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Il y a 20 ans paraissait au Québec le premier numéro de Recherches féministes consacré à la communication. Dans leur texte de présentation, Estelle Lebel et Chantal Nadeau (2000) célébraient la richesse des nouvelles perspectives féministes anglo-saxonnes ayant marqué l’évolution de ce domaine de recherche depuis les années 70. Le basculement des objets de recherche vers la culture populaire et les phénomènes de réception constituait, à leurs yeux, un apport déterminant des nouvelles approches, loin du modèle classique « émetteur, message, récepteur » qui « réduisait la communication au transport neutre (mais majoritairement mâle) de l’information » (ibid. : 1). De même, les nouvelles conceptualisations du genre laissant de côté tout essentialisme leur semblaient des plus productives. Considérant « les visions, les divisions et les hiérarchies de genre comme des constructions sociales » (ibid.), elles faisaient en effet « apparaître les rapports sociaux de sexe constitutifs de toute vie collective comme des faits inhérents aux processus communicationnels » (ibid. : 2). À la manière stimulante des études féministes culturelles (feminist cultural studies)[1] animant ce renouveau, des contenus médiatisés jadis déconsidérés attiraient désormais l’attention, rendant visibles des espaces investis par le féminin, et l’intérêt pour les pratiques du quotidien montrait la porosité des espaces publics/privés en communication. Ces nouvelles analyses venaient aussi complexifier les constats ressortant des premières études féministes qui avaient surtout mis en évidence « la fausse représentation des femmes dans les médias, leur aliénation par la publicité […] et leur exclusion de l’exercice des métiers liés à la communication » (ibid. : 1). Les deux présentatrices invitaient alors les chercheuses francophones, dont les Québécoises, à s’inspirer des études féministes culturelles, courant pratiquement inexistant en français, afin de participer au dynamisme de l’« un des champs les plus importants par lequel les études féministes se sont imposées dans le domaine de la communication » (ibid. : 9).
Le présent numéro sur les (re)productions et les subversions du genre dans les médias[2] témoigne de l’évolution des recherches en ce sens en milieu universitaire québécois. Il est également tributaire du travail de « traduction » méthodologique et conceptuel réalisé en France depuis le tournant du xxie siècle (Julliard 2009 : 5)[3] en dépit des fortes résistances intellectuelles et institutionnelles[4] qui s’exercent à cet égard dans le domaine des sciences de l’information et de la communication (SIC)[5], discipline largement aveugle aux questions de genre (gender blind) (Coulomb-Gully 2009). L’articulation d’une « approche communicationnelle du genre » y prend forme, entre autres, grâce aux revues savantes qui favorisent, par la publication de numéros thématiques[6] et de débats[7], la production de connaissances empiriques et de points de repère conceptuels, théoriques et méthodologiques au sujet de ce « mode original [et essentiel] d’appropriation des Cultural Studies » que constitue le genre selon Marie-Joseph Bertini (2006 : 115). D’après cette dernière, prêter attention au travail de renaturalisation des normes, à la coconstruction sociale et hiérarchisée du féminin/masculin et au contexte sociohistorique précis dans lequel se situent les phénomènes permet d’établir que toute communication est genrée et que le genre et la communication se constituent mutuellement (Bertini 2006 : 121) :
[L]a différence socialement construite des sexes et la hiérarchisation qu’elle instaure entre eux, représente le principal agent d’organisation de l’information et de la communication d’une part, et […] toute situation d’information et de communication se réfère implicitement et explicitement au système de signification et d’interprétation que constitue le genre, d’autre part.
La prise en considération de la complexité des phénomènes s’impose. Marlène Coulomb-Gully propose ainsi d’étudier les façons dont les médias « fabriquent de la norme », tout en faisant place à l’opposition, à la contradiction et à l’ambivalence eu égard au genre. Ces technologies du pouvoir et de genre, écrit-elle en mobilisant Michel Foucault et Teresa de Lauretis, « sont traversées de logiques contradictoires et susceptibles d’évolutions » (Coulomb-Gully 2010 : 21) : « il s’agit d’approcher le langage des médias sans présumer de cette construction, comme une pratique sociale dont la dynamique est à la fois fermée et ouverte » (ibid. : 25). Cette démarche s’applique non seulement à l’analyse des représentations et des discours, largement privilégiés en matière de SIC, mais également à celle des aspects genrés des usages (Jouët 2003; Gardey 2003) et de la réception (Pasquier 1999; Debras 2003), qui concernent autant les pratiques d’appropriation des technologies que les processus d’interprétation du sens des messages. Il en est de même pour les conditions de production, c’est-à-dire des dynamiques organisationnelles, des pratiques et des discours professionnels de la communication où se croisent à la fois des contraintes et des stratégies de résistance (Damian-Gaillard, Frisque et Saitta 2010)[8].
