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L’exclusion historique des femmes de l’espace public et politique est un sujet maintenant abondamment documenté et théorisé. Les mouvements de femmes en ont fait une bataille centrale au coeur de la première vague du féminisme, menant à la reconnaissance du droit de vote des femmes et à l’égalité civile. Plus récemment, depuis les années 90 et la Conférence de Beijing, une nouvelle dynamique de débats et de législations à propos de mesures de discrimination positive dans la sphère électorale a accompagné la production de nombreux travaux scientifiques sur le sujet.
L’ouvrage de Manon Tremblay se veut un outil de vulgarisation et de diffusion des connaissances produites par ces recherches portant sur « les femmes et la politique », vaste sujet s’il en est. Cependant, il offre bien plus que cela : il s’agit d’un effort de synthèse magistral, à l’intérieur duquel l’auteure apporte son propre regard scientifique, ses réflexions et ses conclusions tirées de ses nombreux travaux sur le sujet. Manon Tremblay est en effet une des grandes spécialistes canadiennes (et dans le monde) à avoir réfléchi théoriquement aux différents enjeux de la participation politique des femmes aux systèmes parlementaires tout en s’appuyant sur des données empiriques produites par diverses enquêtes menées au niveau tant fédéral que provincial.
Les 100 questions que l’auteure pose, et auxquelles elle répond, sont réparties à l’intérieur de neuf chapitres portant sur les sujets suivants : les droits de vote et de candidature, les comportements électoraux, les obstacles à l’élection des femmes, la proportion de femmes dans les parlements, les stratégies pour féminiser les parlements, la représentation politique, la participation aux gouvernements, les instruments du droit international et, finalement, les femmes en politique au Québec et au Canada. À chaque question, l’auteure apporte des données, explique les principales théories explicatives, résume les travaux existants et fournit quelques références bibliographiques permettant à la lectrice ou au lecteur de s’aventurer plus loin si tel est son souhait.
Le paradoxe central est le suivant : l’absence historique et relativement contemporaine des femmes dans les parlements constitue une manifestation incontestable du genre comme structure sociale, et pourtant une plus grande présence des femmes dans les parlements ne mène pas nécessairement à des changements qualitatifs importants dans la nature de la politique. S’agit-il de représenter les femmes (leurs intérêts, quels intérêts), ou tout simplement d’ouvrir une des sphères sociales majeures des sociétés modernes à la participation des femmes? Il n’y a pas, bien sûr, de réponse unique à cette question, l’auteure nous présentant l’étendue des débats et des processus politiques mis en place dans différentes régions du monde dans des contextes fort variés. Il est question du rapport entre féminisme et participation politique des femmes, mais l’auteure est bien avisée de ne pas confondre ces deux sujets. S’ils se recoupent jusqu’à un certain point, on ne saurait les assimiler qu’au risque de renforcer les positions essentialistes, par ailleurs importantes dans l’explication de l’adoption de mécanismes de discrimination positive en matière électorale.
L’ouvrage de Manon Tremblay deviendra sans doute une référence incontournable pour qui souhaite connaître l’histoire de l’accès des femmes à la politique institutionnelle, de même que l’effet des différentes composantes des modes de scrutin sur cet accès. L’enjeu prend en effet une coloration hautement technique quand il s’agit de penser aux stratégies effectives permettant l’insertion des femmes dans ce domaine historiquement masculin. Les partisanes et les partisans de réformes électorales y trouveront donc une mine d’informations susceptible d’orienter les plateformes des années à venir.