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Introduction

En mai 2003, sous le thème « Rapports entre les sexes et les générations » se tenait la première édition de l’Université féministe d’été (UFÉ) de l’Université Laval; on y a analysé, d’un point de vue féministe, des « enjeux sociaux d’actualité ». Pendant une semaine chaque année, cette école d’été[1] constitue un espace d’échanges entre personnes étudiantes de tous les cycles, personnes enseignantes et chercheuses, groupes de défense des droits des femmes, organismes communautaires et organisations de différents milieux; on y discute des concepts, théories, méthodologies, pratiques et mobilisations féministes. Les éditions précédentes de l’UFÉ ont abordé plusieurs thèmes tels que les droits, la justice et la démocratie (2006), la santé (2007 et 2016), le travail (2011), les violences (2009 et 2017), la diversité (2018), les corps et les sexualités (2021) ainsi que le changement et les transformations sociales (2004, 2012 et 2022). En 2023, à partir d’un point de vue critique, intersectionnel et interdisciplinaire, on y discutera « notamment d’occupation de l’espace, d’urgence climatique et environnementale, de perspectives queer et trans*, des questions de racisme et de liberté de mouvement ainsi que de l’apport des groupes communautaires et militants au regard de la pérennité des luttes[2] ».

Les anniversaires représentent un moment privilégié pour réfléchir de façon critique à ce qui a été accompli, aux enjeux actuels et aux moyens choisis pour mener à bien nos engagements féministes. C’est ce qui a incité l’équipe de la Chaire Claire-Bonenfant – Femmes, Savoirs et Sociétés, en collaboration avec l’Institut Équité, Diversité, Inclusion, Intersectionnalité (EDI2), à organiser une journée de réflexion, le 9 novembre 2022 à l’Université Laval[3]. Cette activité, qui a mis en lumière des avancées, a également permis de constater que plusieurs enjeux féministes persistent, fluctuent, se transforment ou se développent dans le temps et qu’ils sont modulés autant selon le positionnement des personnes à l’intersection des divers systèmes d’oppressions et de privilèges qu’en fonction du statut de la personne au sein de l’Université. Dans cet article, nous proposons une synthèse des pistes évoquées lors de cette journée, lesquelles font écho aux écrits féministes des dernières décennies.

Contexte de la journée de réflexion du 9 novembre 2022

Les systèmes d’oppressions/privilèges (tels que sexisme, cisgenrisme, racisme, classisme, capacitisme, colonialismes, âgisme, etc.) opèrent aux niveaux macrosocial, organisationnel et individuel, et engendrent des rapports de pouvoir qui moduleront les expériences des personnes, les enjeux auxquels elles sont confrontées ainsi que les ressources dont elles disposent. Reconnaissant que ces systèmes et les rapports de pouvoir qui en découlent structurent nos milieux, nos relations ainsi que les espaces que nous occupons (ou desquels nous ou d’autres personnes sommes exclues en raison de notre positionnement social), cette journée de réflexion visait deux objectifs. D’abord, poser une réflexion sur les enjeux et les défis vécus par les personnes qui étudient, enseignent ou effectuent des recherches en mobilisant des approches féministes à l’Université Laval. Ensuite, cerner des besoins et proposer des pistes de solutions et des stratégies à déployer pour bonifier et soutenir ces études et recherches.

La journée a commencé par une conférence d’Huguette Dagenais, suivie de trois panels sur les études, la recherche et la relève féministes. La composition des panels visait les dialogues intergénérationnels, la mise en lumière de la multidisciplinarité propre aux approches féministes ainsi que la présentation d’expériences diversifiées (voir l’encart 1).

La synthèse suivante est inspirée des propos des panélistes, des animatrices et de l’assistance lors des échanges. Nous avons aussi intégré les propos écrits par douze personnes participantes en réponse à trois questions sur les enjeux, les défis et les leviers existants ou nécessaires pour maintenir une mobilisation féministe pérenne et visant la justice sociale (voir l’encart 2).

Dans ce qui suit, nous revenons sur certains des enjeux et défis auxquels sont confrontées les personnes étudiantes, enseignantes ou chercheuses ainsi que sur les leviers et stratégies qu’elles ciblent pour y remédier. Certains éléments sont transversaux et évoqués par la majorité, tandis que d’autres sont exacerbés par la positionnalité des personnes (à l’intersection des systèmes d’oppressions/privilèges) ou encore liés à leur statut au sein de l’écosystème universitaire (Auclair et autres à paraître; Dutoya et autres 2019). Nous aborderons les limites de l’institutionnalisation et de la pérennité des études féministes, les diverses résistances aux approches féministes, les angles morts liés aux rapports de pouvoir qui structurent le milieu universitaire, ainsi que l’importance d’investir des espaces multiples, collaboratifs et engagés.