Réfléchir aux assignations de genre, de même qu’à leurs perturbations et reconfigurations dans le domaine des SIC (Damian-Gaillard, Frisque et Saitta 2010; Damian-Gaillard, Montañola et Olivesi 2014), exige par ailleurs la problématisation explicite du masculin, qui constitue souvent l’angle mort des analyses, afin de rendre visible la construction de cette norme survalorisée qui s’accompagne de ressources et de privilèges symboliques et matériels (Coulomb-Gully 2010 : 22). Le « désarrimage » « du binôme hommes/femmes – le féminin n’étant pas plus l’exclusivité des femmes que le masculin n’est celui des hommes » s’impose également (Coulomb-Gully 2011 : 4). Cela rejoint les perspectives appelant à la déconstruction de la cisnormativité et de l’hétéronormativité par la mobilisation d’une conceptualisation pluraliste du genre dans l’esprit des théories queer. On analyse ainsi, dans la foulée de l’ouvrage de Judith Butler (2005), Trouble dans le genre, la diversité et la performativité des identités et des sexualités : « Le Genre n’existe pas : il tient tout entier dans le mouvement des acteurs pour le faire (et le défaire), dans leurs interactions communicationnelles et sociales » (Bertini 2009 : 11). Ces pratiques, dont la répétition au quotidien constitue le genre (et non l’inverse), prennent néanmoins forme dans des contextes de contraintes[9].
L’intérêt d’intégrer dans les SIC une perspective intersectionnelle sur les médias est également affirmé (Dalibert 2014); en effet, les médias « offrent un matériau particulièrement opportun pour l’analyse des manières par lesquelles la production discursive du genre s’articule aux autres catégories, de race, de classe, de sexualité, au profit de processus de disqualification et d’exclusion, tout autant que de politiques identitaires » (Julliard et Quemener 2014)[10]. Des recherches empiriques françaises récentes puisant à des approches afro-féministes (Bruneel et Gomes Silva 2017; da Silva 2019) confirment la pertinence de telles analyses. De plus, Maxime Cervulle et Nelly Quemener (2014 : 93) insistent sur la nécessité « de ne pas cantonner exclusivement l’intersectionnalité aux territoires minoritaires, afin de comprendre la façon dont s’articulent également ces catégories “ invisibles ” et socialement perçues comme “ neutres ” et “ non marquées ” que sont la masculinité ou la blanchité[11] ».
Dans une perspective transversale (Coulomb-Gully 2014), les analyses culturelles sur le genre dans les SIC englobent tant les phénomènes des siècles passés que les technologies de pointe actuelles. Thérenty (2009 : 250) souligne l’importance « [d’]inscrire l’histoire des rapports du gender aux médias dans le temps long pour bien comprendre le poids de l’histoire dans la relation contemporaine des femmes à l’information ». Au xixe siècle, par exemple, le « carcan extrêmement répressif dont les femmes aujourd’hui encore supportent l’héritage » (ibid. : 252) côtoie des ambiguïtés, voire des transgressions et des inventions dont il faudrait tenir compte dans l’analyse de la production, des représentations ou de la réception passées (ibid. : 251)[12]. Enfin, les recherches s’intéressant aux relations aux objets technologiques, aux interactions sur les réseaux socionumériques, de même qu’à la création ou aux pratiques de jeux vidéo, montrent que, loin de constituer « une échappatoire aux rapports de genre qui structurent la vie hors ligne, l’univers numérique paraît bel et bien traversé par des rapports de pouvoir, des inégalités et des luttes que l’on observe par ailleurs, et qu’il accentue même souvent » (Bergström et Pasquier 2019 : 2); ces rapports hiérarchiques persistent, même si le masculin semble avoir perdu du terrain avec la banalisation des pratiques et la simplification des supports d’accès, et que certains recoupements intersectionnels, dont l’âge, indiquent des modes d’appropriation différenciés au sein même des groupes de sexe.
C’est dans l’esprit scientifique que nous venons d’exposer qu’a pris forme ce numéro sur les (re)productions et les subversions du genre dans les médias. Tout en témoignant de différents modes de conceptualisation du genre, il met l’accent sur le fait que les médias d’hier et d’aujourd’hui peuvent simultanément reproduire des normes dominantes, reformuler des contraintes, générer des résistances et des luttes, et ce, en intégrant des éléments éventuellement transgressifs qui déstabilisent les assignations sexuées et les oppositions binaires hiérarchisées (van Zoonen 1994; Scott 1999 et 2012). Par leur façon de documenter ces phénomènes, les textes que nous avons retenus contribuent au développement des études culturelles et de genre en France et au Québec, qui constituent les terrains d’analyse de la plupart des articles, sans oublier l’ouverture sur la Grèce. L’attestent notamment les références récurrentes à des auteures et à des auteurs au coeur de ce courant de recherche ou l’ayant grandement influencé tels Stuart Hall, Judith Butler et Teresa de Lauretis, dont les ouvrages clés ont été traduits en français au cours de la première décennie du siècle (Cervulle et Quemener 2018). De plus, parmi les articles, l’engouement pour l’analyse de contenus populaires (journalisme « féminin », téléfeuilletons, séries télévisées, presse magazine mindstyle, Instagram) et de pratiques au quotidien (selfies, visionnement connecté) dirige l’attention vers l’espace privé et l’intimité. L’importance accordée à l’agentivité et à la parole des femmes, de même que le souci de comprendre le sens qu’elles donnent à leurs propres lectures et pratiques, se situent également dans l’esprit des études culturelles. Cette tendance est favorisée par un intérêt pour la période actuelle qui privilégie l’accès direct à la parole des femmes (entretiens, netnographies, etc.) de même qu’à l’univers numérique, où il est difficile de séparer la production des messages de l’usage des technologies et de l’appropriation ou de la réception des contenus. Le fait que plus de la moitié des articles (7 sur 13) se situent dans le champ des nouvelles technologies de l’information et de la communication (selfies, réseaux sociaux, nouvelles plateformes de télévision par contournement (TPC) et de visionnement connecté) constitue l’un des apports importants de ce numéro.
