Comptes rendus

Geneviève Pruvost De la « sergote » à la femme flic : une autre histoire de l’institution policière (1935-2005). Paris, Éditions La Découverte, 2008, 309 p.[Record]

  • Line Beauchesne

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  • Line Beauchesne
    Université d’Ottawa

Le droit des femmes à devenir policières est de plus en plus reconnu. Toutefois, comme le montre la littérature sur le sujet, nombre d’obstacles demeurent quant à leur intégration appropriée dans le milieu policier. En fait, la principale menace que représente l’entrée des femmes dans cette profession concerne l’image professionnelle masculine de la police inscrite dans sa culture paramilitaire. Lorsqu’une profession est typée masculine, cela signifie que la pratique même du métier est une preuve de masculinité. C’est le cas du métier de policier dans ses fonctions de répression. Le vocabulaire du milieu de travail en témoigne. Au bas de l’échelle, il y a tout le travail de bureau, en prévention et de proximité (communautaire) perçu comme plus féminin; au haut de l’échelle, perçu comme plus masculin, se trouve le travail lié à la répression des activités criminelles, là où l’on fait de la « vraie » police, le sommet étant les escouades spécialisées. Ainsi, quel que soit le pays, à quelques variantes près, l’intégration des femmes dans le milieu policier connaît le même déroulement dans ces rapports sociaux de sexe. Pour illustrer cela, l’excellent ouvrage de Geneviève Pruvost sur l’histoire de l’entrée des femmes dans la police en France sera mis en parallèle avec la situation canadienne. Pendant la première période, soit des années 30 aux années 60, les femmes dans la police en France, tout comme au Canada, seront cloisonnées dans des tâches de service social, les tâches jugées féminines dans la fonction. En France, cela se déclinera essentiellement à Paris et avec les escouades jeunesse; au Canada, dans les grandes villes, par le cloisonnement des femmes à l’intervention sociale auprès des femmes et des jeunes. Comme cela s’est produit au Canada, pendant la Seconde Guerre mondiale, les femmes seront amenées, en France, à d’autres tâches, principalement de surveillance, mais dès la guerre terminée, elles seront repoussées dans les tâches jugées féminines. De même, durant les années 60, les mouvements féministes, tant en France qu’au Canada, revendiquent la fin de la discrimination à l’emploi. Si, au Canada, cela se traduit par l’obligation d’implanter des programmes d’équité en emploi chargés d’examiner si les critères de recrutement, de sélection, d’évaluation et de promotion présentent un caractère discriminatoire à l’égard des femmes dans différentes professions dont la police, en France, l’impact de ce qui est désigné par la politique de l’égalité des chances semble plus timide. En fait, l’abolition de quotas restrictifs à l’entrée des femmes ne se fera qu’en 1992. L’autre mouvement qui a servi à justifier l’entrée des femmes dans l’entièreté des fonctions, à la même époque, a été ce que le Canada désigne en tant que « police communautaire » et la France, « police de proximité », venant remettre en question, du moins théoriquement, la police dans sa fonction uniquement de répression en matière d’intervention. Cela permettait ainsi plus aisément d’envisager l’entrée des femmes dans cette profession. Par la suite, le droit des femmes d’exercer l’entièreté des fonctions policières va se jouer sur le terrain. Par différents moyens, on tente de cloisonner les femmes dans toutes les fonctions où la patrouille et l’arme de service ne sont pas là, tâches jugées masculines. En France, cela se traduit par une couleur assez locale. On laissera les femmes entrer dans toutes les fonctions sans arme, même aux enquêtes et au commandement, mais l’on restreindra fortement leur entrée dans les fonctions jugées plus « viriles ». Les compagnies républicaines de sécurité de la police nationale (CRS) bénéficient aujourd’hui encore d’une capacité de limiter l’entrée des femmes à cet égard. Deux logiques se mettent peu à peu en place, significatives du …