Enjeux, défis, angles morts : continuité et nouveauté

Les limites de l’institutionnalisation et de la pérennité des études féministes

Déjà en 2005, soit deux ans après la première édition de l’UFÉ, Diane Lamoureux posait un regard critique sur les limites de la transmission institutionnelle des études féministes au Québec. Si l’institutionnalisation comportait certains avantages, comme une meilleure offre de cours et de programmes, l’existence de chaque cours reposait souvent sur les épaules d’une seule personne, ce qui fragilisait la récurrence de l’offre (Lamoureux 2005). De plus, l’absence de cours féministes dans certaines disciplines ainsi que la double exigence pour les professeures de s’impliquer à la fois dans les études féministes et dans leur discipline départementale étaient reconnues comme des enjeux. L’autrice soutenait aussi que la pérennité des études féministes était affaiblie en raison de départs à la retraite de professeures pionnières, ce qui risquait de fragiliser la mémoire de ces luttes et de menacer des « acquis » (Lamoureux 2005 : 5). À cette époque, le contexte de compressions budgétaires n’était pas favorable au développement des études féministes, considérées comme insuffisamment rentables par les universités québécoises (Dagenais 1997, Lamoureux 2005). Force est de constater que plusieurs de ces enjeux sont encore présents aujourd’hui.

Au cours des deux dernières décennies, de nouveaux cours et programmes féministes ont été mis sur pied à l’Université Laval (par exemple, le certificat sur les féminismes, les genres et les sociétés, le microprogramme Femmes et organisations, le microprogramme de 2e cycle en études du genre), alors que d’autres sont disparus (par exemple, le DESS en études féministes). Des colloques féministes étudiants ont été réalisés[6], tandis qu’ont été créés la FEMUL (2011), la Chaire de leadership en enseignement Femmes et organisations (2014-2019) et un institut (2017). Une antenne du Réseau québécois en études féministes (RéQEF) s’est aussi structurée. Ces espaces féministes ont certes été des vecteurs d’avancées, mais des difficultés persistent. Parmi celles-ci, le vide laissé dans plusieurs départements par la retraite de professeures féministes qui n’ont pas été remplacées par des collègues ayant la même expertise, ainsi que la fragilité de la place octroyée aux cours intégrant cette perspective, variant au gré des changements de direction des départements et de la disponibilité de l’expertise féministe nécessaire pour les dispenser (Auclair et autres à paraître). Ainsi, bien que certains cours soient encore inscrits dans les répertoires, ils sont rarement offerts. Ces derniers se trouvent le plus souvent dans la catégorie des cours optionnels, lesquels sont plus difficiles à intégrer ou à faire reconnaître dans certains programmes. Pour les personnes étudiantes, l’absence ou le choix limité de cours féministes causent problème. Des participantes ont confié qu’elles avaient choisi leur programme d’étude en fonction de cours féministes ou portant sur les femmes sur la base de la liste fournie dans la présentation du programme; or, une fois leur parcours de baccalauréat ou de maîtrise amorcé, elles ont été informées que ces cours n’étaient plus disponibles ou rarement offerts.

Plus encore, certaines ont dû user de stratégies individuelles pour développer cette dimension théorique centrale à leur projet de recherche. Les personnes étudiantes qui souhaitent approfondir leurs connaissances et qui n’ont pas accès à des cours dans leur programme doivent en chercher hors faculté et parfois effectuer ces cours en plus de leur programme. Cela soulève, au sein de certains départements, l’enjeu de l’absence d’une direction de recherche apte à encadrer dans une perspective féministe. En ce sens, Lorena Suelves Ezquerro mentionne : « Je ne suis pas certaine que tous les départements aient conscience d’avoir quelqu’un ou quelqu’une pour encadrer dans une perspective féministe, non seulement pour encadrer les étudiants et les étudiantes qui veulent travailler dans cette perspective, mais aussi pour analyser les enjeux de sociétés dans une approche intersectionnelle ou analyser certains systèmes d’oppressions. »

Ces limites sont combinées à – ou parfois résultent en – une surcharge de travail et une responsabilisation individuelle, plutôt qu’institutionnelle, de la pérennité des études et des recherches féministes. Pour les personnes étudiantes, enseignantes ou chercheuses en études féministes, la double exigence d’être expertes à la fois dans leurs disciplines respectives et en ce qui a trait aux enjeux féministes, qui sont complexes et transversaux, représente un défi. En cohérence avec les écrits sur le sujet, plusieurs participantes témoignent de la lourde charge mentale (Gaudet et autres 2020), du travail invisible et du travail émotionnel (Clavier et autres 2023) qui découlent de leurs postures et de leurs engagements féministes. Cette surcharge, partagée par la majorité, sera toutefois modulée et exacerbée selon la positionnalité à l’intersection de divers systèmes d’oppressions (Hirji, Jiwani et McAllister 2020). Le statut au sein de l’Université modulera également l’expérience universitaire. Par exemple, les parents-étudiants (Tanguay 2014), les personnes à statut précaire, notamment celles en début de carrière (Dutoya et autres 2019) et les étudiantes internationales (CAPRES, 2019) vivent des défis particuliers. Maïmounatou Altini Yattarra souligne :

Étant Malienne, musulmane, épouse et mère de famille, entreprendre des études doctorales comportait énormément de défis à différents niveaux. D’abord, il y a le défi de conjuguer la distance et la présence en famille. Être tous les jours présente auprès des enfants et faire tout ce qu’il faut pour que mon absence ne se ressente pas tellement dans leur vie était un défi. Il y avait l’isolement aussi qu’il faut combiner avec les études, malgré l’intensité du système et des travaux qu’il faut rendre.

