Abstracts
Abstract
Collective bargaining has gone through three different stages in US evolution: organizational, containment and accomodation. However, in the last few years, pressures and complexities in collective bargaining have threatened the very existence of this institution.
In this article the author explains and analyses recent developments in labour relations, more particularly the creation of committees in large corporations in order to provide for a joint continuing study of the problems and issues of mutual interest to both parties.
Résumé
Une crise sérieuse menace actuellement l'institution solide qu'est celle des négociations collectives. L'automation, les changements technologiques, les fusions de sociétés et la concurrence étrangère et domestique toujours plus intense, sont comme un défi jeté à la face du patronat et des syndicats. Ils modifient l'équilibre des forces de négociation et mettent en péril l'institution elle-même. Le professeur Paul Jacobs de l'Institut des Relations Industrielles de l'Université de Californie à Berkeley, un ancien membre des syndicats internationaux et un organisateur de syndicats, est d'avis que le système des négociations collectives est sur le point de s'effondrer. Selon lui, « l'automation et le type de chômage qui en résulte pour une usine présentent des problèmes qui dépassent sans aucun doute les possibilités des négociations collectives par le patronat et les syndicats. »
De plus, l'automation et les développements de la technologie dans certaines industries ont eu pour effet d'émousser l'arme la plus efficace des syndicats, la grève. L'an dernier lors de la grève de six mois contre Irving Refining Limited à Saint-Jean, Nouveau Brunswick, on a bien vu qu'il était très possible d'opérer une rafinerie presque à plein volume avec la seule aide des chefs de division et du personnel technique. D'autres industries, comme celle du téléphone, sont dans le même cas.
Les syndicats et le patronat doivent donc, sans tarder davantage, examiner leurs techniques traditionnelles de négociations et leurs positions historiques respectives. Les dernières années ont vu apparaître quelques signes encourageants. Des militants patronaux et syndicaux ont réussi à résoudre la plupart de leurs problèmes à long terme grâce au procédé des négociations collectives.
Cet article a pour but de décrire quelques unes de ces expériences créatrices qui ont eu lieu aux Etats-Unis et au Canada au cours des dix dernières années. Aux Etats-Unis, on a vu naître « The Armour Automation Committee », « The Mechanization and Modernization Agreement - West Coast Longshore », « The Human-Relations Committee in Basic Steel », et « the Kaiser Plan ». Quant aux expériences canadiennes, elles seront discutées dans la seconde partie de cet article.
Ces initiatives n'offrent pas une solution aux problèmes journaliers de l'usine mais elles indiquent la possibilité de trouver une solution efficace aux problèmes à long terme. Les syndicats et le patronat ont imaginé et utilisé divers moyens de collaborer pour résoudre ces problèmes tels que comités paritaires d'étude sans l'aide de parties indépendantes recrutées au dehors, ou groupes privés à trois avec l'aide de parties indépendantes.
LES EXPÉRIENCES AMÉRICAINES
Armour & Company, qui tient le second rang des usines de salaisons aux Etats-Unis, a fermé plusieurs établissements dans la période 1956-1958, établissements où travaillaient 25% du total du personnel de production. Lors des négociations, les syndicats ont exigé une semaine de travail plus courte, la garantie de leur emploi, un préavis de fermeture d'usine et le droit de renégocier la convention collective même à la fermeture d'une usine. Vu la possibilité d'une grève coûteuse, la compagnie a accepté la constitution d'un comité, comprenant un nombre égal de représentants des syndicats et du patronat, présidé par un membre du personnel de direction non concerné par le différend. La fonction du comité était d'étudier les problèmes et de faire des recommandations. Les principales recommandations sont citées ci-après. La compagnie est obligée d'avertir le personnel 90 jours avant la fermeture de l'usine. Il est possible de transférer les droits d'ancienneté. Quand un membre du personnel est transféré à une autre usine il garde ses droits d'ancienneté et ses états de service continus inchangés. Une caisse spéciale est établie pour payer le coût du transfer. Il est stipulé que les ouvriers peuvent prendre leur retraite à 55 ans et que leur retraite sera majorée de 50%.1
Pacific Maritime Association Plan
La grande préoccupation des patrons de l'industrie de la marine marchande était l'augmentation des prix de revient et ils désiraient mécaniser au maximum le chargement et la manutention des cargaisons. Le point de vue des syndicats au contraire était que la mécanisation et la modernisation du travail menaçait leur emploi. Cependant ils étaient prêts à autoriser l'usage de méthodes d'économie du travail pourvu que les travailleurs puissent recevoir leur part des économies financières ainsi réalisées.