Malgré l’intérêt porté au présent, aux technologies de pointe, à la complexité des contenus et des pratiques de même qu’à l’agentivité des femmes, ce sont cependant les continuités de l’interrelation femme-médias dans ces espaces majoritairement francophones qui sont les plus frappantes et qui représentent l’élément transversal par excellence de l’ensemble. Ainsi en est-il de l’investissement professionnel, discursif et individuel des espaces associés à la domesticité et à l’intimité, de l’injonction à la beauté et du modèle de maternité hégémonique. Ces constantes tranchent sur les évolutions certaines des représentations, des rôles, des statuts et des pratiques professionnelles, voire de certaines subversions des normes genrées du xixe siècle à nos jours. Tout en accordant une fine attention aux points de vue situés des femmes sur leurs propres pratiques et en signalant avec nuance des adaptations stratégiques et des résistances subtiles aux normes patriarcales, plusieurs analyses sont néanmoins amenées à constater la prévalence du cadre d’interprétation postféministe et néolibéral, à caractère individualiste, dans la compréhension des enjeux actuels liés à la production et à l’appropriation de contenus médiatiques. Soulignons, en outre, que la féminité, qu’elle soit associée à la nature ou à un point de vue féministe, est marquée par un processus d’ethnicisation. Enfin, sous l’angle du genre, et si la masculinité est parfois présente comme élément de comparaison et à titre de norme explicite ou par défaut, ce sont néanmoins les femmes qui sont visées dans la plupart des textes, ce dont témoignent les termes dominant des titres (femmes, féminité, féminin). La diversité de leurs identités et la question de l’imbrication des rapports d’oppression ressortent dans l’utilisation entrecroisée des notions de genre et d’ethnicisation, dans l’adoption des perspectives des études sur les jeunes filles (girlhood studies), et dans l’invitation à prêter attention aux dimensions intersectionnelles lancée, au terme de la plupart des analyses.
Nous avons structuré la présentation du numéro selon trois dimensions clés du processus communicationnel, qui se trouvent ici en équilibre. La première section, sur les discours et les représentations, traite de séries télévisées, de presse d’information et de presse magazine. La deuxième section, sur les pratiques, la réception et les résistances, se situe dans l’univers numérique. Enfin, la troisième section, sur les métiers de la communication, aborde le journalisme politique et sportif, ainsi que l’animation télévisuelle.
Discours et représentations
La première section s’ouvre sur un texte de Sarah Lécossais qui examine des séries télévisées françaises diffusées entre 1992 et 2012 afin de voir comment celles-ci « produisent et reproduisent une conception de la parentalité profondément liée au genre ». Inspirée par les travaux sur la performativité de Judith Butler et de Teresa de Lauretis qui considèrent que le genre se construit dans sa représentation, Lécossais soutient, en accord avec les idées de Stuart Hall, que les médias contribuent à la « naturalisation » de rapports sociaux de domination, notamment les rapports de genre qui sont appréhendés à travers les rôles parentaux que les séries donnent à voir. En mettant en scène des familles, les discours de ces séries, au sens foucaldien, font un travail idéologique qui renforce, entre autres, la vision dominante du rôle maternel des femmes, empreint de douceur et de dévouement, la « maternité hégémonique », dont parlait Nicole-Claude Mathieu. Pour Lécossais, la sérialité même de ces émissions, le fait qu’elles sont diffusées par épisodes, de manière régulière, parfois pendant de longues périodes, et qu’elles font écho à l’« espace culturel » dans lequel elles sont diffusées permet de tisser des liens avec le public et de renforcer leur message au sujet de la « bonne mère », normalisant les attributs de celle-ci au détriment d’autres modèles. Cette sérialité favorise aussi la réitération du modèle maternel hégémonique auquel est associé le féminin. Aux yeux de Lécossais, « la parentalité se révèle un lieu de production discursive essentiel de la différence des sexes et de la binarité. En construisant différemment pères et mères, les séries réifient une “ différence ” qu’elles participent à faire exister ».
