Présentation

Présentation(Re)productions et subversions du genre dans les médias[Record]

  • Josette Brun,
  • Denyse Baillargeon,
  • Caroline Caron,
  • Estelle Lebel and
  • Laurie Laplanche

Il y a 20 ans paraissait au Québec le premier numéro de Recherches féministes consacré à la communication. Dans leur texte de présentation, Estelle Lebel et Chantal Nadeau (2000) célébraient la richesse des nouvelles perspectives féministes anglo-saxonnes ayant marqué l’évolution de ce domaine de recherche depuis les années 70. Le basculement des objets de recherche vers la culture populaire et les phénomènes de réception constituait, à leurs yeux, un apport déterminant des nouvelles approches, loin du modèle classique « émetteur, message, récepteur » qui « réduisait la communication au transport neutre (mais majoritairement mâle) de l’information » (ibid. : 1). De même, les nouvelles conceptualisations du genre laissant de côté tout essentialisme leur semblaient des plus productives. Considérant « les visions, les divisions et les hiérarchies de genre comme des constructions sociales » (ibid.), elles faisaient en effet « apparaître les rapports sociaux de sexe constitutifs de toute vie collective comme des faits inhérents aux processus communicationnels » (ibid. : 2). À la manière stimulante des études féministes culturelles (feminist cultural studies) animant ce renouveau, des contenus médiatisés jadis déconsidérés attiraient désormais l’attention, rendant visibles des espaces investis par le féminin, et l’intérêt pour les pratiques du quotidien montrait la porosité des espaces publics/privés en communication. Ces nouvelles analyses venaient aussi complexifier les constats ressortant des premières études féministes qui avaient surtout mis en évidence « la fausse représentation des femmes dans les médias, leur aliénation par la publicité […] et leur exclusion de l’exercice des métiers liés à la communication » (ibid. : 1). Les deux présentatrices invitaient alors les chercheuses francophones, dont les Québécoises, à s’inspirer des études féministes culturelles, courant pratiquement inexistant en français, afin de participer au dynamisme de l’« un des champs les plus importants par lequel les études féministes se sont imposées dans le domaine de la communication » (ibid. : 9). Le présent numéro sur les (re)productions et les subversions du genre dans les médias témoigne de l’évolution des recherches en ce sens en milieu universitaire québécois. Il est également tributaire du travail de « traduction » méthodologique et conceptuel réalisé en France depuis le tournant du xxie siècle (Julliard 2009 : 5) en dépit des fortes résistances intellectuelles et institutionnelles qui s’exercent à cet égard dans le domaine des sciences de l’information et de la communication (SIC), discipline largement aveugle aux questions de genre (gender blind) (Coulomb-Gully 2009). L’articulation d’une « approche communicationnelle du genre » y prend forme, entre autres, grâce aux revues savantes qui favorisent, par la publication de numéros thématiques et de débats, la production de connaissances empiriques et de points de repère conceptuels, théoriques et méthodologiques au sujet de ce « mode original [et essentiel] d’appropriation des Cultural Studies » que constitue le genre selon Marie-Joseph Bertini (2006 : 115). D’après cette dernière, prêter attention au travail de renaturalisation des normes, à la coconstruction sociale et hiérarchisée du féminin/masculin et au contexte sociohistorique précis dans lequel se situent les phénomènes permet d’établir que toute communication est genrée et que le genre et la communication se constituent mutuellement (Bertini 2006 : 121) : La prise en considération de la complexité des phénomènes s’impose. Marlène Coulomb-Gully propose ainsi d’étudier les façons dont les médias « fabriquent de la norme », tout en faisant place à l’opposition, à la contradiction et à l’ambivalence eu égard au genre. Ces technologies du pouvoir et de genre, écrit-elle en mobilisant Michel Foucault et Teresa de Lauretis, « sont traversées de logiques contradictoires et susceptibles d’évolutions » (Coulomb-Gully 2010 : 21) : « il …

Appendices