Comptes rendus

Nathalie Sage Pranchère, L’école des sages-femmes. Naissance d’un corps professionnel, 1786-1917, Tours, Presses universitaires François-Rabelais, coll. « Perspectives historiques », 2017, 456 p.[Record]

  • Andrée Rivard

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  • Andrée Rivard
    Université du Québec à Trois-Rivières

Ces lignes, tirées de l’ouvrage intitulé L’école des sages-femmes. Naissance d’un corps professionnel, 1786-1917, donnent d’entrée de jeu un bon aperçu de son contenu. L’historienne Nathalie Sage Pranchère y rend compte de la trajectoire des sages-femmes françaises durant la période qui s’étend de 1786 à 1917. En mettant l’accent sur l’éducation comme pivot de l’identité et de la reconnaissance nouvelle que les sages-femmes acquièrent alors, l’auteure fait oeuvre utile, car elle attire l’attention sur une pièce maîtresse, indispensable à la compréhension de leur passé et de leur devenir. Sa recherche est basée sur une gamme étendue de sources historiques primaires constituée de documents manuscrits (conservés dans 65 dépôts d’archives nationales, départementales et municipales), de publications institutionnelles (lois, règlements, etc.), d’ouvrages spécialisés (médicaux, obstétricaux, encyclopédiques, etc.) et de récits autobiographiques. Ces documents ont été soumis à une analyse croisée, courante en histoire; certains éléments de la recherche ont bénéficié d’une analyse statistique. Les neuf chapitres du livre suivent une trame à la fois thématique et chronologique. Le mouvement de « scientifisation » et de médicalisation de l’accouchement amorcé à la fin du xviie siècle reprend de plus belle durant les années 1730 alors qu’administrateurs et philosophes des Lumières, préoccupés par une dépopulation anticipée, mêlent leurs voix à celles des médecins et des chirurgiens pour dénoncer les matrones jugées inaptes. Ils trouvent solution dans l’interdiction de pratique aux femmes exerçant déjà l’art des accouchements, ou leur formation. Rapidement, recevoir une instruction obstétricale devient une obligation morale pour celles qui offrent assistance aux femmes qui accouchent (chapitre 1). De 1759 à 1783, la sage-femme Angélique du Coudray forme des milliers d’élèves en donnant des cours itinérants, à l’échelle de presque toute la France. Bien qu’ils soient appréciés de l’administration royale et des intervenants médicaux, le coût élevé et l’insuffisance de la formation forcent l’abandon de la formule. Bientôt, pour le nouveau gouvernement révolutionnaire qui s’installe au tournant du xixe siècle, l’objectif consiste à organiser l’encadrement légal devant permettre l’épanouissement de la praticienne idéale, c’est-à-dire la sage-femme bien formée, disposant d’une exclusivité dans l’exercice de son art (chapitre 2). En lui donnant une définition et en fixant ses modalités d’instruction, la loi sur l’exercice de la médecine du 19 ventôse an xi (10 mars 1803) signe l’acte de naissance de la sage-femme française. Durant les premières décennies du siècle, les débats se concentrent sur la manière d’instruire et le lieu de formation des sages-femmes. Créée en 1802, l’école de l’Hospice de la maternité de Paris jouit d’une grande réputation qui doit beaucoup aux « deux plus belles figures de l’obstétrique française » (p. 129) du temps, Jean-Louis Baudelocque, chirurgien-accoucheur en chef, et Marie-Louise Lachapelle, maîtresse sage-femme. Dépassant le strict cadre de l’assistance à l’accouchement normal, l’enseignement y est élargi aux soins prénatals et postnatals et à des domaines habituellement réservés à d’autres acteurs médicaux : vaccination, saignée, prescription de plantes aux vertus médicinales et, jusqu’à un certain point, assistance aux accouchements laborieux. En dépit du combat de Baudelocque en vue de faire de l’Hospice l’unique institution nationale de formation, les autorités ministérielles imposent en parallèle un modèle décentralisé d’enseignement départemental. Ce choix engendre deux classes de praticiennes, la première ayant droit d’exercice national (accordé à la diplômée ayant reçu le plus haut niveau de formation à Paris), la seconde étant restreinte à une pratique locale (chapitre 3). Dans cette foulée, un foisonnement d’écoles départementales originales voit le jour. Les programmes sont organisés selon deux principales formes : l’une sans internat, se traduisant par une formation clinique minimale; l’autre avec internat en hospice ou au sein d’une école d’accouchement rattachée à un …