Abstracts
Résumé
Cet article analyse le contenu photographique des magazines féminins pour adolescentes produits au Québec. Le corpus est constitué de 345 photographies extraites des trois titres en circulation en 2002 : Cool, Adorable et Filles d’aujourd’hui. La technique utilisée est l’analyse de contenu des médias, qui permet de produire des relevés descriptifs exhaustifs répondant aux critières de validité et de reproductibilité scientifiques. Le choix des variables de recherche s’appuie sur la théorie sémiotique, tandis que leur opérationnalisation s’inspire des récents travaux qui prennent comme objet d’investigation les représentations iconographiques de la culture populaire. Les résultats révèlent la forte teneur publicitaire des messages visuels et le conservatisme des rapports sociaux de sexe qu’ils représentent. Ils montrent aussi la productivité scientifique de la combinaison des méthodes quantitatives et qualitatives en sciences sociales.
Abstract
This text analyses the photographic content of teenage girls’ magazines published in the province of Quebec. The corpus consists of 345 images taken from three of the titles in circulation in 2002 : « Cool », « Adorable » and « Filles d’Aujourdhui ». Results were obtained through a content analysis and are scientifically valid and reproducible. The identification of the variables was done with the help of semiotics, while their operability was inspired by other recent studies which investigate iconographic representations in popular culture. Our results demonstrate that the images are first and foremost designed to boost consumption and that they have a tendency to be conservative in how they represent male-female relationships. The study also shows the relevance of mixed method in social sciences research.
Article body
Bien que la représentation des femmes et de la féminité dans les médias soit un thème récurrent des analyses féministes des 30 dernières années[2], les images de filles et de femmes offertes par la culture populaire n’ont fait l’objet, en réalité, que d’un nombre fort limité de recherches empiriques. L’abondante documentation portant sur l’ « image des femmes dans les médias » renvoie surtout à une image abstraite saisie sous forme de représentations élaborées par l’agglomération de données textuelles. Si les articles et les publicités de la presse féminine ont été scrutés à la loupe par les chercheuses féministes, selon diverses perspectives théoriques et méthodologiques, les images photographiques, qui occupent pourtant beaucoup d’espace dans ce type de publications, n’ont pas bénéficié d’une attention aussi soutenue. Le déficit de connaissances engendré par ce déséquilibre laisse dans l’ombre des aspects constitutifs du média, mais aussi une partie de l’expérience des femmes, caractérisée par l’exposition continue aux images de toutes sortes, qui sont autant d’injonctions à la beauté parfaite (Wolf 1991; Remaury 2000).
La prédominance du langage écrit sur le langage visuel a retardé l’introduction des images en tant qu’objets d’étude au sein des sciences humaines et sociales. Le déferlement d’images imprimées, projetées et numérisées qu’a connu le XXe siècle, sous l’impulsion du prodigieux développement des technologies visuelles[3], constitue pourtant une nouveauté sociologique qui soulève des questionnements scientifiques pertinents. Depuis les quinze dernières années, un nombre grandissant de travaux cherchent à mettre en évidence et à comprendre les conséquences sociales et culturelles de cette culture visuelle (visual culture), qui s’impose désormais comme une caractéristique fondamentale des sociétés occidentales contemporaines (Rose 2001). Les résultats cumulés à ce jour nous renseignent toutefois plus sur la complexité de ce langage qu’ils n’indiquent de réponses définitives. Cependant, la démarche scientifique ne peut éclairer les tenants et aboutissants de l’omniprésence des images médiatiques que si elle admet, a priori, que les images doivent être prises au sérieux. C’est la position adoptée dans le présent article, qui propose une analyse du contenu visuel de la presse féminine pour adolescentes produite au Québec.
Que contiennent les images de la presse féminine pour adolescentes? Que montrent-elles? Quel effet cherchent-elles à produire? La représentation des filles et des femmes y est-elle stéréotypée? Si oui, de quelle manière? Comparativement à la représentation textuelle, quelles sont les implications particulières liées à la représentation visuelle? Et quelles sont, pour les jeunes lectrices de magazines, les conséquences d’une exposition régulière aux images de beauté et de séduction? Ces questions, pertinentes et brûlantes d’actualité pour le mouvement féministe, sont encore trop peu documentées par la recherche scientifique. Au Québec, les recherches sur les images de la culture populaire sont pratiquement inexistantes. Notre tâche dans le présent article consiste donc plus à susciter un intérêt envers ces questions, et à leur donner matière, qu’à fournir une réponse arrêtée à chacune d’entre elles.
Par conséquent, la visée de notre article est double. Il s’agit, d’une part, de compenser l’absence de connaissances formelles sur le contenu visuel de la presse féminine adolescente produite en contexte québécois, en le décrivant de manière exhaustive et systématique. D’autre part, nous proposons une réflexion féministe à partir du relevé descriptif ainsi obtenu. Les données utilisées pour atteindre ce double objectif proviennent d’une recherche antérieure portant sur les contenus rédactionnel, publicitaire et photographique de cette presse (Caron 2003b)[4]. La représentation conservatrice de la féminité et des relations hommes-femmes confirmée dans notre recherche précédente permettait de considérer ce média jeunesse comme un agent de socialisation du type traditionnel.
Dans le présent article, nous verrons en quoi le contenu photographique contribue à la production d’un discours traditionnel – ou conservateur – sur la féminité. Le terme « traditionnel », courant dans les études féministes en communication, renvoie aux normes et prescriptions qui ont été historiquement associées à la « féminité », que le mouvement féministe cherche à transformer afin de libérer les femmes de leur position de subordination dans la société patriarcale. Sur le plan conceptuel, la « féminité traditionnelle » peut être décomposée en quatre dimensions : 1) une adhésion aux standards de mode et de beauté; 2) le développement d’habiletés domestiques et familiales; 3) la satisfaction des besoins des autres; 4) l’obtention de l’attention des hommes (Fiebert 1990).