Les membres de la communauté universitaire doivent ainsi déployer des stratégies individuelles afin de poursuivre leur parcours. La faiblesse du soutien organisationnel, qui fait reposer le fardeau sur les épaules des personnes, creuse un écart non seulement pour la production et la diffusion de travaux féministes, mais également entre les membres de cette communauté selon leur positionnalité sociale et leur statut au sein de l’Université. En ce sens, Laurie Laplanche pose la question : « Comment s’assurer qu’il y ait davantage de féminisme et de diversité dans les structures et au-delà des individus? » Pour y parvenir, il est important de se questionner sur les résistances qui limitent l’institutionnalisation et fragilisent la pérennité des études féministes.

Les résistances aux approches féministes

Les personnes ayant participé à la journée de réflexion qualifient les diverses manifestations de résistances quant aux approches féministes comme étant un enjeu important. Ces résistances peuvent être théoriques et méthodologiques, ou encore de nature institutionnelle et bureaucratique. Ces deux formes de résistances sont interreliées, mais ne sont pas toujours expérimentées de la même façon. Par exemple, les personnes qui optent pour un cadre d’analyse féministe dans leur cours ou dans leur projet de recherche – particulièrement dans des disciplines où cette approche est marginale – sont critiquées sur la scientificité de leur démarche (Dorion 2019). Une participante explique : « Il y a un déficit de crédibilité comme étudiante-chercheuse auprès de certains membres du corps professoral et d’étudiant.e.s; le sentiment qu’une justification est nécessaire; l’impression que la posture féministe n’est pas objective, non universelle, et par conséquent, moins valide et aussi militante » (R2). Plusieurs étudiantes racontent, dans le cadre de cours obligatoires pour l’obtention de leur diplôme, avoir reçu de la part de professeurs et professeures des commentaires invalidant leur cadre théorique, d’autres ont été exclues en raison de leur approche féministe ou se sont vues pénalisées parce qu’elles utilisaient la rédaction inclusive, épicène ou non binaire. Des professeures soulèvent également des embûches bureaucratiques à la création de cours ou à la mise à jour des titres et descriptifs, notamment pour y intégrer une rédaction inclusive. Bien que l’Université Laval se soit dotée en 2021 d’un guide de rédaction inclusive, des résistances persistent face à son utilisation, et divers formulaires et documents utilisent encore une rédaction androcentrée.

Durant les périodes d’échanges, plusieurs témoignages ont fait part des impacts des résistances vécues. Une étudiante, dont le récit a malheureusement fait écho chez plusieurs, raconte :

Naïvement, à ma première année de scolarité doctorale, je clamais haut et fort que je travaillais dans des perspectives féministes. [J’ai vécu] certains backlash, notamment de me faire ignorer plusieurs fois dans un cours jusqu’à aller aux toilettes pour ventiler… Je suis évaluée sur ma participation, mais le prof ne me donne pas la parole. Comment est-ce que je peux avoir une note si on m’ignore? [Dans un autre cours] on m’a dit d’écarter les perspectives féministes parce que c’était trop compliqué et ça ne servait à rien.

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Face à ces résistances, le choix de s’identifier comme féministe ou de nommer explicitement cette approche dans ses travaux est source de questionnement. D’une part, la crainte d’être exclue de certains espaces ou de perdre des opportunités (notamment de financement ou de promotion) génère une réticence à s’identifier comme féministe au sein du milieu universitaire. Tiffany King (2015) affirme que certaines personnes vont jusqu’à abandonner les approches féministes par crainte de la réaction des comités d’évaluation. Dans le panel portant sur la recherche, Dominique Tanguay précise que « la préparation d’une demande de financement adoptant une perspective féministe représente un défi supplémentaire, car il est souvent nécessaire de construire un cadre théorique qui incorpore des concepts disciplinaires et la perspective féministe, dans un format qui comprend un nombre maximal de caractères. Cela accroît le défi d’écriture, qui occupe plus d’espace si elle est inclusive, et la réflexion préalable à l’écriture, pour clairement dégager les principaux éléments et les liens entre eux. » Plusieurs participantes mentionnent que les critères et les exigences institutionnelles font obstacle aux méthodologies féministes et contribuent à la difficulté de mener des recherches participatives, collaboratives ou en co-construction. Il s’agit d’une problématique documentée dans la littérature (Deshaies 2019; Courcy et autres 2019).

