Comptes rendus

Christine Ockrent (dir.) et Sandrine Treiner (coord.) Le livre noir de la condition des femmes. Paris, XO Éditions, 2006, 777 p.[Record]

  • Louise Toupin

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  • Louise Toupin
    Université du Québec à Montréal et Université d’Ottawa

Le titre le laisse facilement deviner : Le livre noir de la condition des femmes ne donne pas dans le triomphalisme… Il offre tout au contraire le contre-pied de cette croyance populaire qui voudrait que l’égalité hommes-femmes soit désormais atteinte, étant donné que l’égalité juridique est chose faite presque partout; ne subsisteraient plus que quelques reliquats de mentalités à changer…. Ce livre, qui se présente comme « un état des lieux de ce que vivent les femmes, partout dans le monde » (4e de couverture), a plutôt un effet de dissuasion. Et par le concret. L’équipe de rédaction, dirigée par la journaliste française Christine Ockrent et coordonnée par Sandrine Treiner, journaliste elle aussi et auteure, a fait appel, pour mener à bien l’« aventure éditoriale », à la l’historienne et sociologue Françoise Gaspard, maîtresse de conférences à l’École des hautes études en sciences sociales de Paris et experte à l’Organisation des Nations Unies (ONU) auprès du Comité sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW). Sa collaboration a conduit à la sélection des sujets traités de même qu’au choix des contributeurs et des contributrices. Près de 40 personnes se sont ainsi partagé la rédaction des 58 textes composant les 777 pages de cette somme. L’une des particularités du livre réside d’ailleurs dans l’éventail des sources de collaboration : Cette gamme d’expertises se reflète de même dans l’aspect multiforme des textes : des rubriques de quelques pages du type « Reportage », « Témoignage » ou « Combat » côtoient des études plus fouillées pouvant en comporter 40. Résultat : une somme colossale de données à jour sur de multiples aspects de la situation de bon nombre de femmes dans le monde, et d’un intérêt constant du début à la fin. À lire absolument, mais à petites doses cependant, car certaines parties se révèlent émotivement très difficiles à ingérer, tant la réalité décrite est insoutenable. C’est le cas notamment des deux premières sections touchant les atteintes à la sécurité et à l’intégrité des femmes. Ce qui nous amène à l’articulation générale de l’ouvrage. Le plan de l’ouvrage s’organise autour des cinq « droits et principes du genre humain » énoncés dans la Déclaration sur l’élimination de la violence à l’égard des femmes (1993), qui devraient de toute urgence, selon l’ONU, s’appliquer aux femmes, soit la sécurité, l’intégrité, la liberté, la dignité et l’égalité. Il s’agit là de « cinq mots fondamentaux et universels pour décliner tout ce qui fait encore défaut à tant de femmes en ce début du troisième millénaire » (p. 13), dit-on dans l’introduction, cinq mots qui serviront de « feuille de route » et détermineront l’organisation des divers textes de l’ouvrage. Une première section porte sur le droit à la « sécurité » et examine différentes atteintes à la vie des femmes. La première de ces atteintes consiste à ne même pas pouvoir venir au monde (avortements sélectifs en faveur des garçons) ou encore, à peine nées, à être l’objet de négligences causant une mort prématurée. Ce serait là le sort de 90 millions de femmes « manquantes » en Asie, ce qui entraîne un déséquilibre démographique des plus alarmants. Isabelle Attamé, démographe et sinologue à l’Institut national d’études démographiques (INED), trace les contours de ce phénomène touchant certaines sociétés « anormalement masculines », dont la Chine, l’Inde, la Corée du Sud, le Vietnam et le Caucase. Dans les pays où n’existe aucune pension de retraite, un fils représente l’assurance vieillesse des parents, leur assurance maladie et leur assurance invalidité aussi, alors qu’une fille, elle, est vue comme un « investissement …

Appendices