Analyser des images de presse magazine : Ancrage théorique et méthodologique
D’un point de vue féministe, l’aspect qui motive la réalisation de travaux sur le contenu explicite et latent des images de la culture populaire est que le corps et la sexualité des femmes sont devenus, dans la culture de l’image et du sexe qui caractérise les sociétés nord-américaines, le haut lieu de concrétisation de l’idéal féminin : « Normative femininity is coming more and more to be centered on woman’s body – not its duties and obligations or even its capacity to bear children, but its sexuality, more precisely, its presumed heterosexuality and its appearance… » (Bartky 1990 : 80). Les inquiétudes liées aux impacts potentiels, sur les jeunes filles, de cette obsession du corps et de la sexualité invitent à mener des travaux sur les images auxquelles ces dernières sont exposées[5]. La presse féminine pour adolescentes constitue un terrain d’investigation approprié, puisqu’il s’agit d’un média riche en matériel visuel et populaire auprès des filles. La présente partie de l’article décrit l’ancrage théorique et méthodologique à partir duquel la recherche a été réalisée.
De la pertinence d’analyser les messages visuels
À l’instar des messages écrits ou oraux, les images transmettent des idées, des représentations et des valeurs particulières. Parce que le décodage de l’image suppose moins de compétences acquises que le décodage d’un texte, on a toutefois tendance à banaliser la portée communicationnelle – et idéologique – des messages visuels. Un nombre grandissant de travaux récents décrivent néanmoins comment les images contemporaines reproduisent des stéréotypes sexuels, transmettent des messages sexistes ou légitiment la discrimination sexuelle et raciale (Hall 1997; Jewitt et Oyama 2001).
La recherche féministe, qui est animée par des valeurs d’égalité, de respect et de liberté, est interpellée par cette propriété qu’ont les images médiatiques de participer au maintien et à la reproduction des relations de domination. C’est néanmoins la spécificité même du langage visuel qui suscite des motifs encore plus urgents d’investir le champ de recherche qui a commencé à se former autour des images de la culture populaire (publicité, cinéma, télévision, magazines, etc.). Cette particularité du langage visuel réside dans le principe de ressemblance qui caractérise son fonctionnement. En effet, l’analogie entre l’image et la chose représentée procure aux messages visuels un pouvoir insidieux, dont la théorie sémiotique s’applique à débusquer les ressorts cachés.
La sémiotique pour comprendre le pouvoir idéologique des images
Les cultural studies, dans leur volonté de démystifier les mécanismes de pouvoir engagés dans les phénomènes communicationnels, ont participé de manière originale à la reconnaissance de la pertinence scientifique de la sémiotique au sein des études en communication (Zoonen 1994; Hall 1997; Grossberg, Wartella et Whitney 1998). Cette théorie prend appui sur la théorie générale des signes, initialement élaborée par les linguistes Charles Peirce et Ferdinand de Saussure, qui définit le signe comme l’articulation d’un signifiant et d’un signifié. Appliquée à des contenus visuels, cette théorie permet d’envisager l’image comme un signe qui remplace l’absence d’une autre chose, et d’explorer ses différents rapports avec la réalité dans un contexte sociohistorique donné. La comparaison des différences entre les signes linguistiques et visuels aide à mieux saisir l’intérêt que présente cette théorie dans l’étude des contenus visuels de la culture populaire.
C’est, en effet, dans la différence qui sépare les signes linguistiques des signes visuels que réside le pouvoir idéologique des images. Le code, qui permet aux locutrices et aux locuteurs d’une même langue de substituer des signes linguistiques aux choses qu’ils veulent désigner, se fonde sur une convention arbitraire. Le mot « arbre » (signifiant), par exemple, remplace la chose matérielle absente (le signifié), mais il n’entretient pas de rapport de signification avec elle. Le signe visuel, quant à lui, est analogique : il fonctionne grâce au rapport de ressemblance qui l’unit à la chose qu’il remplace. Cette apparente proximité qui unit le signifiant au signifié du signe visuel camoufle que ce langage est, lui aussi, structuré par des conventions collectivement partagées et qu’il est, par conséquent, également sujet à la manipulation idéologique :
Semiotics is particularly useful in visual analysis, because people often assume that visual images are somehow closer to reality, as if they were less subject to manipulation and less structured by codes. Semiotics explains that this is not so.
Grossberg, Wartella et Whitney 1998 : 174
Dans les études critiques en communication, le recours à ce cadre théorique permet de rendre compte du processus par lequel le sens vient aux images – et, de manière étendue, à toutes les formes culturelles de représentation se manifestant à travers la culture populaire (la publicité ou la mode, par exemple) – et d’explorer les relations de pouvoir qui y sont engagées. C’est que la sémiotique aborde les images sous l’angle de la production du sens, c’est-à-dire la façon dont les représentations iconographiques provoquent des significations et des interprétations (Joly 1994). Si elle situe le pouvoir idéologique des images dans cette apparente proximité qui les lie aux choses qu’elles représentent, c’est que la distance séparant le signifiant iconographique de son signifié (le dessin représentant un arbre, par exemple) est effectivement plus difficile à percevoir, puisque l’image, contrairement aux signes linguistiques, se décode par analogie plutôt que par convention.
La photographie, une technique fort utilisée dans la presse féminine, a le pouvoir unique de provoquer un effet de réel des plus sensationnels : elle produit ce que Joly (1994) appelle des « icônes parfaites », c’est-à-dire des images qui induisent la confusion entre deux opérations généralement distinctes, soit la perception et l’interprétation. Susan Sontag l’a expliqué de manière éloquente dans son célèbre essai On Photography :
Such images are indeed able to usurp reality because first of all a photograph is not only an image (as a painting is an image), an interpretation or the real; it is also a trace, something directly stenciled off the real, like a footprint or a death mask. While a painting […] is never more than the stating of an interpretation, a photograph is never less than the registering of an emanation (light waves reflected by objects) – a material vestige of its subject in a way no painting can be.