À ce sujet, Lydia Emilie Aki-Mbot souligne le caractère essentiel des définitions communes. Elle explique : « Si l’on vient du milieu universitaire ou du milieu de défense des droits, la conception même du terme partenariat peut être différente. Donc, c’est important de s’entendre sur sa définition, sinon ça devient vite un obstacle. » Une personne répondante évoque par ailleurs un « clivage entre ce qui est dit et ce qui est fait dans les perspectives féministes. Par exemple, on dit qu’on travaille en co-construction, alors que dans les faits, il n’y a pas cette ouverture… il y a une seule façon de faire et c’est difficile d’en déroger, la personne qui [mène] ou l’ontologie dominante finit par construire à elle seule le projet » (R10). Les participantes mentionnent également la rigidité des exigences des comités d’éthique en milieu universitaire qui permettent difficilement de mener des recherches en utilisant des méthodologies participatives et des démarches de co-construction[7]. Il reste plus difficile pour les personnes – particulièrement étudiantes – s’inscrivant dans les approches féministes de concilier leurs approches avec les exigences institutionnelles de performance et d’excellence, qui reposent essentiellement sur des critères d’évaluation quantitatifs et temporels qui ne correspondent pas aux approches collaboratives. Il y a des difficultés à concilier la co-construction des savoirs avec les critères de temporalité du doctorat ou de la carrière postdoctorale et professorale. Dans ce contexte, les résistances et le sous-financement des recherches féministes ont des répercussions sur la pérennité des études et des recherches féministes puisqu’ils précarisent leurs instigatrices.

Face à ces résistances et à leurs effets sur les personnes étudiantes et enseignantes, plusieurs participantes déplorent le fait que le milieu universitaire ne remplit pas adéquatement son mandat. Celui-ci devrait être un espace où la pensée critique est développée et où les injustices sociales sont nommées et prises en compte dans toutes les dimensions pour participer à leur éradication.

Des leviers et des stratégies pour des transformations durables

Reconnaître les angles morts et agir sur les systèmes d’oppressions et de privilèges

Les rapports de pouvoir dans le milieu universitaire sont largement documentés et n’épargnent pas les réseaux féministes, où les systèmes d’oppressions trouvent encore l’espace pour se reproduire et perpétuer des inégalités systémiques (Dutoya et autres 2019; Hirji, Jiwani et McAllister 2020). Ces dernières reproduisent les discriminations et la marginalisation, notamment des personnes autochtones, noires et racisées (Pierre et Bosset 2020), des personnes de la diversité sexuelle et de genre (Baril 2017) et des personnes en situation de handicap (Primerano 2022). Le cadre d’analyse intersectionnelle, développé par les féministes noires comme outil critique et militant (Crenshaw 2017), vise à considérer la complexité des expériences vécues. D’autres perspectives féministes – dont les féminismes décoloniaux (Lugones 2008) et postcoloniaux (Mohanty 2013) – s’inscrivent également dans la lutte contre les inégalités générées par l’intersection des systèmes d’oppressions/privilèges. De telles perspectives et approches appliquées à l’écosystème universitaire nécessitent d’interroger le modèle dominant dans la production, la diffusion et la valorisation des connaissances, y compris dans les espaces d’études et de recherche féministes. Ces questionnements impliquent impérativement une réflexion sur les systèmes de privilèges et d’oppressions. Néanmoins, une telle réflexion peut engendrer des défis lorsqu’il s’agit de visibiliser l’expérience de femmes qui ne sont pas celles du groupe dominant, car cela permet de révéler les rapports de pouvoir entre les femmes elles-mêmes (Anctil Avoine et Boutron 2019). De fait, décentrer l’expérience des femmes majoritaires pour visibiliser celles de femmes marginalisées et relever les privilèges qu’en retirent certaines, peuvent susciter des résistances. Soulignons également que plusieurs théories et concepts aujourd’hui reconnus scientifiquement – notamment l’intersectionnalité – proviennent de groupes dont les savoirs ont été ignorés jusqu’à leur réappropriation par des universitaires en position de privilège (Bilge 2015; Curiel 2014).

Au Québec, de plus en plus de travaux insistent sur l’importance de mobiliser des approches intersectionnelles en enseignement et en recherche féministes (Le Gallo et Millette 2019; Souffrant et autres 2022), et d’assurer l’inclusion des personnes membres de divers groupes historiquement et socialement marginalisés et se situant à l’intersection de divers systèmes d’oppressions dans toutes les sphères du milieu universitaire. Sans se limiter aux espaces existants, cette inclusion doit impliquer la création de nouveaux espaces et la remise en question des rapports de pouvoir découlant des structures, des normes et des pratiques existantes.

