Abstracts
Résumé
Dans l’arrêt Ward c Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, la Cour suprême du Canada a tranché une question difficile et délicate : où tracer la ligne entre la liberté d’expression, d’une part, et, d’autre part, les droits à la dignité et à l’égale dignité? Une majorité de cinq juges a reconnu le droit de l’humoriste Mike Ward, dans le cadre d’une démarche artistique expressive, de rire publiquement du handicap avec lequel vit Jérémy Gabriel, encore enfant au moment des faits en litige. Ainsi, sauf de rares exceptions, la Charte des droits et libertés de la personne du Québec n’a pas pour objet et ne devrait pas avoir pour effet d’encourager la censure. Pour les quatre juges dissidents, les blagues litigieuses de l’humoriste constituaient plutôt de la discrimination, fondée sur le handicap, dans l’exercice du droit à la dignité, contraire aux articles 4 et 10 de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec. Il ne s’agirait donc pas d’un litige portant principalement sur la liberté d’expression, mais d’une affaire mettant en cause le droit à la non-discrimination d’un enfant handicapé et vulnérable. Ce texte vise à s’interroger sur les fondements, explicites et implicites, des motifs majoritaires et dissidents dans cet arrêt, sur les « jugements de valeur » effectués par les juges, et à les situer plus largement au regard de la structure et de la portée des droits à la dignité, à l’égalité et à la libre expression garantis par la Charte québécoise.
Mots-clés :
- Liberté d’expression,
- dignité humaine,
- égalité,
- conciliation de droits,
- jugements de valeur,
- interprétation judiciaire,
- Mike Ward,
- Jérémy Gabriel
Abstract
In Ward v Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, the Supreme Court of Canada decided on a difficult and sensitive issue: where to draw the line between freedom of expression and the right to dignity and equality? A majority of five judges recognized the right of comedian Mike Ward, as part of an expressive artistic process, to publicly laugh at the disability faced by Jérémy Gabriel, who was still a child at the time of the events at issue. Thus, with rare exceptions, the Quebec Charter of Human Rights and Freedoms is not intended to and should not have the effect of encouraging censorship. Rather, the four dissenting judges found that the comedian’s impugned jokes constituted discrimination based on disability, in the exercise of the right to dignity, contrary to sections 4 and 10 of the Quebec Charter of Human Rights and Freedoms. Therefore, this was not primarily a dispute about freedom of expression, but a case involving the right to non-discrimination of a disabled and vulnerable child. The purpose of this paper is to examine the basis, both explicit and implicit, of the majority and dissenting reasons in this case, the “value judgments” made by the judges, and to situate them more broadly in relation to the structure and scope of the rights to dignity, equality and free expression guaranteed in the Quebec Charter.
Keywords:
- Freedom of expression,
- human dignity,
- equality,
- balancing of rights,
- value judgments,
- judicial interpretation,
- Mike Ward,
- Jérémy Gabriel