Le « Pacific Maritime Association Agreement » diffère de l'« Armour Automation Committee » du fait de l'exclusion des parties indépendantes.
Kaiser Plan
Au cours de la grève de 1959 qui frappait toutes les aciéries des Etats-Unis, la compagnie Kaiser s'est dissociée des autres compagnies, et Mr. Kaiser a institué un comité tripartite, syndicat, patronat et neutres, ayant pour but d'arriver à un plan pour organiser « un partage équitable des fruits du progrès économique de la compagnie entre les actionnaires, les employés et le public. » Le comité est tombé d'accord sur un plan qui avait aussi l'avantage de protéger les situations des ouvriers et leur salaire contre les conséquences des changements technologiques. De fait on leur garantit des salaires et des avantages sociaux égaux ou supérieurs à ceux du reste de l'industrie de l'acier. Ce plan se propose de payer une somme d'argent net à tous les employés qui acceptent de renoncer au système de primes au rendement. La raison pour laquelle le « Kaiser Plan » a été un succès jusqu'ici et une source d'avantages pour chaque groupe est que les syndicats et le patronat ont montré qu'ils étaient prêts à changer le système de partages des coûts ou même à le remplacer par un autre au cas où celui qui est présentement en usage ne rencontrerait pas les désirs et les objectifs des deux parties.
Human Relations Committee
En janvier 1960 le « Human Relations Committee in the Basic Steel Industry » a été constitué dans un but d'études et avec mission de recommander des solutions à des problèmes communs tels que classification des tâches, système d'ancienneté, la plus grande protection possible pour les employés ayant le plus d'ancienneté en cas de mise- à-pied et lors du réembauchage, et autres problèmes. Un des membres du comité, Mr. R. Heath Larry, qui représentait U.S. Steel Co., parlant du travail accompli après les négociations de 1963, s'est exprimé ainsi :
Nous n'avons pas encore trouvé les solutions parfaites et sans doute nous ne les trouverons pas non plus. Mais nous avons fait des progrès, cela dit sans équivoque. De plus en plus les réalités économiques du comité et les besoins des employés sont reflétés dans les conventions. Je suis persuadé que nous sommes capables de progresser dans cette voie et que nous y progresserons. 2
Caractères communs de ces plans
Le caractère commun à chacun de ces plans et de ces initiatives est l'établissement d'un comité mixte pour étudier les problèmes et les questions pendantes auxquels les deux groupes s'intéressent. Ces essais montrent que l'institution des négociations collectives est capable de s'adapter à un changement de circonstances. Les plans américains sont étroitement adaptés à des situations particulières. Cependant les principes généraux qui les ont inspirés sont tout aussi valides pour des situations purement canadiennes.
LES EXPÉRIENCES CANADIENNES
On peut distinguer deux catégories dans les expériences canadiennes, 1) la collaboration des syndicats et du patronat sur le terrain de la législation du travail, et 2) la collaboration des syndicats et du patronat au niveau de l'usine ou de l'industrie.
Collaboration des syndicats et du patronat sur le terrain de la législation du travail
Contrairement aux Etats-Unis les questions des relations entre les travailleurs et le patronat sont du ressort des provinces. Au Canada les lois du travail penchent vers la sévérité. La tendance générale est de légiférer sur un nombre toujours plus grand de facettes des relations industrielles, avec comme résultat inévitable, une augmentation du nombre des litiges et une atmosphère orageuse dans les relations industrielles dans le passé. C'était le cas en Nouvelle-Ecosse et l'une et l'autre des parties en sont venues à penser que l'intervention du gouvernement dans les processus des négociations collectives libres s'imposerait toujours davantage à moins que les parties se décident à se rencontrer pour discuter de problèmes communs.