À travers les présentations et les échanges, les personnes ayant participé à la journée de réflexion s’entendent sur l’importance de reconnaître les angles morts dans leur pratique et d’agir sur ceux-ci, notamment par la diversification des cursus et l’intégration de différentes perspectives féministes. Une répondante (R7) soutient que, pour répondre à cet enjeu, il est important de « [r]endre accessible plus de financement pour les études, la recherche et l’enseignement (universitaire, oui, mais éducation populaire aussi) [et d’]offrir plus de cours universitaires (et d’éducation populaire) sur plusieurs autres perspectives féministes (anti-racismes, féminismes autochtones, justice climatique féministe et écoféminismes, féminisme et capacitisme, etc.) ». En plus du contenu des cours et des cadres d’analyse adoptés dans les recherches, la réduction des inégalités et des angles morts doit également passer par la diversification du corps professoral. Comme le souligne Lorena Suelves Ezquerro, « l’institution universitaire a un rôle et une responsabilité importante à jouer afin de ne pas reproduire de violences épistémiques. Par exemple, il y a peu de diversité parmi les nouvelles personnes embauchées comme professeures. »

La notion de représentation est donc centrale, mais elle doit être combinée à des processus pour, par et avec les personnes aux croisements de systèmes d’oppressions desquels découlent des rapports de pouvoir, des inégalités et des discriminations systémiques (Basile et Asselin 2018; Souffrant et autres 2022). Les propos de Rosie Kasongo exemplifient bien cet enjeu lié à la positionnalité et à la reconnaissance des expertises : « L’autre enjeu est la question du syndrome de l’imposteure qui vient avec le fait d’être stagiaire et d’avoir des idées. Je me bute à ces questions, à savoir si je suis la bonne personne en tant que femme et en tant que femme racisée. » Elle ajoute qu’il est important de se questionner sur les façons de réagir aux résistances aux changements que génèrent les différentes approches et théories féministes. Ces questionnements sont partagés par plusieurs, et en ressort la nécessité de mettre en place des moyens collectifs et structurants de contrer ces résistances.

Or, les échanges montrent que les rapports de pouvoir et les angles morts engendrent de l’isolement. Certaines participantes mentionnent le manque de liens avec d’autres chercheuses féministes (R5), la difficulté d’intégrer les réseaux établis et de se familiariser avec eux (R6) ainsi que le « manque de place pour la relève ou les personnes hors du milieu académique pour que les savoirs et les expertises soient reconnus et qu’on en fasse la promotion » (R7). Comme le soutient Sastal Castro Zavala, « le défi est de créer un nouveau “ nous ” qui reconnaisse les différences entre les féminismes et les enjeux que portent ces différences, les rapports de pouvoir et le positionnement ».

Espaces de solidarité : héritage, transmission et relève

La solidarité, les espaces informels et les réseaux féministes constituent de puissants leviers pour relever les défis rencontrés. La création de tels espaces a d’ailleurs déjà été encouragée dans la littérature des 20 dernières années pour favoriser l’engagement des personnes étudiantes à la vie féministe et briser l’isolement (Lamoureux 2005; Clavier et autres 2023). En s’inscrivant dans cette lignée, les participantes à la journée de réflexion ont nommé l’importance d’avoir un réseau féministe et des espaces de discussion, de soutien et de collaboration – formels et informels – afin d’encourager la solidarité et les amitiés féministes pour contrer l’isolement. Comme le mentionnait Huguette Dagenais lors de sa conférence, « [l]a collaboration féministe, ça marche! »

Plusieurs participantes ont repris cette phrase au cours de la journée de réflexion, en ajoutant, comme l’a fait Mylène Bédard, l’importance de décloisonner le dialogue : « Il ne faut pas jouer le jeu de l’université qui nous sépare et créer des occasions de véritablement croiser les disciplines en reconnaissant l’apport de chacune aux savoirs féministes. » Elle ajoute : « Pour briser l’isolement des étudiantes, les réunir autour de thématiques communes, comme #metoo. Créer des espaces de parole qui deviennent des leviers d’émancipation et où toutes les disciplines peuvent dialoguer ensemble. » Ce dialogue multidisciplinaire – parfois rendu difficile en raison de la structure départementale ou facultaire de l’Université – est bénéfique pour les personnes étudiantes, enseignantes et chercheuses. Il en va de même du dialogue intergénérationnel. Plusieurs participantes rappellent d’ailleurs l’importance combinée de la transmission des luttes et de l’héritage féministes ainsi que de l’ouverture et du soutien à la relève. À ce sujet, Florence Pasche Guignard, mentionne : « Pour moi qui ne suis pas née ici, [c’est important de] situer les choses, de mieux comprendre comment tout cela s’est développé. […] c’est plus difficile parfois de s’intégrer pleinement à certaines luttes féministes quand on vient d’ailleurs. [Je fais donc] un appel à intégrer, encore plus, celles qui viennent d’arriver, d’où qu’elles arrivent. »

