Présentation

Femmes et gestion : des enjeux du genre à la féminisation de la gestion[Record]

  • Isabelle Fortier and
  • Francine Harel Giasson

Il n’est plus surprenant aujourd’hui de rencontrer des femmes gestionnaires dans la plupart des milieux. Cependant, plusieurs défis demeurent et de nouveaux contextes de gestion font apparaître de nouvelles problématiques. Le présent numéro de Recherches féministes a pour objet de faire le point sur un double thème : d’abord, sur la situation actuelle et l’expérience des femmes gestionnaires dans les organisations contemporaines; ensuite, sur les enjeux émergents pour lesquels les femmes, par leur présence et leur participation sous toutes ses formes, de même que le féminisme, interpellent et interrogent la gestion d’aujourd’hui. En quoi les femmes continuent-elles à interpeller et à interroger la gestion? Que ce soit par leur participation à un secteur d’activité, leurs revendications multiples, leurs regroupements, leurs expériences de fonctionnement collectif et participatif, leur résistance ou leurs discours, voire par leur absence, qu’est-ce que les femmes et le féminisme ont à dire de la gestion et à la gestion telle qu’elle est exercée dans différents contextes? Au coeur des questionnements actuels, il y a le débat qui persiste à savoir si les femmes constituent un apport substantiel, au-delà de leur nombre, aux milieux traditionnellement masculins qu’elles investissent ou s’il n’est question que d’un enjeu d’égalité des chances pour permettre aux femmes, elles aussi, de réaliser leurs ambitions. Est-ce plutôt un enjeu d’égale représentativité des hommes et des femmes dans les postes de gouvernance des organisations et des institutions (Yoder 1991) Relativement à l’exercice du pouvoir et du leadership, peut-on parler d’une approche féminine comme le soutiennent certaines recherches, notamment depuis les travaux de Rosener (1990)? Au-delà de l’optimisme placé dans l’évolution des mentalités par l’atteinte d’une masse critique de femmes en gestion (Kanter 1977), le courant féministe radical affirme que des femmes accédant aux instances décisionnelles de la société ont peu de chances de produire un changement puisque, pour parvenir à ces postes, elles doivent assimiler la culture masculine qui règne et qui préside à la reproduction des rapports de pouvoir entre les hommes et les femmes dans les organisations (Brandser 1996; Yoder 1991; Grant et Porter 1994). Remettant en question le lien étroit de ces résultats avec l’organisation bureaucratique, certains auteurs et auteures ont pu démontrer en quoi les organisations dynamiques et à structure sous forme de réseau, travaillant dans des contextes qui les mettent constamment au défi d’innover, offrent de meilleures occasions de participation aux femmes, quoique toujours dans un ethos du travail comme dimension centrale de la vie (Kvande et Rasmussen 1994). Depuis les travaux de Fondas (1997), on reconnaît la féminisation des nouveaux discours de gestion, alors que ceux-ci décrivent et valorisent des pratiques et des caractéristiques traditionnellement associées aux femmes, quoique cela se fasse sans expliciter ce lien de filiation. Quel est l’impact de cette transformation des discours sur la participation et l’expérience des femmes gestionnaires? Quels sont les nouveaux enjeux du genre devant ce mouvement de « féminisation » de la gestion? La place des femmes dans les organisations et dans la carrière en gestion a fait l’objet de plusieurs courants de recherche. La première tendance, ancrée dans la première vague du mouvement féministe libéral issue des années 70, considère le monde des organisations et de la carrière comme donné et veut démontrer que les femmes peuvent, et doivent, y prendre leur place. C’est le courant self-help, si l’on peut dire, ou encore le how to de la réussite (Marshall 1984). Suivent des efforts de comparaison des femmes avec les hommes pour valider les aptitudes de celles-ci pour la gestion à l’aune de ceux-ci. Tout en s’articulant autour de la capacité des femmes à réussir leur carrière, les prescriptions laissent …

Appendices