Pour sa part, Marion Dalibert se penche sur la construction de la race, du genre et de la classe dans le métarécit national des médias d’information français et sur la légitimation des rapports sociaux qu’ils induisent. S’appuyant sur un ensemble d’articles de presse et d’émissions diffusées sur le Web, à la radio ou à la télévision qui portent sur différents enjeux (mouvements sociaux antiracistes, collectifs féministes, minorités roms, rap, etc.), elle examine comment ces corpus construisent les inégalités sociales en ethnicisant autant les victimes que les coupables. De fait, son analyse montre que, en dépit du discours républicain ambiant qui valorise l’individu plutôt que les communautés, le traitement médiatique des problèmes de discrimination (racisme, sexisme, homophobie) pointe essentiellement en direction de groupes minoritaires considérés comme ceux qui subissent, mais aussi qui infligent cette discrimination, ce qui les exclut d’emblée du « Nous national ». En s’attachant à décrire la manière dont les médias parlent de différents phénomènes, que ce soit par exemple la lutte du collectif « Ni pute ni soumise » ou la sortie du roman d’Édouard Louis, En finir avec Eddy Bellegueule, Dalibert montre que les groupes minoritaires, essentialisés, sont ceux qui se trouvent le plus volontiers associés à des pratiques inégalitaires ou discriminantes et à une performance de genre disqualifiante. À l’inverse, les groupes majoritaires, ceux qui détiennent le plus de pouvoir économique, social, politique ou culturel, apparaissent comme les plus égalitaires.
Alexie Geers examine de son côté les discours de la presse féminine mindstyle française, un type de magazine qui affirme vouloir s’éloigner des sentiers battus en proposant un mode de vie différent de celui dont on fait la promotion dans la presse féminine traditionnelle. Considérant que la presse féminine est une « technologie de genre », mais aussi de classe, « qui participent à faire exister et à naturaliser ces catégories », l’auteure soutient que, malgré ses prétentions à la nouveauté, cette presse, dont les premiers titres paraissent en France en 2014, vise toujours un lectorat féminin cisgenre et hétérosexuel. Ce qui la distingue des autres publications féminines, soutient Geers, ce n’est pas tant les questions abordées, mais la manière de les traiter. Se positionnant en rupture avec un mode de vie urbain marqué par l’agitation et la consommation effrénée de produits industriels jugés toxiques pour la santé et le bien-être, ces magazines proposent une féminité « naturelle » fondée sur un mode de vie plus lent, l’achat de produits plus écologiques (produits cosmétiques, aliments biologiques, etc.). Ainsi, ces revues « déconstruisent » certaines normes, non pas en remettant en question les rapports de domination hommes-femmes, mais plutôt en critiquant le monde industriel qui « aurait éloigné les femmes de leur féminité authentique ». Cette représentation d’une féminité « naturelle » n’est pas sans rappeler le féminisme essentialiste ou différentialiste et l’écoféminisme des années 70 qui considéraient les femmes comme plus proches de la nature en vertu de leur cycle reproducteur.
La première section du numéro se termine par un texte d’Élisabeth Mercier qui s’est intéressée à la couverture médiatique du mouvement dit des « carrés jaunes » entre 2016 et 2018, symbole de la révolte des filles du secondaire contre les codes vestimentaires imposés par leur école au Québec. Alors que les débats qui s’étaient déroulés dans les médias autour de l’hypersexualisation des filles au début des années 2000 les avaient traitées comme de simples objets des discours pour mieux dénoncer le phénomène, au moment de la crise des « carrés jaunes », les filles se posent en sujets de discours et « troublent le narratif dominant de l’hypersexualisation » en apportant un point de vue qui renverse les perspectives. En effet, plutôt que de considérer que ce sont les vêtements sexy qu’elles portent qui posent problème, et qui doivent donc être interdits, les porte-parole du mouvement insistent pour dire que le véritable problème réside dans l’attitude de ceux et celles qui les regardent. Au lieu de voir dans ces vêtements une source potentielle d’inégalité en raison de l’objectivation et de la marchandisation du corps des femmes qu’ils induisent, comme le prétendait le Conseil du statut de la femme, elles affirment que les règles vestimentaires qui cherchent à cacher le corps des femmes contribuent à cette hypersexualisation et estiment que de rendre les filles responsables des réactions des garçons revient à encourager la culture du viol. L’analyse de la couverture médiatique de ces débats montre que les filles ont reçu quelques appuis, mais essuyé également de nombreuses critiques, leur agentivité politique étant très souvent remise en question précisément, dit Mercier, parce qu’elle ne cadrait pas avec le discours féministe dominant sur l’hypersexualisation qui admet seulement que l’on puisse la dénoncer.
