Article body
À partir de l’Anthologie de la pensée féministe au Québec, des auteures Micheline Dumont, historienne des femmes et didacticienne de l’histoire à l’Université de Sherbrooke (maintenant retraitée), et Louise Toupin, chargée de cours en études féministes et chercheuse indépendante, la Centrale des syndicats du Québec (CSQ) a procédé à la création d’une série de fiches pédagogiques se basant sur les textes apparaissant dans le recueil. Ces fiches ont été conçues dans le but de fournir aux enseignantes et aux enseignants du secondaire et du collégial une ressource leur permettant d’introduire l’étude de thèmes féministes au sein de leurs cours. Il existe, en effet, un sérieux manque à gagner à cet égard, puisque les questions féministes ne sont guère vues en classe. Pourtant, lorsqu’on y regarde de plus près, on se rend compte rapidement de l’importance des mouvements féministes et de leur pensée dans l’élaboration de la société québécoise d’aujourd’hui. Le nouveau programme du secondaire demande aux élèves de comprendre leur présent grâce à leur passé, mais comment leur faire atteindre cet objectif en n’utilisant que des thèmes de la grande histoire? Il faut dire qu’il n’existe à l’heure actuelle que très peu de ressources pédagogiques qui traitent de thèmes féministes et qui peuvent être aisément utilisées par le personnel enseignant. Ces fiches pédagogiques viennent pallier ce problème en proposant une série de méthodes pour explorer la pensée féministe à l’école.
L’Anthologie de la pensée féministe au Québec avec ses 186 textes répertoriés est un document imposant qui peut se révéler difficile d’utilisation au premier abord pour les enseignants et les enseignantes. Les fiches pédagogiques permettent donc de naviguer au milieu de ces textes et de s’y retrouver. Les auteures ont d’ailleurs pris soin d’associer chaque fiche avec les objectifs des programmes du ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport du Québec. De ce fait, trois tableaux permettent de visualiser, d’une part, les répercussions pédagogiques des fiches, en particulier dans le cas des compétences transversales, et de connaître, d’autre part, le programme de l’enseignement secondaire ou collégial où il est possible d’intégrer les thèmes et activités proposés.
Les fiches, au nombre de treize, sont divisées selon quatre grands thèmes : la pensée féministe (fiches 1 et 2), les luttes sur les droits (fiches 3, 4, 5 et 6), la mobilisation politique et sociale (fiches 7, 8, 9 et 10) et les enjeux des nouvelles luttes (fiches 11, 12 et 13). Les thèmes choisis reflètent ceux qui figurent dans l’anthologie, sauf qu’ici les fiches ne reprennent pas la division par périodes chronologiques. Au contraire, chacune des fiches propose de regarder l’évolution d’un thème particulier. Chaque fiche est ensuite divisée en six sections. La première, « Le fil de l’histoire », sert de mise en contexte. C’est dans cette section que l’on relate les faits saillants de l’histoire féministe ainsi que des principaux concepts et enjeux liés au thème de la fiche.
La deuxième section, « Utiliser la pensée féministe au Québec », fait la liste des différents textes présents dans l’anthologie qui rapportent au thème étudié. Ce regroupement thématique permet d’aborder l’anthologie d’une manière plus efficace, puisque la recherche des textes pour le sujet présenté est déjà effectuée. Il faut aussi noter le souci du détail des auteures. Elles ont en effet ajouté, à la suite de chaque référence, l’année de parution du texte. Cet ajout s’avère des plus pratique pour les enseignants et les enseignantes, particulièrement ceux et celles d’histoire, qui pourront choisir les textes selon la période étudiée en classe.
La troisième section, « Activités de formation », s’inspire des textes regroupés dans la deuxième section de la fiche pour proposer une série d’activités pédagogiques. Chaque activité est cotée selon l’année scolaire à laquelle elle s’adapte. Ainsi, certaines activités sont réservées pour le secondaire, tandis que d’autres seront abordées au collégial. Cependant, plusieurs activités initialement créées pour le collégial pourraient être simplifiées et utilisées dans un cours de quatrième ou cinquième secondaire. Les nombreuses activités proposent des tâches d’écriture, de recherche et de communication. La plupart d’entre elles amènent l’élève à faire un lien entre son présent et son passé, ce qui, comme l’ont démontré plusieurs recherches empiriques en didactique de l’histoire, est essentiel pour lui permettre d’expliquer les situations contemporaines.
