Comptes rendus

Julien Prud’homme, Professions à part entière. Histoire des ergothérapeutes, orthophonistes, physiothérapeutes, psychologues et travailleuses sociales au Québec, Montréal, Presses de l’Université de Montréal, 2011, 223 p.[Record]

  • Hélène Charron

…more information

  • Hélène Charron
    Université Laval

L’ouvrage de Julien Prud’homme, Professions à part entière. Histoire des ergothérapeutes, orthophonistes, physiothérapeutes, psychologues et travailleuses sociales au Québec, offre une analyse sociohistorique fine de la croissance du secteur de la santé depuis la Seconde Guerre mondiale au Québec, sous l’angle de l’organisation d’un ensemble de professions paramédicales fortement féminisées, mais moins connues que le travail infirmier ou la médecine. Le plan choisi par l’auteur est chronologique et comparatif. La perspective empruntée est celle de l’étude des pratiques cliniques. Plutôt que de refaire l’histoire des politiques et des représentations, Prud’homme plonge au coeur des pratiques et des enjeux politiques et professionnels liés à la définition des champs de pratique et de leurs frontières. Dans le premier chapitre, l’auteur documente la naissance des professions paramédicales dans les institutions hospitalières et universitaires de la Seconde Guerre mondiale à 1970. D’abord envisagées dans un rôle auxiliaire au service des médecins, les membres des professions paramédicales ont des vélléités d’autonomie professionnelle qui se heurtent constamment aux pouvoirs des médecins sur le contrôle des diagnostics et des clientèles. Largement communs, les enjeux se modulent selon que les professions relèvent de la réadaptation physique (ergothérapeutes, physiothérapeutes et orthophonistes) ou de la réadaptation psychosociale (psychologues et travailleuses sociales et travailleurs sociaux). Ainsi, le contrôle moins grand des médecins sur les professions psychosociales permet à ces dernières d’entrer plus rapidement dans le jeu politique de la quête des privilèges légaux, grâce à leurs corporations qui revendiquent non pas le monopole de l’expertise pratique, mais celui des titres professionnels. De 1970 à 1985, le champ d’action des professions paramédicales s’élargit, même si le monopole des titres plutôt que des pratiques professionnelles limite leurs ambitions. Manquant d’un langage spécifique leur permettant de défendre une expertise particulière, elles demeurent dépendantes de l’avis des médecins dans l’identification des diagnostics et des clientèles. Durant cette période, qui fait l’objet du deuxième chapitre, les réformes de l’État ont des effets contrastés sur les professions paramédicales. Les transformations dans l’institution universitaire favorisent l’extension des territoires de formation, en même temps que la naissance des nombreuses techniques médicales et psychosociales dans les cégeps vient menacer le caractère professionnel de leurs expertises. La diminution de la proportion de spécialistes dans le corps médical facilite par ailleurs l’autonomisation des professions paramédicales, dont le nombre croît de manière accélérée. La Loi sur les services de santé et les services sociaux de 1971 permet l’apparition de nombreux centres privés de réadaptation pris en charge par l’État qui sont particulièrement profitables aux professions paramédicales de la réadaptation physique sur qui l’autorité des médecins était prégnante. Dans ces établissements, les membres de ces professions paramédicales élargissent leurs expertises et leur autonomie. Pour leur part, les psychologues ainsi que les travailleuses sociales et les travailleurs sociaux, défendent leur expertise thérapeutique pour se déprendre des tests de quotient intellectuel (QI) et des charges administratives qui sont délégués plus volontiers aux techniciennes et aux techniciens en réadaptation psychosociale nouvellement en poste. N’abordant le travail de ces personnes que dans le contexte de leur spécialisation médicale (en milieu privé ou public), Prud’homme indique très brièvement qu’elles vivent aussi des tensions avec les autres secteurs professionnels du travail social et de la psychologie qui contestent l’approche individuelle et thérapeutique, reconnue au sein des professions paramédicales en milieu hospitalier comme la plus qualifiante, devant d’autres expertises qui fonctionnent également sur cette unité de base. Les thérapies de groupe deviennent une des nouvelles approches du travail social médical dont la légitimité est toutefois très précaire. Elles disparaissent d’ailleurs lors des premières compressions budgétaires des années 1980. Les psychologues luttent plus particulièrement contre la croissance de la médicamentation de …