L'Institut des Affaires publiques de l'université Dalhousie a alors suggéré une réunion entre les deux parties, syndicats et patrons, sous ses aupices et dans ses murs. C’est au printemps 1962 que le « Joint Labour-Management Study Committee » s'est réuni pour la première fois pour discuter de problèmes communs,, et au mois de novembre suivant les syndicats et le patronat se sont réunis en congrès sous les auspices de l'Institut des Affaires publiques et ont donné leur accord au « Joint Six Points Agreement. » La clause la plus significative était celle où les deux parties demandaient un moratoire sur les requêtes à l'Assemblée Législative concernant les amendements au Code du Travail de la Nouvelle-Ecosse. Un second congrès a eu lieu en mai 1963 et a exprimé le désir que le gouvernement s'abstienne de nommer un conseil de conciliation à moins d'en avoir été prié par chacune des parties. Une autre recommandation prévoyait que les propositions du comité soient revues et approuvées chaque année par le congrès. L'auteur de cet article a eu le privilège d'assister au troisième congrès en novembre 1964 et de présider un des groupes d'étude. Après avoir examiné les rapports fournis par le Ministère du Travail de la Nouvelle-Ecosse, le comité s'est déclaré satisfait des résultats obtenus et des changements au Code du Travail, et a jugé que de nouveaux changements n'étaient pas nécessaires. Il faut ajouter ici que les changements au Code du Travail opérés par l'Assemblée législative avaient suivi dans les grandes lignes les recommandations que le comité avait présentées au Cabinet provincial.
Des essais du même genre ont aussi pris place dans les provinces du Québec, de l'Alberta et du Manitoba.
Collaboration entre syndicats et patrons au niveau de l’usine et de l’industrie DOMTAR
La DOMTAR Chemical Company, qui a des entreprises très diversifiées, fut une des premières à instituer une série de réunions entre représentants des syndicats, du patronat et des sections locales, dans toutes ses branches et dans tout le pays, dans l'espoir d'arriver à une compréhension plus grande entre les syndicats et les patrons. Cette compagnie est en rapport avec 120 sections locales qui sont affiliées à 27 syndicats nationaux et internationaux.
Aucun agenda n'avait été préparé pour les deux jours qu'a duré le premier congrès qui a eu lieu les 20 et 21 novembre 1962. Cependant, le groupe a décidé de discuter des problèmes relatifs aux régimes de retraite, au déplacement des travailleurs provoqué par l'automation, le remplacement de machinerie, les changements technologiques et les modifications du marché, et autres problèmes communs. En novembre 1964, le sous-comité s'est mis d'accord sur un système d'ancienneté transférable. D'après ce plan, un employé qui a travaillé pour la compagnie un minimum de cinq ans et qui a été renvoyé sans qu'il en soit responsable, peut transporter son droit d'ancienneté partout où il sera transféré par la compagnie. Le taux de transférabilité de l'ancienneté est d'un an transférable pour cinq ans de service, jusqu'à un maximum de cinq ans transférables. L'administration du plan est la responsabilité d'un comité mixte de délégués des syndicats et du patronat.
Railway Job Security Fund
Le pacte conclu en 1962 entre les deux plus importantes compagnies de chemin de fer et les syndicats représentant leurs employés est un autre exemple important de collaboration entre syndicats et patronat en ce qui concerne les problèmes des travailleurs déplacés. On y remarque une clause qui institue une caisse de compensation d'emploi. L'employeur accepte de contribuer un sou par employé pour chaque heure de travail. Ce fonds est destiné principalement à aider à la réadaptation des travailleurs déplacés, c'est-à-dire à couvrir les frais de transport, d'établissement et de rééducation.