Ces espaces et réseaux apportent d’ailleurs un certain sentiment de sécurité pour plusieurs. Lorena Suelves Ezquerro le souligne : « Pour moi, ce qui a fonctionné, c’est de m’entourer de personnes féministes. Ce n’est pas sans surprise que je travaille et que je partage des espaces autant que je peux avec des personnes qui travaillent dans la même perspective, juste pour me sentir en sécurité et être en réseau. » Certaines personnes mentionnent l’importance de ces réseaux pour assurer la pérennité des études féministes dans une perspective transversale et multidisciplinaire. Cependant, d’autres affirment qu’il est essentiel que la responsabilité de cette pérennisation ne soit pas individuelle, mais plutôt collective et partagée, notamment par les personnes en situation de privilège ou de pouvoir. À ce sujet, des participantes ont soulevé l’importance du soutien administratif dans la création et le déploiement d’espaces féministes – en mixité ou en non-mixité – comme le cercle étudiant de bienveillance féministe, une initiative étudiante appuyée par la Chaire Claire-Bonenfant. De tels espaces devraient remettre en question les modèles classiques encourageant la compétition et la performance (Le Gallo et Millette 2019). Des participantes ont soulevé l’importance de renverser la dynamique de course au financement, qui est une démarche individuelle, pour créer des espaces de sororité lorsque le milieu n’est pas d’emblée féministe et pousse à la performance et à l’individualisme. Il est nécessaire de sortir des logiques concurrentielles néo-libérales pour aller vers davantage de collaborations (Henry et autres 2017). Cette remise en question des modèles établis fait écho à la pédagogie féministe, une posture réflexive qui valorise l’horizontalité et la transparence du point de vue situé de la personne qui enseigne, qui mise sur la justice sociale, qui s’appuie sur l’expérience vécue en tant que source de savoirs et qui « reconnaît les savoirs pratiques, expérientiels et savants, tout en critiquant les savoirs dominants » (Amboulé Abath, Campbell et Pagé 2018 : 27).

De même, pour que les études féministes soient pérennes, elles doivent être visibilisées. Comme le mentionne Mylène Bédard, « elles doivent s’inscrire dans les intitulés de programme, dans une volonté de mémoire institutionnelle ». Cette visibilisation, qui rejoint la question de l’étiquette féministe, vise notamment à préserver la vocation militante des approches et théories féministes. D’une part, cette visibilisation peut avoir un effet rassembleur en offrant la possibilité de se regrouper et de se reconnaître dans les espaces féministes. Selon Rosie Kasongo, le choix de poser l’étiquette féministe sur les cours permet de se positionner : « Le fait de se dire féministe, c’est politique. Le fait que l’on puisse l’écrire, on lance déjà un message aux gens. » À cela, Huguette Dagenais ajoute que « l’étiquette féministe, qu’elle soit apposée aux personnes, aux espaces ou aux institutions, encourage finalement la reconnaissance des féminismes ». D’autre part, pour certaines personnes – ou à tout le moins dans certains espaces et de façon stratégique –, le choix de ne pas avoir une étiquette féministe visible permet de proposer du contenu féministe à des personnes qui n’auraient pas choisi ces cours et qui n’auraient pas accepté de participer à ces projets autrement. Cela peut toutefois entraîner l’invisibilisation des approches féministes ou générer de nouvelles résistances.

Investir des espaces multiples et diversifiés

Si plusieurs ont nommé l’importance de bâtir des espaces féministes, la question de l’occupation des espaces non féministes et d’espaces montrant de l’ouverture, suscite aussi certaines réflexions.

Selon certaines participantes, une manière d’investir des espaces à priori peu ouverts aux réflexions féministes est de profiter de la popularité croissante des concepts d’équité, diversité et inclusion (EDI), qui incite les milieux de travail à réfléchir aux pratiques à adopter pour susciter des changements organisationnels. Du côté de la recherche, cela s’exprime notamment par la volonté de former les conseillères et conseillers au développement de la recherche à intégrer le sexe et le genre ainsi que les concepts d’EDI afin de mieux soutenir le corps professoral dans ses demandes auprès des organismes subventionnaires. Cependant, comme le mentionnent plusieurs, l’EDI entraîne le risque de dépolitiser la démarche de mise en exergue des systèmes d’oppressions, d’édulcorer et d’invisibiliser les enjeux touchant spécifiquement les femmes et les personnes s’identifiant comme femmes, et d’évacuer l’héritage des pensées et des luttes féministes qui ont contribué à cette nouvelle façon de nommer, de rendre visibles et d’agir sur les rapports de pouvoir. S’agissant à la fois d’un levier et d’un frein, l’EDI, comme le souligne Dominique Tanguay, peut tout de même faciliter l’implantation de changements en soulevant des réflexions notamment sur les pratiques de recrutement et le mentorat.

