
Volume 45, Number 2, 2015
Table of contents (8 articles)
Articles
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L’application de la Charte de la langue française à l’enseignement collégial : étude de la validité d’une idée de réforme latente à la lumière de développements récents en droits de la personne
Éric Poirier and Guillaume Rousseau
pp. 361–402
AbstractFR:
Périodiquement, l’idée d’appliquer à l’enseignement collégial les dispositions de la Charte de la langue française refait surface dans l’actualité québécoise. À chaque occasion, des experts de différentes disciplines se prononcent sur son opportunité. Le présent article se veut une contribution au débat en approfondissant plusieurs des questions juridiques pertinentes qu’il suscite. Après avoir circonscrit le débat en illustrant les changements législatifs qu’un tel projet commanderait, les auteurs constatent, à la lumière de récents développements en matière de droit de la personne, qu’il serait vraisemblablement conforme au droit constitutionnel canadien.
EN:
Periodically, the idea of applying provisions from the Charter of the French Language to CÉGEP (college-level studies) resurfaces in Quebec. On each occasion, experts from different disciplines take a stand on its appropriateness. This article contributes to the debate by addressing many of the relevant legal issues it raises. After circumscribing the discussion by illustrating the legislative changes that such a project would require, the authors find, taking into consideration recent developments in human rights law, that such changes would likely be compliant with Canadian constitutional law.
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De la possibilité d’être compris directement par les tribunaux canadiens, à l’oral comme à l’écrit, sans l’entremise de services d’interprétation ou de traduction
Mark Power and Marc-André Roy
pp. 403–441
AbstractFR:
Le présent article vise à explorer la question de l’existence d’un droit constitutionnel du justiciable d’être compris dans l’une ou l’autre des langues officielles par les juges de la Cour suprême du Canada, sans l’entremise de services d’interprétation ou de traduction. La question ayant déjà reçu une réponse négative de la part de la Cour suprême du Canada en 1986 en ce qui concerne les tribunaux néo-brunswickois dans l’affaire Société des Acadiens c Association of Parents, le présent article tente plus précisément de trouver les bases sur lesquelles les tribunaux pourraient s’appuyer s’ils devaient rejeter ce précédent établi par la Cour suprême du Canada et reconnaître, devant cette Cour spécifiquement, le droit d’être compris directement dans l’une ou l’autre des langues officielles, sans services d’interprétation ou de traduction.
EN:
This article analyses the possible existence of a constitutional right of a party to be understood in both official languages by justices of the Supreme Court of Canada, without the assistance of an interpreter or translator. This matter has already received a negative response from the Supreme Court of Canada in 1986 with regards to the courts of New Brunswick in Société des Acadiens v Association of Parents. This article attempts to set the basis on which the courts could reject that precedent of the Supreme Court of Canada and recognize the right to be understood directly, in both official languages, without the assistance of an interpreter or translator before that Court.
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L’atteinte à la vie familiale au Québec : premier mouvement
Mariève Lacroix
pp. 443–499
AbstractFR:
Ni le Code civil du Québec, ni la Charte des droits et libertés de la personne ne comprennent des mesures visant à assurer le droit au respect de la vie familiale. La famille demeure pourtant le socle de la société. Simple omission ou oubli volontaire du législateur? Dans une première partie, l’auteure pose les jalons d’une théorie de la famille dans le Code civil. Si l’on insiste sur un droit à une vie familiale, il faut se poser la question : quelle famille? Sur la base d’une signification donnée de la famille, avec une emphase marquée pour la teneur des liens qui unit les membres de la cellule familiale, plus que sa seule composition, l’auteure relève, dans une seconde partie, les mécanismes qui sanctionnent des atteintes à la famille. De cette analyse du droit québécois sur les atteintes à la vie familiale, l’auteure conclut que les tribunaux sanctionnent des atteintes directes (aliénation d’affection) et indirectes (perte de consortium et de servitium, et solatium doloris) à la vie familiale. Ils condamnent également des atteintes à la dignité, à l’honneur et à la réputation de la famille au regard du nom, mais aussi s’il y a offense du vivant d’un membre de la famille ou de sa dépouille mortelle. Par conséquent, un droit au respect de la vie familiale existe au Québec.