Sontag 1978, citée dans Hall 1997 : 80-81
Il est très difficile d’échapper à l’effet de réel que provoquent les images. C’est pourquoi tant de filles et de femmes éprouvent un malaise, voire une frustration, par rapport à l’exposition continue, et non sollicitée, aux images stéréotypées des femmes, qui présentent un modèle corporel unique et inaccessible au plus grand nombre. Plusieurs femmes savent que les images des magazines sont retouchées à l’aide de logiciels informatiques ou carrément montées par pièces détachées. Toutefois, dans l’oeil qui les perçoit, les femmes représentées dans ces images semblent être de vraies femmes, ce qui donne l’impression que, d’une certaine manière, le modèle de beauté proposé peut être atteint. La grande force de ces images photographiques réside dans leur positivité : le langage écrit et verbal peut nier, tandis que l’image, elle, ne peut que montrer.
La presse féminine pour adolescentes : objet valable mais méconnu
En dépit de la régulation souvent prohibitive de la publicité destinée aux enfants, le marketing de produits et de services qui les visent a connu au cours des années 80, en Amérique du Nord et en Europe particulièrement, une intensification et une diversification plutôt impressionnantes (Chandler et Heinzerling 1999). Au Québec comme ailleurs, la presse féminine pour adolescentes s’intègre dans la vaste stratégie de segmentation des marchés qu’opèrent les entreprises médias et leurs acteurs périphériques (comme l’industrie de la musique ou de la mode) afin de fidéliser la clientèle des jeunes (Charon 2002). Parmi les stratégies employées, on trouve une offre de contenus médiatiques, de produits et de services, marquée par l’âge et le sexe[6]. L’impact de ces stratégies de même que l’effet des messages médiatiques destinés aux enfants et aux jeunes, en matière de socialisation par exemple, sollicitent des recherches scientifiques dévolues à ces contenus qui les visent explicitement comme groupe social.
On doit à la recherche féministe l’introduction de la presse féminine dans le champ scientifique et la production, depuis les années 70, d’un volumineux corpus de travaux[7]. Comparée à cette foisonnante documentation, la recherche consacrée au magazine féminin pour adolescentes fait toutefois figure de parent pauvre. La sociologue Dawn Currie (1999) attribue cette disparité à la tendance qu’ont les chercheuses de concevoir cette presse comme une simple version rajeunie du magazine féminin, ce qui n’incite pas la réalisation de recherches indépendantes sur ce média jeunesse. Dans la documentation québécoise de langue française, la publication de Dansereau et Maranda (1997) fait figure d’exception à la règle. Ce document, tiré d’une plus vaste étude portant sur les jeunes et les médias d’information au Canada, a eu le mérite d’intégrer la presse féminine adolescente dans son échantillonnage de médias. Au terme de leur analyse de contenu, les auteures concluent à la pauvreté de l’information de même qu’à la persistance prononcée de stéréotypes sexuels. Toutefois, cette recherche ne portait pas précisément sur les images de presse. De plus, des deux titres analysés, un seul était produit au Québec et publié en français[8]. L’absence de données descriptives exhaustives sur le contenu visuel de la presse féminine pour adolescentes justifiait donc la réalisation d’une étude sur le sujet.
Des choix méthodologiques en vue de l’atteinte simultanée des objectifs du type descriptif et analytique
Dans les études en communication visuelle, l’analyse porte soit sur le processus de production (l’intention des concepteurs et des conceptrices, les techniques et les pratiques professionnelles, etc.), soit sur la réception des messages (comment l’observateur ou l’observatrice interprète les images) ou encore sur les images proprement dites et leur contenu. Étant donné que la méconnaissance du contenu d’un média constitue un obstacle à la production de connaissances du côté des instances de production et de réception des médias (Zoonen 1994; Currie 1999), la rareté de la documentation sur le contenu visuel de la presse féminine adolescente nous a incitée à privilégier cette dernière approche. Cependant, les images ne se laissent pas appréhender facilement. Produire un inventaire descriptif rigoureux du contenu visuel de cette presse a constitué un véritable défi théorique et méthodologique.
L’analyse de contenu des médias, couramment employée dans les études en communication (De Bonville 2000) et dans les études féministes portant sur les médias ( Zoonen 1994), est la technique de recherche la plus appropriée pour atteindre l’objectif descriptif de cette recherche. Grâce au traitement de nombreuses données tirées de corpus abondants et représentatifs, l’analyse de contenu permet, en effet, la généralisation des résultats (Berelson 1952; De Bonville 2000). L’applicabilité de cette technique au contenu visuel ne va pas de soi, mais l’avantage qu’elle présente sur le plan de la validité scientifique incite à en surmonter les difficultés (Rose 2001). L’autre avantage de cette technique est qu’elle ne repose sur aucune théorie particulière (De Bonville 2000). Quoiqu’il soit peu courant dans les études en communication, le couplage de l’analyse de contenu avec la théorie sémiotique est donc possible, mais il exige une bonne dose de créativité.
D’après Rose (2001), le temps qu’ont mis les chercheurs et les chercheuses à combiner la théorie sémiotique avec l’analyse de contenu quantitative s’explique, en partie, par le fait que les outils conceptuels et analytiques de la sémiotique se prêtent mieux à de petits échantillons et au traitement individuel des images. Récemment, quelques travaux sont tout de même parvenus à le faire de manière originale. Cette percée fournit un solide appui aux travaux qui prennent des images de presse comme objet d’investigation. Ainsi, dans la présente recherche, la détermination des variables de recherche et la rédaction du protocole de codification ont bénéficié de l’approche élaborée par Kress et Leeuwen (1996), soit la sociosémiotique (social semiotic theory)[9]. Cette approche postule que les représentations iconographiques fonctionnent grâce à des règles formelles qui se rapportent à un code commun, une grammaire du langage visuel. Collectivement partagé, ce code conditionne la manière dont le sens du message visuel peut être reconstitué, sans pour autant imposer une lecture unique. La reconstitution du sens est, par ailleurs, socialement construite par des pratiques de représentation qui s’inscrivent dans une histoire et un contexte particuliers.