Pratiques, réception et résistances
L’article de Mercier aborde non seulement le thème des représentations et des discours, mais aussi celui de la résistance autour duquel sont regroupés les cinq articles suivants qui forment la deuxième section du numéro. S’inscrivant aussi dans le contexte des études sur les jeunes filles (girlhood studies), le texte de Pénélope Chandonnet et Manon Niquette rapporte la manière dont les adolescentes ont interprété la série américaine 13Reasons Why. Cette série télévisuelle a été l’objet de nombreux débats, notamment parce qu’on craignait qu’elle n’encourage les filles victimes de harcèlement à se suicider. Cherchant à renverser la perspective, les auteures s’intéressent plutôt aux points de vue et aux expériences des auditrices de la série tels qu’elles les expriment dans Facebook. Les commentaires laissés sur la page de l’émission leur permettent en effet d’examiner trois dimensions de la réception de la série : l’expérience d’écoute, l’appropriation des contenus et l’influence du contexte de panique morale. Les auteures constatent tout d’abord que la série a suscité une écoute souvent intensive, en rafale, et donc fort attentive, mais que les filles n’ont pas été particulièrement perturbées par la scène du suicide qui a déclenché la panique morale autour de l’émission, notamment parce que celui-ci est présenté comme une forme de vengeance, ce que les auditrices jugent inacceptable. Leurs commentaires au sujet des violences sexuelles subies par l’héroïne de la série montrent aussi qu’elles normalisent certains actes violents, sans pour autant banaliser le viol, même si elles s’interrogent, par ailleurs, sur le rôle joué par les vêtements portés par la principale protagoniste. Si différents indices laissent voir que leur appréciation de la série a pu être teintée par la panique morale qui l’a entourée, de manière générale, les propos exprimés suggèrent que la série a surtout permis aux filles d’échanger autour de leurs expériences personnelles, son contenu jugé « réaliste » étant en phase avec leur vécu.
Dans son texte, Dimitra Laurence Larochelle examine pour sa part les communautés numériques de Grecques qui raffolent des feuilletons télévisés produits en Turquie et leurs pratiques. Soulignant que le visionnement de ces feuilletons est totalement déconsidéré dans la société grecque à la fois à cause des conflits qui opposent ces deux nations et parce que ces produits sont associés à une culture populaire féminine méprisée, Larochelle montre que les communautés numériques qui se forment autour de ces émissions permettent à leurs fans d’échapper à cette stigmatisation et de légitimer leur écoute. Alors que, contrairement à celle des fans masculins, l’image des fans féminines est souvent associée à des hystériques incapables de contrôler leurs émotions, leurs pratiques laissent voir qu’elles agissent de manière tout à fait rationnelle, profitant de l’espace virtuel qu’elles ont créé pour s’exprimer et échanger autour des épisodes et des personnages des feuilletons qu’elles admirent, mais aussi pour mettre en valeur leurs capacités artistiques en produisant des oeuvres ou des vidéos consacrées à des séries, ou en les traduisant, ce qu’elles n’auraient pu faire en dehors de ces communautés. L’analyse, qui porte une attention particulière aux propos tenus par les femmes et à leur fonctionnement en réseau, permet de constater qu’elles subvertissent les valeurs patriarcales dominantes au profit de valeurs dites « féminines », ce que Larochelle associe à des pratiques de résistance au système patriarcal, la participation à ces communautés de fans apparaissant dès lors comme une « praxis » féministe.
Les réseaux sociaux sont aussi au coeur de l’étude de Chiara Piazzesi et Catherine Lavoie Mongrain qui explorent la diffusion, par des femmes, d’égoportraits (selfies) sur Facebook et Instagram. Leur étude, qui se fonde sur des entrevues menées auprès de 11 femmes de la région de Montréal, cherche à comprendre leurs motivations afin de dépasser le cliché voulant que les selfies ne soient que le reflet de l’individualisme et du narcissisme propres à notre époque, notamment lorsqu’il est question de femmes voulant mettre en valeur leur beauté. Si les femmes cherchent à se montrer sous leur meilleur jour et à se mettre en valeur, il reste cependant qu’elles peuvent aussi se révéler critiques par rapport à ces normes qu’elles cherchent à contourner, sinon à contester. Fondée sur une réflexion critique sur les normes de la beauté « qui règlent la visibilité sur les réseaux sociaux », l’étude de Piazzesi et de Lavoie Mongrain souligne que soigner son apparence peut être vu comme « une recherche de dignité et de reconnaissance », tout en pouvant inciter à consommer davantage de produits et de services. C’est cette complexité que l’article fait ressortir. Si les selfies donnent aux femmes le sentiment de reprendre le contrôle de leur image et d’immortaliser les moments où elles se trouvent belles, il faut ajouter qu’elles disent ressentir « une forte pression à bien paraître » et chercher à correspondre aux normes de beauté dominantes en modifiant, au besoin, leurs photos; elles admettent en outre que le travail nécessaire pour soigner leur apparence peut être lourd à porter et que les photos partagées cachent parfois beaucoup de détresse.
Sophie Barel et Hélène Breda s’intéressent à l’usage de l’image de la princesse, cet archétype de la féminité construit par les contes pour enfants, dans les publications féministes numériques francophones. Selon ces auteures, les blogues féministes, généralement animés par des non-universitaires, et même par des femmes qui ne militent pas au sein de collectifs, évoquent volontiers la figure culturelle de la princesse afin de dénoncer une féminité traditionnelle et essentialiste qu’ils combattent. La figure de la princesse apparaît donc comme un « repoussoir », l’incarnation de tout ce dont le féminisme doit se débarrasser pour prétendre à l’égalité des sexes et abolir les hiérarchies. À l’inverse, comme l’illustre aussi leur article, d’autres blogues cherchent plutôt à s’approprier l’image de la princesse, mais en la modifiant et en la revalorisant dans une perspective féministe. C’est ainsi que la cyberlutte conduite sous le mot-clic #LesPrincessesOntDesPoils a cherché à défendre l’idée que les femmes n’ont pas à se plier aux diktats de l’épilation en soulignant le fait que même les princesses ont des poils, c’est-à-dire que même celles qui incarnent la quintessence de la féminité ne sont pas désincarnées. En récupérant l’image de la princesse pour mieux la dévoyer, ces cybermilitantes favorisent, disent Barel et Breda, une autonomisation (empowerment) des femmes à l’égard des normes étriquées qui leur sont imposées.
