Dans l’ouvrage collectif Matronazgo y arquitectura. De la Antigüedad a la Edad Moderna, on aborde d’un point de vue transdisciplinaire le phénomène de « matronage » pour lequel on dénote d’abondants témoignages, depuis l’Antiquité jusqu’aux temps modernes. Le livre met en valeur l’action des femmes, en tant que promotrices de l’architecture faisant irruption dans des espaces qui leur étaient formellement interdits, ainsi que leurs répercussions sur les villes et les communautés des sociétés où elles ont évolué. Le concept propre de « matronage » (Martinez Lopez 2011 et 2015) sera donc utilisé pour définir « le patronage civique exercé par les femmes, provenant de l’élite des villes, ayant porté des changements dans les relations de genre dans les sphères sociales et civiques » (p. 13). Toutes les réflexions présentées sont le résultat des analyses et des débats tenus à l’occasion du séminaire international intitulé « Mujeres promotoras de arquitectura. Matronazgo civico y religioso de la Antigüedad a la Edad Moderna » et coordonné par Cándida Martinez Lopez et Felipe Serrano Estrella qui ont dirigé cet ouvrage collectif. Martinez Lopez et Serrano Estrella rappellent, au chapitre premier, que les processus historiques de création et de transformation du paysage urbain, de l’identité et de la mémoire des villes, subissent directement l’influence des agentes et des agents qui y participent : la différence de sexe apparaît donc comme un principe organisateur des villes classiques, médiévales et modernes, les femmes étant liées au domaine domestique et les hommes, au volet civique. En appliquant la perspective de genre au design et au fonctionnement des villes et des communautés, mais aussi aux formes de pouvoir des femmes et à la construction de la mémoire civique, les auteures et les auteurs de cet ouvrage observent la capacité des femmes à s’intégrer comme promotrices de l’architecture, rôle pour lequel elles n’étaient pourtant pas interpellées, et à former, par conséquent, une partie de la mémoire et de l’identité de ces villes. En participant au financement, à la planification et à la conception des espaces et des monuments, les femmes se sont ainsi manifestées dans les espaces publics, en construisant des réseaux sociaux, religieux, politiques et culturels et, ultimement, des édifices de nature très différente : temples, chapelles, basiliques, monastères, portiques, palais, marchés, théâtres, sources thermales, amphithéâtres, arches, jardins, pavés de rues, aqueducs et fontaines. Martinez Lopez et Serrano Estrella font état de ce que le processus singulier de « matronage » civique et religieux a contribué, tant par la magnitude du phénomène que par sa durée dans le temps, à la transformation et à l’exaltation de l’image de ces villes et communautés ainsi qu’à l’immersion d’une féminisation des relations civiques. Les activités des femmes en tant que promotrices d’édifices publics au bénéfice de leurs concitoyens et concitoyennes ont, de plus, entraîné la reconnaissance de ces femmes par les honneurs, les monuments ou les statues, en réussissant à faire partie de la mémoire de la ville. Ainsi, Martinez Lopez et Serrano Estrella démontrent que les femmes promotrices de l’architecture disposaient des ressources économiques et qu’elles connaissaient le fonctionnement et les réseaux de pouvoir de leurs sociétés, manipulant certains engrenages du pouvoir – à la façon des reines hellénistes, des impératrices et des élites de la société romaine antique –, les religions leur ayant fourni une projection sociale à travers des modèles féminins de référence. La richesse ne leur a pas seulement permis d’entrer dans l’espace public pour construire des édifices significatifs dans leurs villes respectives : elles ont su également transformer leurs capitaux économiques en d’autres formes plus féminines et socialement acceptables telles que de nouveaux lieux de mémoire …
Appendices
Références
- MARTINEZ LOPEZ, Cándida, 2015 « La memoria de las mujeres en la arquitectura publica : matronazgo civico en la Hispania romana », dans Diez Jorge (dir.), Arquitectura y mujeres en la Historia. Madrid, Sintesis : 59-88.
- MARTINEZ LOPEZ, Cándida, 2011 « Amantissima cicium suorum : matronazgo civico en el Occidente romano », Arenal. Revista de Historia de las Mujeres, 18, 2 : 277-307.