Comptes rendus

Marie Buscatto, Mary Leontsini et Delphine Naudier (dir.), Du genre dans la critique d’art/Gender in Art Criticism, Paris, Éditions des archives contemporaines, 2017, 196 p.[Record]

  • Charlotte Comtois

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  • Charlotte Comtois
    Université de Sherbrooke

Comportant des articles en français et en anglais, l’ouvrage intitulé Du genre dans la critique d’art/Gender in Art Criticism est le fruit d’un travail collectif rattaché au Programme international de coopération scientifique du Centre national de la recherche scientifique (CNRS). Il porte sur divers lieux d’intervention du genre dans la critique d’art à l’international, et plus précisément sur la manière qu’ont les intermédiaires culturels de reconduire ou de rénover les procédés participant à la « construction genrée de la valeur des activités et des oeuvres artistiques » (p. iii). Partant du postulat que les oeuvres des femmes ne jouissent pas de la même reconnaissance que celles des hommes, les treize auteures et auteurs du collectif entreprennent de quantifier la place accordée aux oeuvres de femmes et d’hommes, aux critiques féminins et masculins dans les médias, puis de qualifier l’attention qui leur est octroyée et ainsi de débusquer les signes de biais favorables et défavorables à leur endroit. La première partie de l’ouvrage examine le genre des critiques dans deux secteurs musicaux. André Doerhing met au jour l’emprise masculine sur les structures éditoriales du magazine de musique populaire allemand Electronic Beats – ses sept directeurs sont des hommes et le bassin de personnes-ressources pour les recensions est formé de plus de 75 % d’hommes. De son côté, Mary Buscatto trace un portrait du milieu français de la critique jazz : moins de 10 % des critiques sont des femmes, et aucune d’elles ne détient de position prestigieuse. Doerhing attribue cette prépondérance masculine aux réseaux de sociabilité professionnels androcentrés et au changement de paradigme économique des vingt dernières années qui astreint désormais les journalistes à travailler à la pige. La précarité et les impératifs temporels qui en résultent concourent à évincer les femmes, celles-ci ne parvenant pas toujours à concilier longues heures de travail et vie de famille. Buscatto souligne similairement que les femmes qui parviennent à faire de la critique d’art sur le long terme n’ont pas d’enfants et qu’elles bénéficient de surcroît d’une situation financière leur permettant de travailler sans être rémunérées. Cette auteure pointe alors un double standard, signalant que la paternité ne semble pas limiter les activités critiques des hommes. Buscatto suggère finalement, à l’instar de Doerhing, que l’imaginaire de genre entourant la figure « du génie critique » ou « du critique érudit » contribue à décourager les femmes d’investir le domaine critique, cette figure étant historiquement codée au masculin. La deuxième partie de l’ouvrage focalise sur les modalités genrées de la réception, en commençant par une analyse de six cahiers littéraires – Le Monde des livres, The New York Times Book Review, Le Devoir, The Globe & Mail, Babelia, Ñ – parus à l’automne 2015. Lori Saint-Martin y dévoile que ces périodiques publient de 21 % à 43 % d’articles sur des oeuvres de femmes. Les écrivaines seraient en fait désavantagées tous azimuts, leurs livres faisant l’objet de textes plus courts, n’étant pas aussi souvent présentés en première page, figurant moins dans les palmarès de suggestions, n’étant pas qualifiés avec le même enthousiasme – voire, la même déférence – que ceux des hommes. Outre un périodique (Le Monde) ayant sélectionné une majorité de livres de femme pour sa dernière de couverture, et une tendance généralisée à publier davantage de photographies d’auteures, Saint-Martin ne relève aucune occurrence de visibilité avantageuse pour les écrivaines, et aucune, surtout, pouvant favoriser la consécration de leurs oeuvres. Elle note néanmoins que les femmes critiques tendent à s’intéresser davantage aux titres d’auteures; leur plus grande présence dans les journaux pourrait ainsi promouvoir la parité …

Appendices