Par ailleurs, les départements et les facultés qui font preuve d’ouverture – souvent par l’entremise de personnes alliées – se révèlent des leviers précieux pour développer des contenus et des initiatives féministes. À ce sujet, une répondante au questionnaire mentionne : « Mon département favorise les approches féministes, queers et intersectionnelles. Je peux intégrer très facilement ces approches et corpus dans l’ensemble de mes cours, y compris les cours obligatoires. Je me sens libre à la fois dans mes recherches et mon enseignement » (R7). Une autre personne ajoute que tous les espaces sont propices à la transmission des contenus féministes et qu’il importe de « prendre chaque cours enseigné comme une occasion non seulement de parler du féminisme, mais de l’expliquer et d’en montrer la nécessité comme posture de recherche et d’enseignement [et d’]aborder le sujet avec d’autres enseignants et éventuellement [de] déposer une ou des questions à aborder ou à discuter au département et/ou au comité de programme » (R3). Elle souligne le rôle stratégique que peuvent jouer les personnes étudiantes en « pren[ant] la parole ou en évoqu[ant] l’enjeu du féminisme dans le programme lorsqu’elles font l’évaluation de certains cours ».

Deux panélistes donnent des exemples de la façon dont l’implication étudiante est porteuse. Marie-Laurence Raby relate : « En m’engageant dans les associations étudiantes, j’ai pu subvertir certains espaces qui ne sont pas nécessairement féministes et ça m’a permis d’ouvrir des fenêtres sur les études féministes. » Pour sa part, Marie-Pier Trépanier explique les raisons qui l’ont menée à co-fonder Génie uELLES, un groupe qui vise à « motiver, informer et promouvoir le génie au féminin[8] ». Elle mentionne l’importance de personnes alliées, sans minimiser la charge de travail engendrée : « Toutes les idées que j’ai eues – de tables rondes, de soirées de réseautage, d’avoir davantage de filles présentes lors des tournées des écoles – et que j’ai apportées à ma direction de programme, ça a toujours été accueilli à bras ouverts; j’ai été encouragée et ils ont trouvé du financement. Mais il faut des étudiantes qui sont prêtes à mettre du temps en dehors de leurs cours et qui sont vraiment motivées à faire changer les choses. » L’engagement étudiant, d’une importance capitale, doit être soutenu par les corps enseignants et par les structures universitaires. Malgré l’ouverture au changement de certaines unités, lorsque des mesures concrètes sont proposées, la responsabilité de mener ces changements est généralement laissée à la volonté individuelle – notamment celle des personnes étudiantes. L’investissement des espaces et le partage des connaissances constituent en tant que tels une charge supplémentaire imposée officieusement aux féministes, et plus largement aux femmes dans certains cas. La charge mentale subie à la fois par les personnes étudiantes et professeures montre le besoin d’institutionnaliser – tout en portant une attention aux limites de ce processus – les approches féministes dans les cours (le contenu aussi bien que la pédagogie) autant que dans les pratiques organisationnelles et de gestion, soutenues par des ressources humaines et financières.

Dans ce contexte, le soutien à la relève doit cibler la période des études, certes, mais doit également se faire dans une perspective de pérennité et de passage éventuel des personnes étudiantes aux milieux professionnels. À ce sujet, Sastal Castro Zavala soutient qu’« [e]n tant qu’universitaires, il est de notre responsabilité de former [des personnes qui vont travailler] en milieu institutionnel et communautaire. Cela implique d’intégrer une vision féministe et de favoriser des contextes d’apprentissages critiques, réflexifs et transversaux à toutes les formations. Les étudiants et étudiantes et le milieu associatif sont des leviers importants et il faut les impliquer. » Cette réflexion liant le milieu des études et celui du travail fait également écho à divers leviers et stratégies qui renvoient à l’importance de la vulgarisation des contenus, de la reconnaissance des savoirs et des expertises situés et des démarches de co-construction, de collaboration et de recherche engagée.

Favoriser des démarches collaboratives et engagées vers la justice sociale

La collaboration représente un levier, autant dans la littérature (Courcy et autres 2019; Gervais, Weber et Caron 2018; Kurtzman et Lampron 2018) que dans les échanges de la journée de réflexion. Cette collaboration prend diverses formes; elle est incarnée par les collaborations interdisciplinaires, entre les milieux universitaires et communautaires, ainsi que dans les collaborations et solidarités internationales. Plusieurs pistes sont données à ce sujet.

