Abstracts
Résumé
De façon assez surprenante, le Code civil du Québec qui prévoit, à l’article 572, que « la filiation tant paternelle que maternelle se prouve par l’acte de naissance, quelles que soient les circonstances de la naissance de l’enfant » maintient aussi une présomption de paternité. L’article 574 C.c.Q. énonce en effet que « l’enfant né pendant le mariage ou dans les trois cents jours de sa dissolution ou de son annulation est présumé avoir pour père le mari de sa mère ». On ne précise pas cependant quelle est la force de cette présomption par rapport au titre. Existe-t-il une hiérarchie entre le titre et la présomption de paternité ? Lorsqu’un enfant naît durant le mariage et que son acte de naissance mentionne le nom de son père, est-ce le titre ou la présomption qui démontre la filiation paternelle ? À cette question, plusieurs réponses ont été données. Cet article démontre qu’aucune n’est pleinement satisfaisante. En effet, on ne peut prétendre que la présomption est encore aujourd’hui, comme elle l’était hier, le premier mode de preuve de la filiation paternelle d’un enfant né durant le mariage, sans contredire à la fois le texte de l’article 572 C.c.Q. et l’esprit du Code civil du Québec. La présomption serait-elle devenue un troisième mode de preuve qui ne jouerait qu’en l’absence du titre ou de la possession d’état ? Une telle interprétation limiterait beaucoup trop les possibilités d’exercice du désaveu. Peut-on alors soutenir qu’il n’existe pas de hiérarchie entre le titre et la présomption ? Cette explication n’est guère plus satisfaisante puisqu’elle oblige notamment à conclure à un conflit de filiation lorsque titre et présomption indiquent une paternité différente.
En permettant au titre de démontrer la filiation paternelle d’un enfant né durant le mariage, tout en maintenant une vague présomption de paternité, le législateur désirait plaire à tous. Malheureusement, en tentant d’être populaire, il n’a réussi qu’à être obscur et incohérent. Comme cet article le démontre, on ne peut prétendre que la présomption est, de façon absolue, égale, subordonnée ou supérieure au titre. Occuperait-elle, tour à tour, chacune de ces positions, selon les situations ?
Abstract
Quite astonishisngly, s. 572 of the Civil Code of Québec, while stating “Paternal and maternal filiation are proved by the Act of birth, regardless of the circumstances of the child's birth”, raises a presumption of paternity. Section 574 C.C.Q. states in effect that “If a child is born during a marriage or within three hundred days after the dissolution or annulment of the marriage, the husband of the child's mother is presumed to be the father”. Yest it is not precised what the strength of this presumption is with respect to the title. Is there a hierarchy between the title and the presumption of paternity? For a child born in a marriage whose act of birth states the father's name, is it the title or the presumption that indicates paternal filiation? Many answers are given to this question. This paper demonstrates that none is satisfactory. One cannot, in effect, allege that this presumption is what it was in the past, that is, the primary method of evidence of paternal filiation of a child born during the marriage, without contradicting both the text of s. 572 C.C.Q. and the spirit of the Civil Code of Québec. Has the presumption then become a third method of proof, coming into play only in the absence of title or state of possession? Such an interpretation would limit too greatly the possibility of the exercise of repudiation.
Can we then maintain that there does not exist any hierarchy between title and presumption? This explanation is hardly more satisfactory since it complies to conclude a conflict in filiation when title and presumption indicate a different paternity. Parliament wishes to please everyone by allowing the title to demonstrate paternal filiation of a child born during a marriage while maintaining a vague presumption of paternity. Unfortunately, in trying to be popular, it succeeded in being only obscure and incoherent. As this paper demonstrates, one cannot claim that the presumption is in an absolute fashion, equal, subordinate or superior to the title. Will each of these positions be occupied, one by one, depending on the situation?