EN:
Neither the Civil Code of Québec or the Charter of Human Rights and Freedoms include measures to ensure the right to the safeguard of family life. Yet the family remains the bedrock of society. Simple omission or willful forgetting of the Legislator? In the first part, the author lays the groundwork for a theory of the family in the Civil Code. If one insists on the existence of a right to the safeguard of family life, we must ask: what is family? On the basis of a given meaning of “family”, with an emphasis marked for the content of the links uniting the members of the family, more than its single composition, the author notes, in a second part, the mechanisms condemning unlawful interference with family life. From this analysis of Québec law on violations of family life, the author concludes that the courts sanction direct attacks (alienation of affection) and indirect attacks (loss of consortium and servitium, and solatium doloris) to family life. They also condemn unlawful interference with the right to the safeguard of its dignity, honour and reputation with regards to the name, but also if there is an offense to a living family member or his remains. Therefore, a right to the safeguard of family life exists in Québec.
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La destinée perpétuelle de la propriété entre symbolisme et aléas
Yaëll Emerich
pp. 501–530
AbstractFR:
La propriété est-elle destinée à être perpétuelle? Si la propriété est certainement imprescriptible, l’imprescriptibilité doit être distinguée de la perpétuité. La reconnaissance de propriétés non perpétuelles par le droit positif québécois ou français, qui sont autant d’aléas au principe d’une propriété perpétuelle, pose la question de savoir si la perpétuité de la propriété n’est pas un symbole, voire un mythe. La thèse défendue ici est de dire que si la propriété est, en tant que prérogative fondamentale du droit des biens, destinée à être perpétuelle — par opposition aux droits réels démembrés ou droits sur la chose d’autrui, qui doivent être limités dans le temps pour ne pas porter atteinte à la structure du droit des biens et à la reconstitution de la propriété pleine et entière à l’extinction du démembrement — cette perpétuité n’est toutefois pas de l’essence de la propriété, ce qui explique les cas de propriété non perpétuelle ou à terme. Outre les exemples de la propriété superficiaire et de la copropriété, la propriété spatio-temporelle, la substitution, la propriété fiduciaire, ou encore la propriété intellectuelle peuvent s’analyser comme des exemples de propriété temporaire, remettant en cause le dogme d’une propriété absolument perpétuelle. La notion de modalité de la propriété, qui renvoie à une manière d’être de la propriété, ne saurait à ce titre faire écran au fait que la propriété peut ne pas être perpétuelle.
EN:
Is it ownership’s fate to be perpetual? Ownership is imprescriptible, but imprescriptibility does not equate to perpetuity. The recognition of non-perpetual ownership in France’s and Quebec’s laws raises the issue of whether perpetuity of ownership is only a symbol or a myth. The argument is made here that if ownership, as a fundamental prerogative of property law, is destined to be perpetual—contrarily to dismembered real rights or rights on the property of others, that must be limited in time so as to not impair property law’s structure and restoration of full ownership when a dismemberment ends—that perpetuity is not the essence of property, which explains cases of non-perpetual ownership and property with a term. Despite the examples of superficies and co-ownership, spatiotemporal ownership, substitution, fiduciary ownership and intellectual property can be conceived as cases of temporary ownership, challenging the dogma of a necessarily perpetual ownership. The notion of modality of ownership, which refers to ownership’s way of being, does not screen the fact that it is possible for ownership not to be perpetual.
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Le droit comme rempart utile? L’usage par les travailleurs étrangers temporaires des ressources proposées par le droit du travail
Dalia Gesualdi-Fecteau
pp. 531–578
AbstractFR:
L’usage du droit se traduit, dans la réalité sociale, par le recours aux modèles d’action ou de référence que proposent les normes juridiques. Or, le recours au droit intervient dans un contexte local, concret, spécifique et historiquement situé (Ewick et Silbey, 1998). Cet article présente les résultats d’une recherche qui avait pour but de documenter le rapport qu’entretiennent avec le droit du travail certaines catégories de travailleurs étrangers temporaires occupant des emplois qui requièrent un niveau réduit de formation. Sur le plan formel, cet ensemble régulatoire, qui a pour principale fonction la protection des salariés, s’applique intégralement à ces travailleurs, et ce, nonobstant leur statut migratoire. Toutefois, plusieurs travaux démontrent que ces travailleurs sont généralement moins enclins à dénoncer la violation de leurs droits au travail. Le droit du travail constitue-t-il un rempart utile pour ces travailleurs? À l’aide d’une méthodologie impliquant notamment une enquête de terrain, cette étude permet de mettre en lumière l’incidence du système d’emploi singulier dans lequel s’insèrent les travailleurs étrangers temporaires sur leur usage des ressources proposées par le droit du travail. Le recours à ces ressources n’est pas contingent et prédéterminé; il est inextricablement lié aux opportunités et aux contraintes avec lesquelles ces travailleurs composent. Cette recherche révèle également que les stratégies échafaudées par différents acteurs qui ne sont pas, sur le plan juridique, des parties au rapport salarial ont une incidence significative sur l’usage du droit; l’impact de celles-ci dépend largement du pouvoir dont ces acteurs disposent dans le système d’emploi.