Le corpus et le protocole de codification
En 2002, trois magazines féminins pour adolescentes étaient produits et distribués au Québec en langue française : Cool, Adorable et Filles d’aujourd’hui (figure 1). Le corpus d’analyse a été prélevé à partir d’un échantillon de magazines représentatif d’une année de production annuelle de ces publications mensuelles[10]. Pour éviter les erreurs de catégorisation que risquaient d’induire les images de petit format, toutes les photographies ont été retenues, sauf celles dont la superficie était inférieure à un quart de page de magazine[11]. Un corpus de 345 photos a ainsi été rassemblé[12]. Chaque élément du corpus a été classé selon les huit variables suivantes : le format, la fonction de l’image, la modalité visuelle, le sexe et l’ethnie[13] des figurants et des figurantes, le lieu représenté, la distance sociale entre les figurants et les figurantes, la distance sociale relativement à la lectrice et l’énonciation visuelle. Pour respecter le critère de reproductibilité qui fonde la scientificité de l’analyse de contenu des médias (Berelson 1952; De Bonville 2000; Rose 2001), le protocole de codification avait préalablement été validé[14]. L’enregistrement et la saisie des données ont été effectués à l’aide du logiciel de traitement de données SPSS.
Les résultats obtenus
Comme notre recherche est dotée d’un double objectif, nous avons décidé de présenter les résultats en deux moments distincts mais interreliés. Afin de fournir un relevé exhaustif du contenu visuel de la presse féminine pour adolescentes, nous présentons d’abord les résultats, de manière surtout descriptive, en fonction de chacune des huit variables ayant servi d’unités d’analyse lors de la codification des images. Cette façon de procéder permet, au cours de la même opération, de bien les décrire et de justifier le recours à chacune d’elles. La seule exception à cette règle se situe dans le regroupement, tout simplement pratique[15], des variables « Distance relativement à la lectrice » et « Énonciation visuelle ». C’est ensuite dans la section « Discussion » que nous nous livrons à une analyse plus approfondie. Dans le présent article, comme l’espace alloué n’est pas illimité, seuls les éléments les plus pertinents quant à une analyse féministe sont alors repris.
Le format
Dans la presse féminine, les photographies occupent une place prépondérante qui se mesure autant par les occurrences que par la superficie. Le corpus initial de douze numéros, qui totalisait 784 pages de magazine, nous a permis de constituer un corpus de 345 photos, dont plus de la moitié (53,9 %) occupent la surface d’une page complète de magazine ou plus (formats « grand » et « très grand »). Près de 30 % des photos occupent au moins la moitié d’une page (format « moyen »), tandis que 16,5 % mesurent au moins un quart de page (format « petit ») (tableau 1)[16].
La fonction de l’image
La fonction communicative d’un message visuel doit être prise en considération, car elle détermine en grande partie le sens des images (Joly 1994). Dans la présente analyse, le recours à cette variable a assuré le repérage des photos dont la fonction est publicitaire, donnée pertinente pour vérifier si l’intrusion de contenu publicitaire sous des formes insidieuses, observée dans le contenu rédactionnel de plusieurs magazines féminins (Dardigna 1980; McCracken 1993), s’étendait ou non au contenu photographique. Pour ce faire, nous avons créé deux catégories distinctes. La catégorie « Publicitaire » regroupe les images contenues dans la publicité désignée comme telle, et la catégorie « Promotionnelle » rassemble les images qui, sans faire partie d’une publicité achetée par un commanditaire, incitent néanmoins à la consommation. La catégorie « Non publicitaire et non promotionnelle » se veut « neutre » à cet égard; les images classées dans cette catégorie sont des images éditoriales qui servent à illustrer le propos d’un article et qui, à cet égard, ne montrent ni marques ni commerces ni vedettes. L’encadré suivant fournit des exemples concrets du système catégoriel.
Les résultats sont probants : seulement 13 % des photographies ont une fonction éditoriale. Avec leurs 300 occurrences (87 %), les fonctions publicitaire et promotionnelle – de même nature, mais de forme différente – caractérisent donc la très vaste majorité du corpus. Fait à noter, c’est plus souvent sous la forme indirecte (promotionnelle) que le contenu photographique incite à consommer, grâce, par exemple, à des photos de mode qui révèlent le prix des articles et l’endroit où l’on peut se les procurer ou encore des concours dont les prix à gagner proviennent des entreprises à but lucratif qui achètent des espaces publicitaires dans la revue. À preuve, 183 photos (53 % du corpus) ont une fonction promotionnelle contre 117 (34 %) qui soutiennent un message explicitement publicitaire (tableau 2).
La modalité visuelle
La modalité visuelle est une propriété formelle qui correspond au degré de réalisme qu’atteignent les images : « The greater the congruence between what you see of an object in an image and what you see of it in reality with the naked eye, in a specific situation and from a specific angle, the higher the modality of that image is » (Jewitt et Oyama 2001 : 151). Cette propriété dépend du contexte technique de production des images, c’est-à-dire des moyens de production et d’impression des images offertes dans un contexte donné.
Dans son étude des pages de couverture du magazine Cleo, Philip Bell (2001) démontre la pertinence de cette variable dans l’analyse du contenu photographique des magazines féminins et propose un système catégoriel que nous reprenons ici. À une modalité élevée, les couleurs sont éclatantes, presque vraies; la relation entre le signifiant et le signifié semble transparente. L’oeil nu peut percevoir, par exemple, l’éclat satiné de la peau ou encore l’humidité des dents ou des lèvres du mannequin. À modalité moyenne, les photographies en couleurs ne donnent pas l’impression d’être des objets réels que l’on pourrait toucher du doigt. Une photo noir et blanc ne provoque pas un effet de réalisme aussi frappant qu’à la modalité élevée, car elle opère un détachement entre l’objet et sa représentation; sa modalité est faible.
