Comptes rendus

Florence Rochefort (dir.) Le pouvoir du genre. Laïcités et religions 1905-2005. Toulouse, Presses universitaires du Mirail, 2007, 272 p.[Record]

  • Marie-Emmanuelle Reytier

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  • Marie-Emmanuelle Reytier
    Université Laval

Ce recueil rassemble 14 communications présentées lors du colloque pluridisciplinaire « Genre, laïcité(s), religions » organisé à Paris en mai 2005 par Florence Rochefort et Michelle Zancarini-Fournel. Dans son introduction, Florence Rochefort présente l’objectif ambitieux des auteures et des auteurs : « revisiter l’histoire de la laïcité du point de vue du genre ». L’ouvrage se compose de deux parties : la première est intitulée « Le moment 1905 en France métropolitaine et coloniale » (p. 33-159) et la seconde, « Le genre, un révélateur des relations État, religions et sociétés » (p. 163-266). Dans la première partie, le texte de Michelle Zancarini-Fournel, « Genre et laïcisation, jeux d’échelles du national au local » (p. 33-46), analyse brièvement le rôle des agents de l’État et des élus des années 1860 à 1905 pour anticiper, implanter ou retarder la laïcisation de l’éducation dans la Loire et le Rhône, deux des quatre départements français comptant le nombre le plus imposant d’élèves dans les écoles congréganistes publiques, et les différences dans ce processus entre les filles et les garçons. Dans « Entre philanthropie et féminisme. Le Comité des dames de la ligue de l’enseignement (1901-1914) » (p. 47-63), Jean-Paul Martin étudie l’échec de l’accès des femmes aux instances dirigeantes de la Ligue de l’enseignement, une organisation élitiste qui a milité pour la laïcisation de l’enseignement dès sa création par Jean Macé en 1866. Martin montre les limites du message progressiste de la Ligue qui estimait les femmes « équivalentes » aux hommes sans être leurs égales et acceptait le travail féminin comme une réalité sociologique incontournable, mais conservait l’idéal de la mère au foyer, éducatrice républicaine. Le premier Comité des dames, né à Paris en 1876 et héritier des oeuvres féminines dans la tradition philanthropique, était une façon d’accepter les femmes dans les rangs de la Ligue tout en les cantonnant dans des domaines précis, considérés comme leurs domaines de prédilection : les oeuvres laïques et l’enseignement domestique. Certaines des adhérentes ont intégré le conseil général de la Ligue, mais le Comité des dames, qui renaît en 1901 après une période de somnolence, a été maintenu dans une position subalterne. L’impact de ses réflexions pionnières sur le travail des femmes reste à définir. Dans « Ambivalences laïques et critiques féministes » (p. 65-82), Florence Rochefort montre que les élites masculines et laïques de la Troisième République craignaient de favoriser l’extension des revendications égalitaires aux droits civiques même si elles souhaitaient promouvoir l’éducation des femmes pour former à la fois des mères de famille qui inculqueraient les valeurs républicaines à la jeune génération et un personnel féminin qui prolongerait l’oeuvre de laïcisation dans les domaines réservés traditionnellement aux femmes – comme l’éducation des filles ou encore l’assistance aux malades. Dans « Résistances des ligues féminines catholiques à l’idée laïque » (p. 83-97), Bruno Dumons retrace la création et le développement de deux organisations catholiques : la Ligue des femmes françaises, association monarchiste fondée à Lyon en 1901, et la Ligue patriotique des Françaises, branche parisienne qui a fait scission en 1902 pour soutenir l’Action libérale populaire de Jacques Piou favorable au ralliement des catholiques à la Troisième République. Au début du XXe siècle, les élites féminines catholiques se sont mobilisées en réaction à la politique de laïcisation, une riposte qui les a sensibilisées à l’action politique réservée auparavant aux hommes. Paradoxalement, elles ont acquis une maturité citoyenne « grâce à la République et à ses lois laïques » (p. 97). Dans « Culture scolaire, idéal laïque et différences filles/garçons » (p. 99-109), Frédéric Mole relève deux tendances dans la culture scolaire laïque en …