Le dernier article de la deuxième section est signé par Christine Thoër, Anouk Bélanger, Florence Millerand et Nina Duque. Leur étude concerne les pratiques d’écoute d’émissions consultables sur Internet, à la demande, par les jeunes, femmes et hommes. S’appuyant sur une recherche qualitative menée auprès de 19 personnes âgées de 18 à 24 ans, les auteures constatent que, si le phénomène du visionnement à la demande apporte une plus grande souplesse dans le choix des émissions, du lieu et du moment où on les regarde, les usages de visionnement varient toujours en fonction du genre. Ainsi, hommes et femmes se distinguent dans leur choix de l’appareil servant de support (téléphone cellulaire pour les femmes versus ordinateur pour les hommes, par exemple), des lieux où elles et ils écoutent leurs émissions (les jeunes femmes investissant davantage l’ensemble de l’espace domestique), des modalités d’écoute (individuellement ou en groupe), de la combinaison de l’écoute avec des tâches ménagères, sans compter les émissions regardées, les jeunes femmes ayant une nette tendance à favoriser les émissions de type magazine qui proposent des sujets « féminins ». Malgré les changements en fait de variété et de choix d’émissions, de plateformes, de supports et d’horaires, le visionnement connecté se situe donc davantage en continuité qu’en rupture par rapport aux « pratiques télévisuelles traditionnellement “ féminines ” » qui ont, depuis les débuts de ce média, contribué à la construction de la féminité.
Métiers de la communication
La troisième et dernière section du numéro, qui s’intéresse aux métiers de la communication, s’ouvre sur un texte portant sur les animatrices des émissions de télévision par contournement (TPC), c’est-à-dire des émissions qui se trouvent sur des plateformes télévisuelles numériques. Prenant pour exemple des émissions produites par Véro.tv, elle-même une section de la plateforme ICI TOU.TV, Stéfany Boisvert et Anouk Bélanger analysent les contenus proposés par ces vidéos à la demande et le discours des animatrices pour conclure à une convergence entre la post-télévision et le postféminisme. Elles constatent en effet que la migration vers le Web de la télévision et l’offre de contenu à la demande – de nouvelles tendances qui correspondent à l’ère de la post-télévision – n’ont pas entraîné un renouvellement fondamental des représentations de la féminité. Tout comme à l’ère télévisuelle, les émissions considérées proposent des contenus qui contribuent à la (re)production d’une féminité normative fondée sur l’émotivité, le soin (care) et les apparences, une féminité associée quasi exclusivement aux femmes blanches, hétérosexuelles, professionnelles et mères. Cette promotion d’une féminité traditionnelle et exclusive est cependant présentée non plus comme une source d’oppression des femmes, mais bien comme un choix librement consenti et s’accompagne d’une valorisation de la mère et de l’entrepreneure. La célébration des réussites individuelles des femmes, de leurs succès dans le monde des affaires et du consumérisme, ainsi que les émissions et les animatrices en font la promotion, constitue en effet la marque d’un féminisme néolibéral (qualifié de postféministe) qui a laissé derrière les luttes collectives.
L’article de Mylène Bédard, à caractère historique, étudie la manière dont des femmes journalistes ont « [reconfiguré] le maillage entre presse et littérature » entre les années 30 et les années 50. Fondé sur la production et la carrière de trois figures féminines à l’oeuvre dans la presse québécoise francophone de cette époque, Germaine Bernier, Germaine Bundock et Renaude Lapointe, son texte veut montrer que si les journalistes féminines du tournant du xxe siècle s’étaient appuyées sur leurs écrits médiatiques pour se tailler une carrière littéraire, les journalistes féminines des années 30 et suivantes ont plutôt tablé sur leurs compétences littéraires afin de se créer une carrière en journalisme et de bâtir leur crédibilité. À l’heure où le journalisme se spécialise et où les chroniques littéraires, notamment, échappent aux femmes journalistes, celles-ci n’en continuent pas moins d’invoquer les compétences qu’elles ont développées dans le domaine littéraire pour légitimer leurs propos et leur statut. Ainsi, dit Bédard, malgré cette spécialisation du champ journalistique, on observe toujours une porosité des frontières entre journalisme et littérature, même si le rapport a été en quelque sorte inversé.