Les photographies du corpus atteignent un haut degré de réalisme, puisque plus des trois quarts des photographies (77,1 %) présentent une modalité visuelle élevée et plus de 15 %, une modalité moyenne. Seulement 6,7 % du corpus est constitué de photos noir et blanc (tableau 3). Les images photographiques de la presse féminine pour adolescentes se caractérisent donc par l’effet de réel que plus des trois quarts d’entre elles arrivent à produire. Cette réussite est redevable aux technologies de production et d’impression de haut niveau auxquelles les maisons de production de ces images ont accès.
L’énonciation visuelle
L’énonciation visuelle correspond à la mise en relation de deux personnes : destinateur et ou destinatrice. La présence ou l’absence de contact visuel avec la lectrice a pu être prise en considération grâce à cette variable. Un tel contact constitue un moyen privilégié d’établir une relation avec la lectrice et de retenir son attention, car il donne l’impression de lui parler personnellement (voir, à titre d’exemple, la figure 2) (Kress et Leeuwen 1996). Les résultats sont éloquents : ils montrent qu’un contact visuel est établi avec la lectrice presque deux fois sur trois (68,4 %), soit dans 223 photographies (tableau 4)[17]. Les implications idéologiques sont discutées plus loin dans le texte.
Les figurants et les figurantes
La variable « Figurants » assure l’identification du sexe, de l’ethnie et de l’agencement des personnes représentées, des éléments considérés comme essentiels dans la signification du message visuel (Kress et Leeuwen 1996). Les résultats révèlent d’abord la prépondérance de figurantes, avec 200 photos de filles et de femmes sur un total de 321, ce qui équivaut à près des deux tiers (62,3 %) du corpus. Plus de deux fois sur trois, il n’y a qu’une seule personne représentée dans la photo. Pour leur part, les figurants constituent 15,6 % du corpus et sont représentés seuls dans 10,3 % des cas, contre 5,3 % de fois où ils sont accompagnés d’autres personnes de même sexe. Au total, 37 photos du corpus montrent des couples hétérosexuels (11,5 %); dans 31 cas, le couple est représenté seul, alors que dans 6 cas il est accompagné d’au moins un autre couple. Dans 34 photos, soit 10,6 %, les images représentent des groupes mixtes, qui peuvent être associés au groupe de pairs (tableau 5)[18]. Les photographies qui montrent des individus seuls sont deux fois plus nombreuses que les représentations où les individus sont en compagnie d’autres personnes. Même les couples hétérosexuels sont individualisés plutôt qu’insérés dans des situations sociales, et ce, dans un rapport encore plus prononcé, qui atteint cinq pour un. L’individualité est donc un attribut dominant des personnes représentées dans les photographies analysées.
Il est intéressant de mettre ces résultats en relation avec la prépondérance de la fonction publicitaire et promotionnelle préalablement observée dans les images elles-mêmes, ainsi que dans le contenu rédactionnel de la presse féminine adolescente (Caron 2004). La fonction de ces images est conative la plupart du temps (87 %) : plaire, séduire, persuader. Cependant, sur quel registre font-elles rêver? La prise en considération de l’interdépendance des contenus rédactionnel, publicitaire et photographique est nécessaire à la formulation d’un début de réponse.
Le contenu rédactionnel met l’accent sur l’importance de l’apparence et de la vie de couple; la publicité, quant à elle, met en valeur des produits qui, plus de la moitié du temps, promettent d’améliorer l’apparence physique des filles (produits de beauté, produits coiffants, vêtements mode, etc.). La convergence des composantes rédactionnelles, publicitaires et iconographiques tend à mettre en place un code de la romance et de la séduction, où l’individualisme, la consommation et la sexualité hétérosexuelle sont inextricablement entrelacés. Ces relations, qui ont été commentées dans le passé sans toutefois tenir compte de la dimension photographique (Dardigna 1980; Winship 1987; McCracken 1993), mériteraient d’être approfondies dans des études ultérieures. Le point qui est peut être constaté, pour le moment, et qui pourrait éventuellement servir d’hypothèse de travail est que les images de la presse féminine pour adolescentes sont des images de beauté tout à fait séduisantes pour l’oeil et que, bien qu’elles proposent un modèle corporel contraignant et inaccessible, la promesse qu’elles incarnent renforce leur attrait et, potentiellement, leur effet sur la lectrice.
Enfin, toujours à propos de la variable « Figurants », un des résultats les plus frappants concerne l’ethnie, dont l’indicateur était la couleur de la peau. Ceux-ci révèlent un ethnocentrisme dont l’ampleur est inégalée, en comparaison de ce qui a été observé dans d’autres magazines féminins pour adolescentes (Evans et autres 1991; Schlenker et autres 1998; Currie 1999) : 80 % des personnes représentées dans les photographies sont blanches (tableau 6). Seulement 7 % des photographies présentent des personnes qui ne le sont pas et 12,2 % d’entre elles présentent plus d’une ethnie à la fois. L’absence de couples pluriethniques parmi ce volumineux corpus mériterait de faire l’objet d’une investigation plus approfondie.
Le lieu représenté
Le lieu qu’évoquent les images iconographiques contribue aussi à la production d’une signification « représentationnelle » (Kress et Leeuwen 1996). Le tableau 7 présente la distribution des photos en fonction de cette variable. Le lieu des prises photographiques est inconnu presque six fois sur dix (58,7 %). Les photos qui représentent un décor intérieur forment le quart du corpus, alors que moins du cinquième fait référence à une scène extérieure. L’impossible détermination du lieu, ce qui est majoritairement le cas dans les images du corpus, correspond à une décontextualisation de l’information.