The Eastern Canada News Print Group Joint Resolution on Automation
En mai 1963 les compagnies et les syndicats du Eastern Canada News Print Group passèrent une résolution concernant les problèmes d'automation dont les points principaux sont les suivants : « La nécessité de se maintenir dans une position avantageuse vis-à-vis la concurrence forcent les usines à augmenter leur productivité et à continuer leurs efforts pour contrôler leur prix de revient. Les compagnies et les syndicats réalisent que, de concert avec le gouvernement, c'est leur devoir direct et réel de réduire au minimum les effets néfastes qui peuvent découler de l'automation et des changements technologiques. Ils sont d'accord pour s'efforcer ensemble de trouver les moyens pour prévoir et réduire ces effets néfastes ». Les directeurs sont d'avis que l'adoption de cette résolution ne met pas leurs droits en péril et que le support des travailleurs facilitera une introduction rentable de changements technologiques, « D'autre part les travailleurs ont reçu au plus haut degré l'assurance de garder leur emploi, tout en conservant la possibilité d'obtenir la meilleure solution pour chaque individu. » 3
Limitations
Les nouvelles avenues crées pour les négociations collectives et les nouveaux plans qui encouragent au maximum les consultations et la collaboration entre les syndicats et le patronat représentent les efforts d'un groupe encore restreint de patrons et de militants ouvriers. Il n'en est pas moins vrai que la grande majorité des patrons et des dirigeants syndicaux hésitent à adopter la doctrine derrière le plan DOMTAR ou les principes à la base des autres essais. Le petit groupe d'employeurs et de militants éclairés qui ont créé les nouveaux mécanismes qui revitalisent les processus de négociations collectives joueront-ils un rôle de pionnier ou non? C'est une chose difficile à prédire à l'heure actuelle; il est probable que oui.
Les raisons qui amènent les groupes rivaux à se rapprocher pour résoudre des problèmes communs varient de compagnie à compagnie, d'industrie à industrie et de province à province. Pour la Nouvelle-Ecosse, il s'agissait d'une combinaison de plusieurs facteurs locaux, qui ont finalement assuré le succès de l'expérience. Les provinces du Manitoba, de l'Alberta et de l'Ile-du-Prince-Edouard ont été impressionnées par les effets du plan de la Nouvelle-Ecosse et elles sont en train d'en adapter les principes à leur situation locale. Au Nouveau Brunswick, cependant, les efforts du Ministère Provincial du Travail n'ont pas amené les résultats désirés. Une des raisons du manque de succès est probablement que les fonctionnaires du ministère ont une attitude paternaliste et qu'ils cherchent à jouer un rôle de premier plan dans la formation du groupe et la direction de ses activités. Une autre vient du fait que la plupart des grands directeurs de sociétés de la province sont opposés aux consultations en commun. Sans qu'il soit nécessaire de copier le plan de la Nouvelle-Ecosse dans tous ses détails, les principes qui l'ont inspiré devraient être étudiés de près pour voir dans quelle mesure ils sont applicables aux conditions du Nouveau-Brunswick.
CONCLUSION
On ne peut pas encore évaluer la signification entière de ces expériences nouvelles. Cependant, on peut déclarer dès maintenant que le patronat et les syndicats se rendent compte que, à moins de découvrir de nouvelles avenues vers la solution de ces problèmes, à moins d'entreprendre des démarches positives vers l'amélioration de leurs relations quotidiennes, l'institution des négociations collectives est en danger. Ces avenues et ces démarches nécessitent une compréhension plus large de la part des syndicats et des patrons et un désir plus grand d'exploiter les possibilités nouvelles des négociations collectives.
Les expériences décrites plus haut peuvent paraître bien faciles et simples. Cependant c'est grâce au travail acharné, aux désappointements, au courage et au « leadership » des militants syndicaux et des chefs de direction que ces initiatives nouvelles ont été rendues possibles. La consultation et l'étude en commun ne garantissent pas l'élimination des grèves et des conflits. Mais au cours des dernières années l'idée de recherche des faits et d'analyse objective par un comité mixte a gagné du terrain et a résulté en une série d'avantages matériels pour chaque partie et ceci avec un minimum de luttes. Ces méthodes sont donc très prometteuses et indiquent la possibilité de meilleures relations industrielles pour l'avenir.
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