La dernière section du numéro se termine par deux articles sur la féminisation du journalisme. Béatrice Damian-Gaillard et Eugénie Saitta examinent la façon dont les femmes journalistes affectées aux dossiers politiques dans différents médias français composent avec leur identité de genre dans leurs interactions avec leurs sources, généralement des hommes politiques qui présument de leur incompétence et les considèrent comme des objets sexuels. Elles constatent tout d’abord que les études antérieures sur cette question n’ont pas su véritablement expliquer la raison pour laquelle les femmes journalistes s’en remettent à certaines stratégies plutôt qu’à d’autres pour désamorcer les effets délétères des relations de pouvoir genrées dans le contexte de leur travail. Des entretiens menés auprès de 13 femmes journalistes montrent qu’il existe effectivement une hétérogénéité de lectures et de réponses aux contraintes. Ces réponses, qui vont de la volonté à en faire abstraction jusqu’à la dénonciation, en passant par l’adaptation, par l’exploitation à leur profit des stéréotypes sexistes ou par la neutralisation de leur féminité, avaient déjà été relevées dans d’autres études. S’inspirant de la sociologie du genre (Joan Scott) et de la théorie des champs sociaux (Pierre Bourdieu), les auteures ajoutent cependant à ces analyses en soutenant que cette hétérogénéité ne devient compréhensible qu’en considérant les antécédents familiaux et sociaux de ces journalistes, leur militantisme antérieur, leur parcours scolaire et universitaire, leur position dans la profession et le statut des médias où elles travaillent, de même que la conscience de genre qu’elles avaient développée par ailleurs.
Pour sa part, Marilou St-Pierre s’intéresse à la présence des femmes dans le journalisme sportif avec une perspective diachronique et dans le contexte des « relations symbiotiques » entre les médias et les institutions sportives, profondément marquées par le masculin. Son analyse, qui s’appuie sur une vingtaine d’entrevues, montre que depuis les années 70 on peut identifier l’arrivée successive de trois vagues de journalistes féminines qui correspondent à autant de contextes sportifs et médiatiques différents, ce qui a entraîné une normalisation de leur présence dans ce domaine. La première vague, qui remonte aux années 70 et 80, s’inscrit dans un contexte où le marché sportif professionnel fait recette et où les médias, pour se démarquer dans un marché concurrentiel, acceptent d’embaucher des femmes. C’est avec le soutien d’hommes journalistes ou de patrons que celles-ci font leur entrée dans cette profession où elles doivent souvent se faire discrètes. Les journalistes sportives de la deuxième vague engagées à partir de 1990 et jusqu’aux années 2000 travaillent dans un contexte économique moins favorable aux sports et aux médias : cependant, elles accèdent à la profession non pas pour permettre à leur média de se singulariser, mais suivant un processus d’embauche tout à fait classique et non visiblement genré. La deuxième vague préfigure la troisième puisque certaines journalistes invoquent leur féminité pour obtenir le poste convoité, tout en demeurant évasives sur la plus-value que cela leur confère. Quant à la troisième vague, qui s’amorce avec les années 2010, elle se caractérise par l’injonction faite aux journalistes sportives de « performer » une féminité normative, c’est-à-dire d’exploiter leur apparence physique et leur identité de genre dans le contexte de leur travail, et ce, alors que les chaînes spécialisées se multiplient. Comme le conclut St-Pierre, non seulement les journalistes sportives n’ont jamais dépassé le stade du token mais, à l’exception de celles de la deuxième vague, leur embauche a relevé bien davantage d’un positionnement stratégique des médias que d’une recherche de l’égalité. Au final, la normalisation de leur présence dans les sports a plutôt reposé sur la performance d’une féminité normative qui constitue une autre barrière à l’entrée dans la profession.
En terminant, nous aimerions dégager quelques pistes pour les recherches futures sur les (re)productions et les subversions du genre dans les médias. Parmi celles-ci figure la production d’analyses proposant une problématisation explicite de la masculinité, et ce, pour toutes les dimensions du processus communicationnel. De telles études permettraient de mieux montrer la manière dont se construit le pouvoir ainsi que le privilège auxquels doivent faire face les femmes, et certains hommes, dans les institutions médiatiques et dans la vie quotidienne. Il nous paraît également essentiel de mener davantage de travaux axés précisément sur les dimensions intersectionnelles des interrelations entre le genre et les médias, particulièrement au regard des problématiques qui entourent la violence envers les femmes autochtones, racisées ou autrement minorisées (sexualités, identités de genre, capacités). La cohabitation de terrains d’analyse québécois et français dans ce numéro permet également d’imaginer, pour tous les types de recherche, l’élaboration d’analyses comparatives entre espaces francophones, qu’ils soient nord-atlantiques, africains, caribéens, sud-asiatiques ou autres.
Appendices
Notes biographiques
Formée en journalisme et en histoire à l’Université de Moncton et l’Université de Montréal, Josette Brun est professeure titulaire au Département d’information et de communication de l’Université Laval. Elle a dirigé l’ouvrage Interrelations femmes-médias dans l’Amérique française (Presses de l’Université Laval, 2009). Ses recherches portent sur l’histoire des médias féminins et des femmes journalistes au Québec, de même que sur l’intersectionnalité en communication.
Denyse Baillargeon est professeure émérite au Département d’histoire de l’Université de Montréal. Elle est l’auteure de plusieurs ouvrages en histoire des femmes, notamment Brève histoire des femmes au Québec (Boréal, 2012) et Repenser la nation. Histoire du suffrage féminin au Québec (Les éditions du remue-ménage, 2019) pour lequel elle a remporté le Prix du livre politique de l’Assemblée nationale du Québec.