Une analyse bivariée de la variable « Figurants » en fonction de la variable « Lieu » montre que les femmes, seules ou en groupe, sont représentées 7,25 fois plus souvent que les hommes dans un contexte intérieur (Nf = 29; NH = 4). Cette information visuelle semble indiquer que l’environnement « naturel » des femmes se situe à l’intérieur du foyer. La même analyse statistique permet de constater que les hommes, quant à eux, sont représentés 2,6 fois plus souvent dans un environnement extérieur que les femmes (Nf = 10; NH = 26).
Ces associations symboliques reposent sur une conception stéréotypée de la féminité et de la masculinité; elles contribuent à la reproduction de stéréotypes sexuels simplistes mais visiblement tenaces. À titre d’exemple, il est intéressant d’observer les deux pages de magazine suivantes. Dans la figure 5, le groupe de musiciens Linkin Park est présenté dans un décor urbain extérieur paraissant hostile, mais dans lequel les garçons affichent tout de même un air de confiance. La figure 6 montre, dans un décor ressemblant à une chambre à coucher, une jeune fille appréhensive (la figurante semble assise sur un lit).
L’interaction entre l’iconographie et le texte dirige la reconstruction de sens qui peut être faite à partir de cette image[19]. Le titre « Ma mère veut tout contrôler », sous forme de citation entre guillemets, suggère une confidence faite à la lectrice, par la figurante qui fixe celle-ci dans les yeux. L’attribution d’un prénom (Aude) et d’un âge (15 ans) correspond à une stratégie de communication qui renforce cet appel à l’identification. Contrairement à l’image du groupe de chanteurs, l’image de la jeune fille évoque des préoccupations personnelles dans le décor intime et protégé d’une chambre à coucher.
La « distance sociale » entre les figurants et les figurantes et relativement à la lectrice
Le tableau 8 combine les résultats des deux systèmes catégoriels utilisant la variable « Distance sociale ». Cette dernière a été retenue pour vérifier la distance qui sépare les figurants et les figurantes, entre eux, au sein du cadre photographique, ainsi que la distance qui les sépare de la lectrice. Cette distance induit des rapports de nature différente selon qu’elle est personnelle ou publique.
L’indicateur utilisé dans le classement des images est la taille du plan photographique. Le système catégoriel comprenant quatre valeurs avait déjà été validé par des auteurs inscrits dans le courant de la sociosémiotique (voir van Leeuwen et Jewitt (2001). La distance intime correspond à un très gros plan, qui donne l’impression à la personne qui observe d’être tout près du figurant ou de la figurante – comme sur l’oreiller, dit-on couramment — (voir, à titre d’exemple, la figure 4). La distance personnelle correspond au plan rapproché, qui induit aussi un rapport de proximité (voir, à titre d’exemple, la figure 2). La distance sociale correspond au plan moyen (taille) et au plan américain (bassin) (voir, à titre d’exemple, la figure 4). La distance publique est un plan pied ou supérieur (voir, à titre d’exemple, la figure 5). Ces dernières catégories correspondent à des relations interpersonnelles en situation publique.
Seulement 10,7 % des photos présentent des figurants et des figurantes dont la distance les séparant est sociale ou publique (N = 12). En contrepartie, la très vaste majorité des images, soit près de neuf sur dix, montrent des personnes dont la distance est intime ou personnelle (N = 101), ce qui participe aussi à la décontextualisation des informations visuelles[20]. Quant à la distance qui sépare les figurants et les figurantes de la lectrice, les résultats indiquent qu’elle est plus souvent sociale (N = 106), dans une proportion qui atteint plus du tiers des photos (34,5 %). La distance personnelle arrive au deuxième rang, avec près du quart des images classées dans cette catégorie (24,8 %). La distance intime n’est pas en reste : elle rassemble le cinquième des images analysées. La distance publique recueille le moins d’éléments (N = 61), mais elle ne se situe pas très loin de la catégorie précédente, avec 19,9 % des occurrences. Cette agglomération de données, à cheval sur les registres des types personnel et public, résulte des abondantes photographies de mode qui, pour montrer des tenues vestimentaires, doivent sortir du registre personnel, qui caractérise globalement le contenu des magazines féminins pour adolescentes (Caron 2004).
La présentation détaillée de cet ensemble volumineux de résultats avait pour objet de documenter la dimension photographique de la presse féminine pour adolescentes et ainsi d’ouvrir la voie à des recherches ultérieures. Dans la partie suivante de notre article, nous faisons ressortir certains aspects qui apparaissent cruciaux pour la recherche féministe. La discussion met donc l’accent sur le caractère idéologique de la représentation visuelle tout en s’appuyant sur plusieurs exemples concrets.
Discussion
Le contenu visuel occupe une partie notable du matériel publié par les magazines Cool, Adorable et Filles d’aujourd’hui. Son importance se mesure à l’aune de la superficie occupée par le matériel photographique et par la taille de chacune des photographies, qui est, plus d’une fois sur deux, d’au moins une page de magazine. Sur le plan des propriétés formelles, le contenu visuel se caractérise par la qualité exceptionnelle de ses images glacées, dont les couleurs sont si éclatantes qu’elles réussissent presque à faire croire en la réalité des choses et des personnes qu’elles représentent. Toutefois, ce que montrent les images n’est jamais une construction désintéressée du réel. Bien qu’elles soient des traces de ce qui a existé, leur rapport au monde n’est jamais transparent. Pourquoi les images de la presse féminine pour adolescentes cherchent-elles autant à séduire l’oeil et à capter l’attention des lectrices? On peut répondre à la question en interrogeant la fonction de communication que remplit ce contenu visuel.
