Comptes rendus

Mercédès Baillargeon, Le personnel est politique. Médias, esthétique et politique de l’autofiction chez Christine Angot, Chloé Delaume et Nelly Arcan, West Lafayette, Purdue University Press, 2019, 206 p.[Record]

  • Catherine Parent

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  • Catherine Parent
    Université de Sherbrooke

Dans son ouvrage intitulé Le personnel est politique. Médias, esthétique et politique de l’autofiction chez Christine Angot, Chloé Delaume et Nelly Arcan, Mercédès Baillargeon, professeure à l’Université du Maryland, se propose d’explorer les rapports de pouvoir qui s’immiscent tant dans la production littéraire des femmes que dans sa réception. Retenant trois écrivaines qui ont publié des oeuvres autofictionnelles, elle illustre comment le récit de soi porte une dimension politique, dimension trop souvent occultée dans les médias traditionnels et les critiques de masse. Pour penser la pratique d’écriture de ces trois femmes, Baillargeon emprunte deux avenues. Elle montre à la fois l’inscription de leurs oeuvres sur la scène médiatique, puis l’inscription du médiatique dans leurs oeuvres, reprise du discours qui marque l’agentivité des écrivaines. L’autrice affirme d’ailleurs dans son introduction que ces dernières « [p]articipent à réinventer et à redéfinir l’autofiction comme un genre faisant éclater les limites du livre et en l’inscrivant dans le monde des médias » (p. 6). À l’heure de l’apparition des écrivaines et des écrivains dans des espaces médiatiques de plus en plus diversifiés, les questionnements que soulève l’ouvrage de Baillargeon s’avèrent autant d’actualité qu’ils sont essentiels pour comprendre la place qu’occupent les écrivaines contemporaines dans le monde social d’aujourd’hui. La recherche de Baillargeon repose sur l’idée que les trois écrivaines citées en titre se singularisent de la production littéraire des années 2000 par leur pratique autofictionnelle, par les thèmes explorés dans leurs oeuvres et par les réceptions controversées qu’elles ont suscitées. Le corpus retenu, soit deux publications d’Angot (L’inceste (1999) et Quitter la ville (2000)), trois publications de Delaume (Le cri du sablier (2000), Les mouflettes d’Atropos (2001) et La vanité des somnambules (2003)) ainsi que trois publications d’Arcan (Putain (2001), Folle (2004) et Burqa de chair (2011)) relate les expériences personnelles des trois autrices en explorant leur sexualité, la violence qu’elles ont subie et leurs traumatismes d’enfance. Le slogan qui titre l’ouvrage, « Le personnel est politique », trouve son sens dans ce large corpus qui ne sert pas tant à exacerber les expériences intimes par l’entremise du récit de soi, mais plutôt à dénoncer les structures sociales tributaires des expériences traumatisantes des autrices. C’est là que réside la grande force de Baillargeon : montrer que, dépassant la lecture autobiographique de ces oeuvres, on trouve des enjeux politiques à considérer dans leurs prises de parole. La richesse de l’ouvrage prend aussi tout son sens dans son approche interdisciplinaire qui allie « la critique sociale, la psychanalyse, la philosophie, la sémiotique et la narratologie, les études culturelles, les études féministes et les études queer » (p. 14). Il arrive toutefois que l’on se questionne sur la pertinence de l’approche psychanalytique, notamment en ce qui concerne les évocations de Lacan qui ne paraissent pas toujours assez détaillées pour bien appuyer et exemplifier le propos. La pulsion scopique qui anime le lecteur de L’inceste en est un bon exemple. L’introduction et la conclusion de l’étude de Baillargeon encadrent trois parties – une par écrivaine – qui détaillent exhaustivement le pacte autofictionnel de chaque autrice, les oeuvres choisies, ainsi que le rapport qu’elles entretiennent avec les lectrices et les lecteurs de même que les médias. Par souci de cohérence, notre compte rendu suit la disposition des trois parties. Cependant, sans récuser le choix de l’autrice, nous regrettons parfois l’absence d’une lecture croisée, la structure de l’oeuvre donnant l’impression d’une lecture compartimentée. Certes, l’autrice profite d’une oeuvre pour faire écho à une autre, mais nous aurions voulu en lire davantage sur les similitudes entre les oeuvres. En effet, la réception de Quitter la ville n’est …