Caroline Caron est professeure agrégée au Département des sciences sociales de l’Université du Québec en Outaouais, où elle donne des cours de sociologie des médias et de la communication. Son ouvrage Vues, mais non entendues. Les adolescentes québécoises et l’hypersexualisation (Presses de l’Université Laval, 2014) a obtenu un Prix du Canada en sciences sociales décerné par la Fédération des sciences humaines du Canada.
Estelle Lebel est professeure associée au Département d’information et de communication de l’Université Laval. S’intéressant depuis plusieurs années à la rhétorique des images médiatiques, elle a publié des textes dans de nombreux ouvrages et revues scientifiques. Elle a dirigé la revue Recherches féministes de 2005 à 2017 et y a été responsable de numéros sur la communication (2000) et sur les images (2005).
Laurie Laplanche est directrice adjointe de l’Institut Équité, Diversité, Inclusion, Intersectionnalité (EDI2) à l’Université Laval. Elle est titulaire d’un doctorat en communication publique du Département d’information et de communication de l’Université Laval. Sa thèse est intitulée Pour vous, mesdames.... et messieurs. Production des émissions féminines à la Société Radio-Canada à Montréal (1952- 1982). Promotion, conception des publics et culture organisationnelle genrées. Elle a terminé ses recherches postdoctorales au Département d’histoire de l’Université du Québec à Montréal où elle a continué d’approfondir ses questionnements sur les processus historiques de construction des identités professionnelles genrées. Elle s’intéresse aux dynamiques de pouvoir dans les cultures et pratiques organisationnelles ainsi qu’à la construction d’espaces culturellement féminisés dans les médias.
Notes
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[1]
Voir, entre autres, Ien Ang et Joke Hermes (1991), Liesbet van Zoonen (1994) et Sue Thornham (2000).
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[2]
Ce numéro donne suite au colloque intitulé « (Re)productions et subversions du genre dans les médias d’hier et d’aujourd’hui », qui a eu lieu à l’occasion du Congrès international des recherches féministes dans la francophonie à l’Université Paris-Nanterre, du 27 au 31 août 2018.
-
[3]
Cela se produit dans la foulée des débats sur la parité en politique et sur le Pacte civil de solidarité qui génèrent dans l’Hexagone des questionnements sur le genre dans l’espace public et sur la communication politique (Julliard 2009 : 5), questionnements également présents au Québec (Gingras 2014).
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[4]
Parmi ces facteurs, qui entraînent la mise à l’écart de ces questions considérées comme peu sérieuses, figurent l’influence de l’approche marxiste, la prégnance du mythe universaliste républicain, l’influence du modèle chrétien, la légitimité en construction des sciences de l’information et de la communication (SIC), la prégnance de l’objectivité et de la neutralité comme norme scientifique genrée, l’évitement de la question du pouvoir et de la domination au sein de la discipline, le manque de volonté institutionnelle (Bertini 2006 et 2009; Coulomb-Gully 2009; Mattelart 2003; Rieffel 2003).
-
[5]
Au Québec, on parle plutôt d’études des médias et de la communication. Pour une présentation d’études clés anglosaxonnes, françaises et québécoises analysant les rapports de genre en journalisme, en publicité et en relations publiques, voir Josette Brun (à paraître(a)).
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[6]
Une liste de ces premiers numéros thématiques est présentée en annexe dans Marlène Coulomb-Gully (2009). Y figure notamment « Une communication sexuée », publié par la revue Réseaux en 2003, qui aura un beau rayonnement.
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[7]
La revue Questions de communication proposera de tels échanges fructueux en 2009 et en 2010 (nos 15, 16 et 17) : nous citons plus loin les textes de Coulomb-Gully, de Julliard et de Marie-Ève Thérenty.
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[8]
Pour une réflexion québécoise sur le genre en communication organisationnelle, voir Caroline Caron (2004).
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[9]
Pour le Québec, voir Isabelle Boisclair, Pierre-Luc Landry et Guillaume Poirier Girard (2020).
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[10]
Au sujet de la racialisation des sexualités et des identités de genre dans les médias français, voir Karine Espineira (2014). En ce qui a trait à la classe sociale et à son imbrication avec le genre et la race dans l’espace public, voir Marion Dalibert et Sébastien Fevry (2018). Sur les enjeux intersectionnels capacitistes en communication, voir Lucie Dalibert (2015).
-
[11]
Pour une exploration de ces questions intersectionnelles en contexte québécois, voir Josette Brun (dir.) (à paraître(b)).
-
[12]
Au Québec comme en France, des chercheuses et des chercheurs se sont intéressés aux médias féminins et féministes dans cette perspective. Voir, entre autres, Denyse Baillargeon, Josette Brun et Estelle Lebel (2017), Claire Blandin et autres (2017), Laurie Laplanche (2016), Chantal Savoie (2014), Josette Brun (2009), Claire Blandin et Cécile Méadel (2009), Caroline Caron et Marie-José des Rivières (2008).
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