« Regarde-moi, j’ai quelque chose à te dire »
Les résultats montrent que les photos du corpus ont, près de neuf fois sur dix, une fonction publicitaire ou promotionnelle. Elles transmettent donc, de manière implicite ou explicite, un message qui incite à la consommation (surtout de produits de beauté et de vêtements mode). L’efficacité du message est assurée par un contact visuel direct avec la lectrice près de sept fois sur dix. Ce mode énonciatif n’est pas le fruit du hasard, mais plutôt un choix éditorial directement lié à la fonction majoritairement publicitaire qu’assure ce contenu visuel. La relation imaginaire établie avec la lectrice invite cette dernière à entrer dans le monde construit par la photographie. Ce type d’image constitue une « demande » de la part du personnage, le ou la mannequin en l’occurrence, envers la lectrice. Dans son analyse des pages de couverture d’un magazine féminin australien, Philip Bell l’a très bien souligné en rapportant les propos de Kress et Leeuwen :
There is a fundamental difference between pictures from which represented participants look directly at the viewer’s eye, and pictures in which this is not the case. When represented participants look at the viewer, vectors, formed by participant’s eyelines, connect the participants with the viewer, contact is established, even if it is only on an imaginary level […] This visual configuration has two related functions. In the first place it creates a visual form of address. It acknowledges the viewers explicitly, addressing them with a visual « you ». In the second place it constitutes an « image act ». The producer uses the image to do something to the viewer. It is for this reason that we have called this kind of image a « demand ».
Kress et Leeuwen (1996 : 122-123), cités dans Bell (2001 : 30-31)
Les images suivantes sont éloquentes. Le regard direct interpelle la lectrice en lui offrant une relation privilégiée. Dans la figure 7, la mannequin offre un regard de séduction tout à fait captivant. Dans la figure 8, elle fait entrer la lectrice dans sa relation intime avec son partenaire. Dans les deux cas, la séduction passe par un angle qui construit un regard égalitaire ou légèrement soumis. Le rapport qu’établit Justin Timberlake dans la figure 8 fait contraste, car son regard à égalité avec la lectrice, qui dégage une assurance empreinte d’arrogance, signifie une mise à distance, une attitude de protection. L’effet est créé grâce aux bras croisés, à l’angle de côté et à la mise en évidence de la musculature. La contradiction entre le regard et la posture instaure un rapport de pouvoir dans lequel la lectrice n’est pas celle qui domine. Dans la figure 9, une des rares à présenter des personnes de couleur, la figurante laisse encore une fois entrer la lectrice dans sa relation intime avec son partenaire, mais l’effet est accentué par le message textuel, qui a l’allure d’une phrase prononcée à l’endroit de la lectrice.
La lectrice de magazines féminins est constamment interpellée par les figurants et les figurantes des images photographiques des revues. Les photographies de filles et de femmes, qui abondent dans cette presse, l’invitent à partager le monde que construisent ces images de beauté, de séduction et de consommation. Le contenu de ces images valorise l’individualisme, la beauté et le couple hétérosexuel blanc. L’information transmise enseigne comment s’y prendre pour atteindre l’idéal de beauté corporelle et de sexualité hétérosexuelle. Des transformations beauté de jeunes filles participent à ce processus; elles montrent comment y parvenir à l’aide de modèles à qui les lectrices peuvent s’identifier. La figure 3 est typique : la transformation pour ressembler à Pink, vedette américaine, a pour effet de vieillir la jeune participante. En fait, le contenu photographique, de concours avec les articles sur la mode et la beauté, enseigne à la fois les normes de beauté féminine et les pratiques esthétiques y étant socialement rattachées. Or, cet enseignement est fallacieux, puisque moins de 10 % des femmes ont la capacité physiologique de ressembler au modèle corporel dominant proposé par les médias et l’industrie de la mode (Freedman 1986). En conséquence, les images analysées dans notre recherche sont, pour les jeunes filles, « des images de ce [qu’elles ne sont] pas » (Bartky 1990 : 40).
« Ce que je dis est vrai »
Le pouvoir des images tient dans leur prétention à la vérité ou, en d’autres termes, dans leur capacité à camoufler qu’elles sont le résultat d’une véritable construction. Ce pouvoir est exacerbé dans les photographies de mode et de beauté de la presse féminine, qui sont patiemment retouchées à l’informatique, qui sont imprimées sur du papier de haute qualité et qui atteignent un degré de réalisme supérieur à ce que perçoit l’oeil nu (voir, à titre d’exemple, la figure 7). De plus, le peu d’opposition que rencontre le discours que tiennent ces images prête le flanc à leurs prétentions à la vérité. La conséquence est, pour les filles et les femmes, la projection dans un modèle corporel de féminité qui, en dépit de son réalisme apparent, n’existe tout simplement pas (ou si peu…). La difficulté de distinguer le processus de perception et d’interprétation lors de la « lecture » de ces images s’exprime, chez des jeunes filles interrogées par Duke et Kreschel (1998), dans une attirance ambivalente et contradictoire envers ce modèle : tout en reconnaissant le caractère irréaliste du modèle corporel proposé, ces jeunes lectrices de magazines ne peuvent s’empêcher de s’y référer dans l’établissement de leurs critères de beauté. De telles observations invitent à considérer le rôle positif que pourrait jouer une presse féministe pour les adolescentes :
The physical images of femininity were problematic for the girls, who frequently acknowledged those images were illusions, yet faulted themselves for falling short of them. After all, some girls must really look like that, they reasoned, or else they would not be in the magazine.