EN:
In the social reality, law’s mobilization will translate by the resort to the action or reference models put forward by legal standards. Law’s mobilization intervenes in a local, concrete, specific and historically situated context (Ewick et Silbey, 1998). This paper presents the results of a research that sought to document the relation between “low-skilled” temporary foreign workers and labour law. Formally, these workers can benefit from the protection of labour law despite their migratory status. Many studies have however shown that they are generally less likely to report the violation of their labour rights. Does labour law constitute a useful bastion for these workers? Using a methodology involving a field study, this study pursues two objectives. On the empirical level, it allows to shed light on the impact of the singular employment system of these workers on their mobilization of labour law’s protections. Such mobilization is neither contingent nor predetermined; it depends on the constraints and on the opportunities arising from the employment system. Our research also reveals that strategies elaborated by actors who are not, from a legal perspective, parties to the employment relationship also have a significant impact on the way these workers take advantage of labour law’s resources; such impact largely depends on the power these actors have in the employment system.
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La nullité en droit des sociétés coopératives OHADA au regard du droit canadien des sociétés coopératives
Jules Goudem
pp. 579–612
AbstractFR:
La création des coopératives en Afrique remonte à la période coloniale. Elles sont aujourd’hui régies par l’Acte uniforme du 15 décembre 2010 relatif au droit des sociétés coopératives. S’affranchissant de la tutelle administrative vers 1990, elles sont devenues démocratiques et évoluent doucement vers les sociétés commerciales, mais différemment des entreprises individuelles et sociétés par actions. Comme l’Acte uniforme qui les régit permet à toute personne, quelle que soit sa nationalité, d’exercer en société coopérative une activité dans l’espace de l’OHADA et que l’article 296 de l’Acte définit le statut du représentant permanent de la personne morale coopératrice, des étrangers, dont les Occidentaux, peuvent y exercer cette activité. Fort de la susdite dynamique, les sociétés coopératives peuvent, au regard du droit canadien, offrir tous les types de produits ou de services et accomplir des actes de commerce. Au sein de ces différents droits, lesdites sociétés sont largement réfractaires à la nullité. Dès lors, il se pose un problème relatif à l’étendue de leur nullité et de celle de leurs actes. Cette analyse répond à la question en montrant que le domaine des nullités est aujourd’hui restreint, de façon assez ambiguë, par l’Acte uniforme et la pratique qui favorise la régularisation de certains actes nuls en matière de société coopérative.
EN:
The creation of cooperatives dates as far back as the colonial period. They are today governed by the Uniform Act of 15 December 2010. Affranchised under the administrative guardianship in 1990, they have become democratic and are slowly evolving towards the status of companies, but are different from sole proprietorship and active partnership companies. As the Uniform Act authorizes every individual, irrespective of nationality, to establish cooperatives, an activity within the OHADA zone, and as the article 296 especially defines the status of the permanent representative of cooperatives, foreigners, including from the Western World, can exercise this activity in the OHADA zone. Due to their dynamic nature, cooperatives, with regard to the Canadian Law, can provide any sort of products and services and can also accomplish other commercial acts. Taking both laws into consideration, cooperatives are largely defiant to nullity. As such, what is the scope of the nullity of these companies and their acts? This analysis answers the above question in showing that the domain of nullity today is ambiguously restraint by the Uniform Act and the practice which favours regularisation of certain null acts concerning cooperative companies.
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Star Trek : paradigme juridique et laboratoire du droit
Fabrice Defferrard
pp. 613–635
AbstractFR:
Star Trek est un univers de science-fiction paradigmatique pour le droit. Il repose pour l’essentiel sur une architecture juridique et judiciaire complexe, inspirée d’un modèle universaliste mettant en valeur les libertés publiques, les droits fondamentaux et une justice équitable. Chargés d’explorer pacifiquement l’espace, les officiers de Starfleet nouent des liens de droit et résolvent des conflits de normes dans des situations parfois inédites qui font de cette divertissante saga un véritable laboratoire du droit.
EN:
Star Trek is a realm of paradigmatic fiction for the system of law. It is based essentially on a complex legal and judiciary architecture, inspired by a universalist model that highlights civil liberties, fundamental human rights, and a fair trial. Tasked to peacefully explore outer space, officers of Starfleet establish law relations and solve conflicts of norms in sometimes uncommon situations, making this entertaining saga a genuine laboratory of law.