Comptes rendus

Patricia Ménissier, Être mère xviiie-xxie siècle, Paris, Éditions CNRS, 2016, 203 p.[Record]

  • Denyse Baillargeon

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  • Denyse Baillargeon
    Université de Montréal

Dans son ouvrage intitulé Être mère xviiie-xxie siècle, Patricia Ménissier propose une sorte de synthèse de l’histoire de la maternité depuis le xviiie siècle, articulée autour de trois dimensions : ses représentations dans la peinture et la littérature, les discours auxquels elle a donné lieu et le « vécu » des mères. Chacune de ces dimensions fait l’objet d’un (très long) chapitre reposant essentiellement sur l’expérience française, avec, ici ou là, des comparaisons avec les États-Unis et l’Allemagne, notamment. L’objectif de l’ouvrage est de montrer la manière dont les identités féminine et maternelle ont été amalgamées ou, au contraire, dissociées à travers le temps et suivant quelles modalités. Si l’ouvrage, qui s’appuie sur des études, n’apporte guère de connaissances nouvelles sur le sujet, il a néanmoins le mérite d’organiser son propos autour d’une problématique stimulante qui fait bien ressortir la complexité de la figure maternelle et les dilemmes inhérents au fait d’être mère, aujourd’hui comme hier. Le premier chapitre se penche sur la présence des mères dans la peinture et la littérature. L’auteure constate que c’est surtout à partir du xviiie siècle que la mère occupe une place comme personnage central dans les écrits, à commencer par ceux de Jean-Jacques Rousseau : celui-ci propose un modèle de mère totalement dévouée qui devient un étalon de mesure à partir duquel toutes les autres seront jugées. Si la peinture propose très peu de représentations de mauvaises mères, la littérature des xixe et xxe siècles fait néanmoins une place à la mère « dénaturée » aux côtés de la mère idéalisée, celle qui est entièrement absorbée par les soins et l’éducation de ses enfants, en d’autres termes celle dont l’identité de femme se confond avec l’identité de mère et qui doit servir de modèle à toutes. En littérature, le thème de la mère sera aussi exploité pour traiter de la relation mère-enfant et notamment, s’agissant d’auteurs masculins, de leur relation avec leur propre mère. Le vaste panorama que dresse Ménissier dans ce chapitre l’amène à constater que, sauf exception, ce n’est que tardivement qu’émergent une parole et une esthétique féminines qui s’éloignent des clichés de la maternité idéalisée ou condamnée. Ni anges ni démons, les mères mises en scène dans ces oeuvres féminines laissent voir les « failles […], leurs doutes et leurs interrogations » (p. 66) de même que le conflit qui les oppose à la femme qu’elles incarnent également. Si le premier chapitre accorde une attention particulière aux oeuvres de fiction, le deuxième chapitre s’intéresse aux discours sociaux et à certaines réalités sociales concernant la maternité. Suivant l’auteure, les xviie et xviiie siècles auraient constitué une sorte d’exception dans l’assimilation de la femme à la mère, des pratiques comme la mise en nourrice ayant permis à plus d’une de se soustraire à l’allaitement et aux soins aux jeunes enfants. La baisse de la natalité et la lutte contre la mortalité infantile à compter de la fin du xixe siècle auraient ramené les injonctions à la maternité nombreuse et dévorante au premier plan. Le retour en vogue des idées d’un Jean-Jacques Rousseau, du moins dans les discours populationnistes des politiciens et des médecins, entre autres, n’aurait cependant pas empêché les femmes de résister à ces prescriptions (mise en nourrice, abandon d’enfants, recours à la contraception et à l’avortement, etc.). Si les deux guerres mondiales ouvrent plus largement l’accès de la sphère publique aux femmes et leur offrent d’autres rôles que celui de mère, ce n’est qu’en raison du conflit, car l’entre-deux-guerres et l’après-guerre ramènent les exhortations à la maternité. Seul …