Les régimes de régulation du travail de plusieurs industries et nations sont bouleversés actuellement par des changements économiques et sociaux. Ces transformations mettent en évidence les défis auxquels les syndicats locaux doivent faire face dans un contexte de restructuration des milieux de travail et créent ainsi un intérêt renouvelé pour le syndicat local comme objet de recherche. Les sources de ces défis proviennent à la fois des régimes nationaux et des milieux de travail. D’une part, le recours moins fréquent à la négociation type et l’affaiblissement de l’habileté des syndicats à imposer des ententes types, en raison notamment de l’augmentation de la différenciation des produits et de la compétition internationale, ont mis en évidence le rôle qu’assume le syndicat local dans ces changements. Là où les syndicats nationaux donnaient le ton, il incombe désormais aux syndicats locaux de faire de leur mieux dans des circonstances pourtant de plus en plus hétérogènes. D’autre part, les employeurs ont réussi, particulièrement dans le secteur privé, à amener les syndicats locaux à ne plus se concentrer uniquement sur les garanties d’emploi, mais bien à discuter des conditions pouvant assurer la compétitivité des entreprises et ainsi, en principe du moins, une meilleure sécurité d’emploi. Ces nouvelles préoccupations forcent l’implication des syndicats locaux dans des négociations continues concernant les nouveaux procédés de production, les systèmes de qualité et l’organisation du travail qui en découle. En échange, on leur promet une meilleure participation et une meilleure qualité de vie au travail pour leurs membres. Cependant, les nouvelles tâches que doivent assumer les syndicats locaux sont de taille, en particulier à cause des besoins de nouvelles compétences et d’expertise, pour lesquels il est nécessaire de repenser la relation entre le syndicat local et le syndicat national ou les autres niveaux intermédiaires de la structure syndicale, mais également à cause des nouvelles sources de fragmentation et de conflits à l’intérieur de la force de travail. De plus, de fortes pressions vers le repli au niveau local s’exercent, repli communément désigné comme étant la tendance vers le microcorporatisme ou le syndicalisme d’entreprise. Le syndicat local est ainsi le point de levier des changements et, dans le régime de relations du travail nord-américain du moins, il est possible d’affirmer qu’il est au coeur même des débats portant sur le renouveau syndical. C’est en gardant à l’esprit ces changements que nous avons réuni des études qui se concentrent sur le rôle du syndicat local. L’impulsion initiale a été donnée par un groupe de spécialistes réunis par Pradeep Kumar, Christian Lévesque et Gregor Murray dans le cadre du congrès de l’Association canadienne des relations industrielles tenu à Edmonton en 2000. D’autres textes soumis à la revue viennent compléter ce recueil. Cette contribution reprend également des thèmes qui ont déjà été explorés dans des numéros récents de RI/IR, en particulier par Lévesque et Murray (« La régulation paritaire du changement à l’épreuve de la mondialisation », vol. 53, no 1, 1998) ainsi que dans un numéro thématique portant sur les relations industrielles dans les nouveaux milieux de travail (vol. 54, no 1, 1999). Dans ce numéro, quatre articles présentent des études portant sur les syndicats en contexte de restructuration des milieux de travail. Le premier article, celui de Paul-André Lapointe, présente des études de cas longitudinales dans l’industrie des pâtes et papiers au Québec. Afin de mieux comprendre la variation dans les formes de participation syndicale à la gestion des entreprises, l’auteur avance différents modèles de participation des travailleurs et des syndicats dans le processus de réorganisation du travail. Il démontre que certaines des expériences analysées favorisent des syndicats locaux plus forts alors que …
Syndicats locaux et restructuration des milieux de travail : introduction[Record]
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Gregor Murray
Directeur