cinq premiers titres, ce qui ne va pas de soi.
Dans le sixième et dernier titre, les auteurs délaissent l’exposé et d’analyse de ce qui est pour proposer une réflexion sur le devenir du droit de l’emploi. Après avoir rappelé les métamorphoses de l’organisation de l’entreprise et du travail et montré le caractère inadapté du droit de l’emploi actuel pour saisir ces nouveaux phénomènes, les auteurs précisent les orientations que devrait suivre une éventuelle réforme du droit de l’emploi. Ce titre fait en sorte que cette réédition de l’ouvrage d’abord paru en 1998 (et recensé dans la revue Relations industrielles en 2000) va au-delà de la seule et nécessaire mise à jour, bien qu’aucun changement notable n’ait été apporté à sa structure. Dans le titre VI, les auteurs livrent les fruits d’une analyse prospective du droit de l’emploi qui était esquissée dans l’épilogue de la première édition. Cette analyse s’inscrit parfaitement dans la perspective d’ensemble de l’ouvrage : elle illustre le souci des auteurs de rattacher l’analyse des règles de droit à la transformation du travail.
Plusieurs raisons justifient la place unique que cet ouvrage occupe dans la doctrine du droit du travail au Québec. En effet, au-delà de l’exhaustivité du contenu présenté, l’ouvrage multiplie les angles d’approche de l’objet et rejoint de ce fait plusieurs auditoires. Il est bien sûr utile aux étudiants universitaires qui reçoivent une formation en droit du travail, que ce soit à l’intérieur d’un département de relations industrielles ou d’une faculté de droit. Ils trouveront dans cet ouvrage un exposé exhaustif du contenu du droit de l’emploi ainsi que des références à la jurisprudence et à la doctrine pertinentes. Soulignons au passage les vertus pédagogiques indéniables du titre I pour l’enseignement du droit du travail en relations industrielles puisque ce titre situe le droit de l’emploi à l’intérieur de paramètres généraux du droit (la définition des sources du droit, par exemple) dont la connaissance est généralement tenue pour acquise dans ce genre d’ouvrage. Les étudiants provenant de facultés de droit trouveront aussi dans ce titre une illustration trop rare des liens essentiels et dynamiques entre les règles de droit et les rapports sociaux qui en déterminent l’émergence et la teneur.
L’ouvrage est aussi utile aux praticiens du droit de l’emploi, qu’ils soient avocats, conseillers syndicaux ou conseillers en gestion des ressources humaines qui trouveront, par exemple dans l’analyse chronologique des titres II et IV, une manière unique de concevoir l’intervention du droit dans leur pratique quotidienne. Il est utile aux personnes davantage intéressées par l’élaboration, le contenu, l’administration et l’application des politiques publiques qui trouveront dans le titre III un exposé par loi qui met en évidence l’ensemble des caractéristiques des différents régimes législatifs. Il est enfin essentiel pour les professeurs, chercheurs et praticiens qui s’interrogent sur le devenir du droit du travail. Ils trouveront dans ce livre un exposé des règles existantes, une analyse de leur inadéquation et des propositions de changement qui stimulent la réflexion et la discussion.
Ce choix de privilégier plusieurs angles peut occasionner certaines redondances : par exemple, l’analyse détaillée et chronologique du rapport d’emploi faite au titre II n’est pas sans liens avec les lois de l’emploi qui portent sur ce rapport (titre III) et avec les recours qui en découlent (titre V). Mais c’est justement cette diversité qui fait en sorte que l’ouvrage peut desservir un auditoire aussi diversifié. On peut aussi regretter que le droit du travail de juridiction fédérale ne soit pas abordé. Il reste que cet ouvrage incarne parfaitement une approche doctrinale combinant l’analyse rigoureuse des règles de droit et la prise en compte des facteurs sociaux qui en expliquent la teneur. Il s’agit d’une contribution essentielle en droit du travail et en relations industrielles au Québec.