Comptes rendus

Maria Nengeh Mensah (dir.) Dialogues sur la troisième vague féministe. Montréal, Les éditions du remue-ménage, 2005, 252 p.[Record]

  • Chantal Maillé

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  • Chantal Maillé
    Université Concordia

Cet ouvrage fait suite à un colloque tenu à Montréal en 2004 et réunit les communications d’une vingtaine d’auteures sur la réception de la notion d’une troisième vague féministe dans le contexte des analyses et des pratiques québécoises. Autour de ce dénominateur commun, les textes remettent en question la pertinence et l’intérêt d’appréhender le féminisme selon cette conceptualisation. Fascinant exercice qui révèle un féminisme québécois en voie de se décentrer du giron des écrits féministes français, pris en flagrant délit de vagabondage théorique, alors que nombre de textes puisent à un ensemble éclaté de sources pour alimenter une réflexion originale. On peut également tirer certaines conclusions à partir de ce que les textes n’abordent pas : ainsi le rapport historique du féminisme québécois à l’identité nationale et au nationalisme est-il pratiquement absent des préoccupations exprimées par ce collectif d’auteures, bien que les questions de générations, d’identités et de mémoire y soient largement abordées. Dans un long texte qui sert d’introduction à l’ouvrage, Maria Nengeh Mensah pose les balises de l’exercice : si les ouvrages et les réflexions en anglais sont prolifiques sur la troisième vague, ce n’est pas le cas des écrits en français. Pourtant, l’expression « troisième vague » suscite aussi des questionnements dans les milieux francophones, questionnements exprimés à travers un ensemble de communications. Celles-ci, malgré leur hétérogénéité, forment un tout cohérent qui donne la couleur des changements en voie de s’opérer au sein des analyses et des pratiques des féministes de la majorité au Québec. De même, Les seize textes sont regroupés en sept dialogues : « Expressions », « Histoires », « Enjeux queer », « Défis gais », « Corporéités », « Et les hommes? » ainsi que « Rendez-vous ». Sont mentionnés tout au long de l’ouvrage les thémes liés au pouvoir (avec en filigrane la sexualité et les rapports sociaux de sexe), à la mondialisation, aux conflits générationnels, à une réaction brutale (backlash), et à la relation entre la théorie, la pratique et la culture populaire. Certains sujets clandestins (underground) et marginaux par rapport à l’imaginaire d’un certain féminisme québécois qui veut être représentatif de la parole majoritaire sont abordés : nous pensons ici à la communication de Mélina Bernier sur l’artiste Orlan et son théâtre de la chair, ou encore au thème de l’autonomie selon la perspective du mouvement des femmes handicapées, développé dans le texte de Monique Lanoix. Quatre textes centraux tissent la trame de la réflexion sur la pertinence de penser le féminisme québécois à partir de la notion de troisième vague. Outre l’introduction de Maria Nengeh Mensah, ce sont les textes de Micheline Dumont, de Louise Toupin et de Marcelle Dubé qui posent les balises du débat sur le sujet. Dans son texte « Réfléchir sur le féminisme du troisième millénaire », l’historienne Micheline Dumont s’interroge sur l’utilité de se demander si la troisième vague est commencée. Cette interrogation l’amène à analyser les différentes tentatives de qualification du féminisme et à discuter des problèmes inhérents à la notion de vague. L’historienne rappelle qu’elle s’est elle-même déjà opposée à l’idée de penser le féminisme selon une échelle chronologique parce que ce type de ligne laisse toujours entendre que l’avant explique l’après sans pousser plus loin l’analyse, alors que parfois la vérité historique se trouve dans le désordre des faits. Le concept de « vague » apparaît aussi ambigu que le mot « moderne » sur le plan temporel et semble un instrument discursif imposé à la compréhension des faits, notamment en ce qui a trait aux expériences non occidentales (p. 63). Pour sa part, la chercheuse …