Comptes rendus

David Steel, Marie Souvestre, 1835-1905. Pédagogue pionnière et féministe, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2014, 208 p.[Record]

  • Anastasie Amboulé Abath

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  • Anastasie Amboulé Abath
    Université du Québec à Chicoutimi

La publication de cet ouvrage biographique structuré en douze chapitres sur l’historiographie de la directrice d’école Marie Souvestre résulte de la volonté de David Steel de faire connaître l’héritage de cette pédagogue féministe. Le livre s’articule autour du projet de Caroline Dussaut et Marie Souvestre durant la seconde moitié du xixe siècle, en l’occurrence celui de la création d’une école non confessionnelle à vocation particulière à Avon-Fontainebleau, d’enseignement primaire et secondaire pour les jeunes filles d’origine étrangère afin de les éduquer en langue française en France, selon les principes libéraux anglo-saxons. Cette école fondée par ces deux amantes, devenues codirectrices, s’appelait « Les Ruches », et ses élèves, « les Abeilles ». Selon Steel, le fait d’ouvrir une école pour filles « était, pour l’époque, une entreprise innovatrice. De tels établissements étaient rares, et, en ce qui concernait le secondaire, presque inexistants » (p. 13). En agréant la création d’une telle école, les autorités françaises d’alors avaient bien compris les retombées culturelles et diplomatiques d’un tel projet pour le rayonnement international de la France, ce que souligne Steel (p. 16) : C’est là un « projet ingénieux politiquement et pédagogiquement innovateur, et un exemple précoce d’un instrument destiné au rayonnement de la France » (p. 150). Pour Steel, « la contribution significative et hautement originale de Marie au domaine de l’éducation féminine, à la fois en France et en Angleterre, a été largement ignorée et n’a attiré l’attention que de manière tangentielle à l’occasion d’études concernant d’autres personnes, ses amis ou ses élèves » (p. 145). La volonté de l’auteur de faire connaître le parcours inspirant de cette pédagogue féministe apporte un éclairage digne de mémoire sur les différentes initiatives d’émancipation des femmes. Steel analyse ainsi des archives des deux pensionnats-écoles qu’elle a fondées et dirigées, soit Les Ruches, à Avon-Fontainebleau en France, et Allenswood, à Wimbledon près de Londres; des lettres d’elle dont il a retrouvé la trace; les mémoires de quelques-unes de ses anciennes élèves; des informations contenues dans différents journaux intimes de certaines de ses amies et connaissances contemporaines, des ouvrages qui présentent cette directrice d’école mais aussi et principalement les informations contenues dans les biographies consacrées à des figures qui l’ont fréquentée en tant qu’amis ou amies ou encore élèves. Au-delà de la rareté des sources archivistiques, Steel rassemble tout ce que l’on peut découvrir sur Marie pour lui redonner vie et lui rendre son dû. Ces sources d’information permettent de connaître trois aspects de sa personnalité : sa vocation pédagogique, son féminisme et, enfin, sa sexualité lesbienne. Steel présente Marie comme une femme qui a marqué de son sceau l’éducation de filles des classes aisées. Il parle d’elle comme d’une pédagogue performante qui enseignait la littérature et l’histoire, qui encourageait fortement la pratique d’activités physiques et qui organisait des soirées de causerie afin d’élargir les centres d’intérêt des jeunes filles sur les questions contemporaines en les amenant à se forger des opinions personnelles. Marie enseignait aux jeunes filles à cultiver leur curiosité intellectuelle, l’apprentissage des langues, le goût des voyages et la prise en considération de la cause féminine. Ce projet éducatif particulier a permis d’éveiller la conscience chez des générations de jeunes filles et ses méthodes pédagogiques étaient aussi efficaces pour l’apprentissage de la calligraphie, du dessin, du solfège, de la composition et de la poésie française que de l’allemand, de l’anglais et de l’italien. La présence des membres du personnel d’origine étrangère a facilité la pratique de ces langues. Le premier chapitre, intitulé « Marie avant Avon, Bretagne et Paris », est consacré à la vie de Marie, deuxième fille de l’auteur …