D’abord, une participante nomme l’importance de maintenir des « liens forts entre les différentes actrices (des milieux universitaires, étudiants, communautaires et militants), de différents backgrounds et de différentes générations » (R8). Ensuite, Marie-Hélène Deshaies insiste sur le fait que la collaboration, en tant que processus de co-apprentissage, « permet de développer une intelligence collective qui apporte autant aux personnes chercheures qu’à celles des milieux communautaires ». En donnant l’exemple d’un projet collaboratif, elle mentionne que les milieux apportent une expertise en recherche, en méthodologie et en validation des données. Ses propos font écho à ceux de plusieurs personnes qui insistent sur la reconnaissance et la valorisation des savoirs et des expertises des milieux de pratiques, communautaires et de défense de droits. Elle ajoute : « Cet ancrage dans la réalité des femmes et dans le terrain, je pense que ça fait de moi une meilleure professeure. […] Ça contribue à la formation de la relève, et dans les groupes et dans les universités […] Mais ça ne se fait pas tout seul. Les cadres et les contraintes qui existent d’un côté comme de l’autre ont tendance à nous éloigner; il faut travailler activement et consciemment pour nous rapprocher. »

Ce travail actif et engagé, tel qu’évoqué plus haut, engendre souvent une surcharge de travail. Plusieurs participantes insistent sur le fait que, pour soutenir et donner la place qui revient à la recherche partenariale collaborative au sein des études féministes, il faut favoriser une flexibilité dans les modalités en s’adaptant aux divers contextes et parties prenantes. Lydia Emilie Aki-Mot suggère ainsi que l’amélioration du soutien universitaire, notamment financier, et l’élaboration d’un cadre institutionnel pensé conjointement et dans lequel les deux milieux se retrouvent pourraient améliorer la collaboration et le partenariat. À ce sujet, les personnes participantes s’accordent sur le fait que la seule volonté n’est pas suffisante et que le soutien institutionnel et les ressources adéquates doivent être mobilisés.

Aux stratégies de collaboration qui reviennent de façon récurrente, diverses participantes ajoutent l’importance de la solidarité et des collaborations à l’échelle internationale. Ces dernières permettent de garder une sensibilité face aux différents contextes de recherche et d’étude, mais encouragent également le dialogue et la solidarité entre les luttes locales dans des contextes distincts qui trouvent écho dans les luttes mondiales et communes. Comme l’exprime Maïmounatou Yattini Altara en ce qui concerne la solidarité transnationale :

Les défis sont tellement grands […] qu’il faut se donner la main pour faire les choses ensemble. […] La conjonction des efforts va nous permettre d’avoir un cadre au sein duquel échanger et construire quelque chose de commun, quelque chose de plus solide, une action collective très forte pour faciliter le changement sur le terrain et faciliter le travail pour les recherches féministes et les interventions dans le cadre de la promotion des femmes.

Ces propos résument bien une stratégie qui est nommée de façon transversale tout au long de la journée, soit celle de la solidarité dans les actions individuelles, mais surtout collectives, visant une plus grande justice sociale.

Conclusion

Cette synthèse de la journée de réflexion à l’occasion des 20 ans de l’Université féministe d’été a permis de décrire des enjeux qui persistent, fluctuent ou se développent dans le temps. Ces résultats entraînent une réflexion sur l’héritage reçu et le devoir de mémoire, ainsi que sur le soutien à la relève féministe. Cette réflexion inclut une reconnaissance des avancées en raison des luttes menées au cours des dernières décennies et des questionnements sur nos propres angles morts – en tant que féministes universitaires – tout comme sur les leviers à mettre en place ou à renforcer en vue de poursuivre la construction sur ces avancées dans le contexte actuel. En effet, il y a 20 ans, des textes féministes québécois (Lamoureux 2005; Dagenais 1997) évoquaient déjà des enjeux tels que des résistances aux approches féministes, le manque de reconnaissance institutionnelle ou de relève dans l’enseignement et la recherche féministes dans les universités. On observe que ces mêmes enjeux persistent toujours (Amboulé Abath, Campbell et Pagé 2018; Auclair autres à paraître) et s’inscrivent maintenant dans un contexte social plus large de recul des droits des femmes et des personnes de la diversité sexuelle et de genre, et de montée de l’extrême droite un peu partout dans le monde, qui font écho aux discours antiféministes. Des propos misogynes envers les féministes, jugées menaçantes pour le maintien des rapports de pouvoir, sont aujourd’hui diffusés dans les médias sociaux (Dupuis-Déri 2022). Ces mêmes médias sont par ailleurs investis par des mobilisations féministes, espaces d’émancipation sociale et politique, dont le mouvement #metoo en 2017 a constitué une forme d’apogée. Cela a favorisé l’essor de ce que Sandrine Galand (2021) nomme le « féminisme pop ».

Si le féminisme comme mot-clic connaît une forme de succès médiatique et permet de rallier un public plus vaste autour d’enjeux touchant un grand nombre de personnes, il peut tendre à en dépolitiser d’autres, notamment ceux vécus par les personnes situées à l’intersection de divers systèmes d’oppressions. C’est dans ce contexte différent que se situent maintenant les défis des études et de la recherche féministes. Afin de poursuivre les luttes avec ce souci d’inclusion de toutes les personnes, la solidarité, valeur qui est depuis les premiers moments au coeur du mouvement féministe, constitue un élément crucial de son héritage et lui permet de se renouveler pour répondre à ce nouveau contexte.