Comptes rendus

Ilana Löwy L’emprise du genre. Masculinité, féminité, égalité. Paris, Éditions La Dispute, 2006, 277 p.[Record]

  • Monique Benoit

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  • Monique Benoit
    Université Laurentienne

Après 40 ans de revendications féministes, il est difficile d’expliquer qu’avec autant d’ardeur nous ne soyons pas parvenues à dépasser les limites imposées par le genre et que nous ayons ainsi l’impression parfois d’effectuer un retour à la case départ. Tel est le constat auquel arrive Iliana Löwy dans son ouvrage intitulé : L’emprise du genre. Masculinité, féminité, inégalité, où elle tente de mettre en évidence les principaux mécanismes de maintien de la subordination des femmes et de la domination des hommes sur les femmes érigée en modèle à suivre qu’elle décrit comme « l’emprise de l’homme dans la tête » (p. 63). Ilana Löwy est une historienne des sciences, directrice de recherche à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) à Paris et coauteure d’un ouvrage remarquable paru en 2000 : L’invention du naturel. Les sciences et la fabrication du féminin et du masculin. Dans le présent livre, elle poursuit sa démarche critique des sciences et des thèses biologiques à travers un plaidoyer convaincant des relations de genre au sein des sociétés contemporaines. Suivant la dichotomie sexe (catégories biologiques liées à la nature des hommes et des femmes) et genre (catégories culturelles liées au masculin et au féminin), Löwy effectue quelques mises au point relativement à l’essoufflement du féminisme contemporain. Contrairement à la position de Judith Butler (1990), qui rompt avec le féminisme de l’égalité (sans pour autant s’allier à une vision essentialiste), la thèse de Löwy approfondit l’analyse de la lutte contre la domination masculine et propose de réformer le féminisme contemporain au regard des contradictions instaurées par la question de nature, du biologique et de la reproduction humaine (p. 52). Löwy poursuit ainsi la réflexion amorcée en France par Delphy dès le début des années 90, qui donne préséance au genre sur le sexe dans sa désormais célèbre phrase (2002 : p. 94) : « Le genre précède le sexe. » Rappelons que la thèse de Delphy (2001) remet en question le présupposé selon lequel le sexe demeure une donnée première et immuable à partir de laquelle le genre serait accolé. Elle pose la préséance du genre sur le sexe en soulignant que le second n’existe que parce que la société le construit en tant que tel à partir du premier. Ainsi, selon cette thèse, la différence biologique n’entrerait pas en compte dans la domination masculine. Au contraire de tout ce que l’on perçoit au quotidien (la différence des corps, des cycles biologiques, la reproduction, etc.), les dimensions biologiques auraient peu à voir avec la catégorisation sociale. Löwy fait une démonstration admirable de cette thèse en renouvelant la façon de penser l’emprise du genre masculin pour marquer la différenciation entre les sexes. Löwy remet en question la très prégnante stabilité de la différence entre les sexes, instaurée par la hiérarchie du genre sous le vocable des « privilèges que l’on accorde toujours au masculin dans nos sociétés occidentales », précise t’elle en quatrième de couverture. Les privilèges associés au masculin seraient ainsi illustrés à la manière des têtes de l’Hydre, une sorte d’Hydre de la discrimination, qui « repoussent, dès qu’on les a coupées » (p. 60). Rappelons que l’Hydre est non seulement une figure de la mythologie grecque, mais elle est également liée à l’allégorie du cancer, ce qui nous rappelle les travaux de Löwy sur la maladie et les métastases de la hiérarchisation du genre, faisant échouer la marche des femmes vers l’égalité. Ainsi, souligne Löwy, malgré les très importantes conquêtes de femmes occidentales, ces dernières n’ont pas encore acquis l’assurance de l’égalité faisant apparaître inlassablement une …

Appendices