Abstracts
Abstract
The author addresses the questions of why industry-wide bargaining was developed in the Canadian meat-packing industry and why it suddenly collapsed.
Résumé
Depuis près de quarante ans, les négociations collectives multipatronales avaient soustrait les salaires à la concurrence dans l'industrie des abattoirs au Canada, mais ce régime s'est effondré sous la pression des employeurs. Ces négociations s'effectuent désormais firme par firme.
Depuis 1947, les trois plus importantes maisons d'abattage et de mise en conserves (Canada Packers, Burns et Swift Canadian) négociaient pour l'ensemble de l'industrie. Dans la pratique, cela consistait pour elles à rencontrer à Toronto la United Food and Commercial Workers International Union au même hôtel, mais à des tables distinctes. Du côté patronal, on y retrouvait les bureaux de direction, les gérants d'établissements ainsi que les directeurs de personnel, tandis que les comités de négociation des syndicats étaient formés de délégués de chacune des entreprises sous la présidence d'un représentant syndical.
Sur les questions principales (salaires, caisses de retraite, heures supplémentaires, etc.), les comités syndicaux présentaient aux employeurs des réclamations identiques formulées à la suite de consultations à l'échelle nationale. Quand on en arrivait à un accord, les comités de négociations du syndicat en recommandaient conjointement la ratification par l'ensemble des membres. Pour s'assurer que la décision d'accepter ou de rejeter les propositions patronales était conforme à la volonté des travailleurs d'un bout à l'autre du pays, les bulletins de vote de tous les établissements étaient réunis en un tout. Si l'on en n'arrivait pas à un règlement, une entreprise (généralement Canada Packers) était choisie comme « cible de grève » et l'entente qu'on y obtenait servait de norme à toute l'industrie. Les autres abattoirs acceptaient cette convention collective cadre sans conflit et elle s'appliquait plus ou moins automatiquement aux plus importantes entreprises régionales.
En 1984, cette forme de négociations, qui durait depuis quarante ans, s'écroula. Pour vaincre la forte opposition du syndicat, les employeurs exigèrent les négociations unité par unité. À l'heure actuelle, il ne reste rien des négociations multipatronales et multiétablissements. En quatre ans à peine, une structure, qui semblait à toute épreuve, s'était effondrée, et on n'entrevoit guère de perspectives de relèvement.
Dans le passé, les négociations centralisées avaient bien servi les employeurs. Loin de menacer leurs entreprises sur le marché, les négociations dites nationales avaient contribué à la stabilité du processus de fixation des prix : l'uniformité des salaires justifiait l'uniformité des prix et servait de moule pour les augmentations. Tant que toutes les entreprises de l'industrie purent envisager les mêmes augmentations dans les coûts de la main-d’œuvre, les négociations collectives ne présentaient aucun danger; au contraire, elles constituaient un avantage. Les conditions de travail pour ce secteur d'activité avaient pour résultat de soustraire les salaires à la concurrence. Les négociations collectives remplaçaient le mécanisme plutôt lent et aussi quelque peu moins sûr du marché du travail; les syndicats devenaient ainsi une courroie de transmission rapide des majorations à toute l'industrie. Parce que tous les employeurs accordaient les mêmes augmentations de salaires, les prix pouvaient s'établir en conséquence. Les négociations centralisées permettaient aux employeurs de hausser les prix, certains que ceux-ci correspondraient aux majorations des coûts que devait supporter l'industrie dans son ensemble.
Mais le système a craqué. L'industrie de l'abattage est revenue à une ère de concurrence et a miné les fondations sur lesquelles reposaient les négociations nationales. Les conditions de travail restèrent fort stables d'une façon générale tant que l'industrie demeura un oligopole. Mais le marché plus concurrentiel de la décennie 1980 a détruit les assises sur lesquelles l'uniformité des salaires reposait. La surproduction a bouleversé le processus de fixation des prix et des salaires. L'industrie des abattoirs n'est plus un oligopole hermétique : une seule entreprise conserve une dimension vraiment nationale; la plupart des producteurs sont de taille moyenne pour qui les salaires régionaux plutôt que nationaux constituent un point de comparaison.
La faiblesse du marché du travail en Alberta a offert aux employeurs la porte d'entrée dont ils avaient besoin. Et une fois brisé le modèle national, ils se trouvaient bien placés pour faire plier le syndicat.
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