Quelles places occupent les femmes et quels rôles jouent-elles dans les relations internationales contemporaines? Fruit d’une rencontre internationale croisant l’histoire des relations internationales et l’histoire des femmes, cet ouvrage s’organise autour de trois grands thèmes, soit les femmes d’État et les femmes diplomates, les femmes dans les organisations internationales et, enfin, les femmes militantes dans les mouvements internationaux. Il réunit les textes de 29 chercheurs et chercheuses venant de la France, de la Belgique, de la Suisse, de la Hongrie, de la Chine et de l’Islande. Le corpus s’étend du XXe siècle au début du XXIe et s’attache principalement à l’aire géographique européenne, mais aussi au Proche-Orient, à la Chine, au Mexique, aux États-Unis et au Québec. La première partie de l’ouvrage porte sur les femmes dans la décision et l’exécution des politiques étrangères nationales. Sont évoquées d’abord les femmes d’État. Parmi celles qui ont exercé l’autorité, fait surprenant, seule Margaret Thatcher fait l’objet d’un article. Celui-ci analyse la politique étrangère du Royaume-Uni sous sa gouverne. Ce n’est pas le fait qu’elle est une femme (ses politiques sociales toucheront d’ailleurs lourdement les femmes et elle ne nommera aucune femme à son gouvernement), mais plutôt ses convictions politiques, son intransigeance et sa force de caractère qui ont bouleversé le Royaume-Uni (texte de Claire Sanderson) et lui ont permis d’atteindre les deux objectifs qu’elle s’était fixés : redonner à la Grande-Bretagne sa place sur l’échiquier international (guerre des Malouines et relations avec l’Europe) et, pour elle-même, passer à l’Histoire. Deux autres portraits de femmes politiques qui ont influencé la politique étrangère de leur pays sont ensuite esquissés : il s’agit d’abord de la Française, Élizabeth Guigou, avant-gardiste et résolument européenne, qui, en 20 ans de vie politique (1982-2002), contribuera, au sein des différents postes occupés, à la construction de l’Europe : elle fera de la Charte des droits fondamentaux son cheval de bataille et rejoindra ainsi « le combat des femmes engagées depuis longtemps sur ce terrain » (texte de Élisabeth Du Réau, p. 48). Ludmila Jivkova, femme politique (1975-1981) bulgare (texte de Svetla Moussakova), ministre de la Culture sous le gouvernement de son père, le président Todor Jivkov, dont elle ne partageait pas la soviétophilie, marquera son époque par son action culturelle internationale. En directe opposition avec l’idéologie officielle du régime socialiste, elle met en place une diplomatie culturelle ouverte sur l’Occident. Cet effort de différenciation culturelle et identitaire et la promotion de la culture millénaire bulgare seront interprétés comme une volonté de sortir de l’orbite soviétique. Le second aspect, soit les femmes dans l’exécution des politiques internationales, est constitué d’une série d’articles plus descriptifs de six auteurs, qui font usage de statistiques et qui analysent l’évolution de la place des femmes dans la diplomatie, leur poids politique dans les négociations internationales et leur présence tant au siège des affaires étrangères de leurs pays respectifs qu’en poste à l’étranger. Se succèdent ainsi des portraits de femmes qui ont joué un rôle dans les relations bilatérales : les négociatrices officieuses de 1917 ainsi que les diplomates officielles de la Hongrie, de l’Irlande, de l’Espagne, du Mexique et de la Chine. Si, au XXe siècle la présence des femmes à des postes importants demeure l’exception, on signale depuis 1970 un accroissement significatif qui se poursuit durant les années 80 et 90, mais la situation stagne au début du XXIe siècle. On souligne quelques-unes des causes freinant l’accès des femmes à la diplomatie, soit les contraintes familiales, les obligations de séjours prolongés à l’étranger, les règlements internes des administrations et surtout le fameux « plafond de verre » qui bloque …
Jean-Marc Delaunay et Yves Denéchère (dir.) Femmes et relations internationales au XXe siècle. Paris, Presses Sorbonne nouvelle, 2006, 370 p.[Record]
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Michelle Bussières
Université Laval