Dans la quatrième section, on propose des activités qui amènent l’élève à s’engager personnellement dans sa société et à en apprendre davantage sur le thème proposé. Ainsi, la section « Agir et s’engager », comme son nom l’indique, propose à l’élève d’agir et d’aller chercher des informations supplémentaires dans sa société. Par exemple, la fiche 1, sur le thème du féminisme québécois au XXe siècle, propose aux élèves d’inviter une ancienne enseignante pour qu’elle leur livre un témoignage exposant les méthodes pédagogiques de son époque.
La cinquième section sert d’enrichissement. Elle propose une série de livres et de films qui peuvent être utilisés par l’enseignant ou l’enseignante dans ses cours. Ces documents peuvent aussi constituer un excellent point de départ pour un ou une élève qui désirerait s’informer davantage sur un sujet précis.
La sixième et dernière section établit les liens entre le thème de la fiche et les nombreuses disciplines de formation dans lesquelles la fiche pourrait être utilisée. À la suite de cela, il y a parfois à la fin des fiches un carré ombragé dans lequel figurent les définitions des principaux concepts présentés. De plus, certaines fiches ont en annexe des documents – articles, textes de chanson, statistiques – liés au thème abordé et qui peuvent servir d’entrée en matière, ou encore de document d’accompagnement aux activités.
L’élaboration minutieuse des fiches pédagogiques sera sûrement appréciée des enseignants et des enseignantes qui trouveront leur utilisation simple et efficace. De plus, les thèmes proposés englobent l’ensemble de l’évolution de la pensée féministe au Québec et les enjeux propres à notre époque. Ainsi, les deux premières fiches tracent le portrait de la pensée féministe et de son histoire. Les textes des pionnières, telles que Joséphine Marchand-Dandurand, Marie Gérin-Lajoie et Idola St-Jean, donnent une image claire de la condition féminine de cette période et des principales revendications. On traite aussi des mouvements féministes radicaux des dernières années en explorant leurs théories et leurs croyances. Après ces thèmes à caractère plus général, les quatre fiches suivantes présentent les avancées sociales des femmes dans différents milieux sociaux. Le droit à l’éducation, le droit au travail de même que le droit de vote et à la protection sociale sont des avancées souvent tenues pour acquises par les élèves d’aujourd’hui. Les textes tirés de l’anthologie démontrent à quel point les femmes des générations précédentes ont dû lutter pour obtenir ces droits. La lecture et l’analyse des documents devraient permettre aux élèves de revoir leur conception de la société et de réaliser la fragilité de leurs droits. Dans les fiches 7 à 10, l’engagement des femmes, du point de vue tant social que politique, et l’impact de cet engagement sont mis en évidence. La fiche 7, plus particulièrement, démontre bien l’évolution de l’acceptation des changements féministes par la société, car il ne faut pas oublier que certaines femmes s’opposaient aux avancées sociales que les féministes de l’époque tentaient d’obtenir. La représentation des femmes dans l’univers politique est aussi explorée, et on comprend alors que l’obtention de nouveaux droits se traduit également par de nouvelles responsabilités. Ainsi, des thèmes tels que l’engagement personnel des femmes dans la communauté québécoise, leur rôle en politique ou la mondialisation de la solidarité féminine permettent de constater la diversité de la pensée féministe. Les trois dernières fiches présentent les enjeux actuels. Trop souvent, on croit que l’égalité des sexes est atteinte, surtout chez les jeunes adolescents et adolescentes. Cependant, les femmes sont encore minoritaires en politique et dans les emplois de haut niveau au sein des entreprises. En outre, il existe toujours de nombreux tabous concernant le corps des femmes et la violence faite à ces dernières. Les dernières fiches proposent l’historique de ces sujets et soulignent l’écart qu’il faudra combler avant d’obtenir une réelle égalité des sexes.
En conclusion, nous croyons que la publication de l’Anthologie de la pensée féministe et des fiches qui l’accompagnent viendra appuyer indéniablement les enseignants et les enseignantes dans l’élaboration de démarches d’enseignement-apprentissage relativement à la pensée féministe dans la société québécoise d’aujourd’hui. La qualité didactique des fiches, qu’il s’agisse des textes sélectionnés ou des activités suggérées, sera fortement appréciée du personnel enseignant. Nous ne pouvons donc que nous réjouir de la distribution gratuite de ces fiches pédagogiques et espérer que les enseignantes et les enseignants pourront, grâce à elles, intégrer dans leurs cours ces thèmes et ainsi permettre aux jeunes de prendre la mesure de tout ce qui a été obtenu par les groupes féministes du passé de même que des objectifs qu’il reste encore à atteindre.
Appendices
Note
-
[1]
NDLR- Ce compte rendu, déjà paru dans le vol 18,2 de Recherches féministes comportait certaines informations inexactes. Nous le republions avec les informations exactes.