Duke et Kreschel 1998 : 66
La féminité et les rapports sociaux de sexe
Le contenu photographique présente aussi des modèles de rapports hommes-femmes qui méritent l’attention des chercheuses et des chercheurs (Cyr 1998). Dans la presse étudiée, les femmes sont sept fois plus souvent représentées à l’intérieur que les hommes ne le sont, et ces derniers sont montrés deux fois plus souvent que les femmes dans un environnement extérieur. La conception conservatrice qui sous-tend ces associations est réaffirmée par les poses qu’adoptent les couples (voir, à titre d’exemple, les figures 4, 8 et 10). La figure 4 est un bon exemple de ces images qui affirment subtilement la supériorité masculine (pose en surplomb de la figurante abandonnée sur son partenaire et le contemplant). Les messages visuels ont cette particularité de pouvoir affirmer ce qu’il ne serait plus permis de dire avec des mots. Aussi, plusieurs images, qui évoquent des rapports sexualisés ou de séduction hétérosexuelle (figure 11, par exemple), renforcent le message implicite transmis dans les articles voulant que les rapports (hétéro)sexuels font partie de la vie de toute adolescente « normale » (Caron 2004).
La cruciale question des « effets »
Pour mieux comprendre les effets du contenu visuel sur les lectrices, des études sur la réception des images doivent être menées. De tels travaux indiqueraient aux chercheuses et aux chercheurs si les effets des images et des discours sur la féminité provoquent réellement les effets mentionnés dans certains travaux qui établissent un lien de causalité entre les problèmes de santé d’ordre alimentaire et ces images de beauté, de séduction et de sexualité (Dolan et Gitzinger 1994; Kilbourne 2000).
Il est certain que ces images influencent la manière dont les lectrices se perçoivent, mais aussi la façon dont les adultes les perçoivent en tant que groupe social. On n’en sait malheureusement que trop peu encore sur l’intrication des différentes variables qui interviennent simultanément au cours du processus d’interprétation des contenus médiatiques, de la formation identitaire et du façonnement des comportements. Certaines études ont déjà suggéré, par exemple, qu’à certains égards le groupe de pairs féminins exerçait une influence supérieure à celle des médias dans l’appropriation, par les filles, d’une identité féminine conforme au modèle traditionnel (Currie 1999). Cela confirme que l’on ne comprend pas encore très bien comment les jeunes filles et les femmes s’approprient, dans des pratiques quotidiennes, leur identité féminine de genre (Currie 1999). Quoi qu’il en soit, le fait que les jeunes filles semblent mal outillées pour analyser, de manière critique, les images de filles et de femmes dans la presse féminine pour adolescentes (Duke et Kreschel 1998) confirme l’urgence d’intégrer ce média dans les activités d’éducation aux médias du primaire et du secondaire.
L’originalité et les limites de notre recherche
On a parfois reproché à l’analyse de contenu d’approche quantitative de ne pas s’insinuer au-delà d’unités lexicales supérieures à la phrase et de laisser dans l’ombre les significations latentes des messages analysés. Les recherches qualitatives qui ont compensé cette lacune utilisent toutefois de petits échantillons et la part laissée à la subjectivité des chercheurs et des chercheuses dans l’interprétation des données a fait l’objet de moult critiques. L’originalité de notre analyse repose, à notre avis, sur le recours à une technique de recherche qui, parce qu’elle mise sur la transparence de la procédure utilisée, force la chercheuse ou le chercheur à la réflexivité, tout en permettant de faire appel, dans l’interprétation des données, aux puissantes ressources analytiques développées dans le courant interprétatif. Qui plus est, le traitement statistique des données permet de percevoir des régularités que l’on ne pourrait pas nécessairement observer en traitant les images individuellement (Rose 2001). Cette combinaison d’un cadre théorique du type interprétatif à un traitement quantitatif des données démontre la pertinence et la productivité scientifiques des approches mixtes en sciences humaines et sociales (Cresswell 2003). Toutefois, en dépit des données brutes qu’elle fournit et qui étaient auparavant inexistantes, notre recherche comporte aussi des limites. Parmi elles, notons que le fait d’isoler le contenu visuel a quelque chose d’artificiel, dans la mesure où le sens qui émerge à la lecture d’un magazine résulte de la combinaison simultanée des contenus rassemblés au sein de la page. De plus, la seule prise en considération du contenu des images limite la compréhension que l’on peut avoir de ces messages, puisque, pour avoir un sens, celles-ci doivent rencontrer des réceptrices, dont nous n’avons pas tenu compte dans notre recherche. Par conséquent, il importe de se méfier de toute attitude qui assimilerait le point de vue de l’analyste à l’interprétation « correcte » de ces messages.
Conclusion
La superficie qu’occupe le contenu visuel dans la presse féminine est trop importante pour être ignorée au seul profit du contenu textuel. Outre qu’il occupe un espace considérable, ce contenu se répartit en images photographiques qui s’imposent par leur format, qui va de la page de magazine à la double page. Au même titre que les lectrices, les chercheuses et les chercheurs ne peuvent échapper aux messages que transmettent ces images, ni à l’attrait que suscite leur haut degré de réalisme, rendu possible par les récentes avancées technologiques dans les domaines de l’imprimerie et de la photographie, mais également grâce aux moyens économiques dont disposent les entreprises médias qui produisent cette presse. Pour ce faire, il est nécessaire de concevoir des outils conceptuels analytiques liés aux approches théoriques et méthodologiques qui permettent d’appréhender ce contenu de manière critique et rigoureuse. Dans notre article, nous avons proposé une manière d’y parvenir qui s’appuie sur le principe de rigueur scientifique que favorise la technique de l’analyse de contenu et sur les approches critiques de la culture visuelle (visual culture) élaborées au cours des dernières années, dans la foulée du « tournant culturel » en sciences sociales (Rose 2001).
Les résultats livrés par l’analyse de contenu des images photographiques confirment le statut de véhicule publicitaire par excellence que représente la presse magazine. Cependant, au-delà de ses propriétés formelles, le contenu visuel transmet de l’information sur ce que sont la féminité et les rapports sociaux dans un contexte socioculturel donné. Le discours qu’il tient enseigne aux lectrices les normes de féminité de la société dans laquelle elles vivent. Ce discours est un discours parmi d’autres, mais force est d’admettre qu’il rejoint d’autres discours conformes à ses points de vue : la féminité se définit à travers un corps parfait (Bartky 1990) et la réussite de ce projet se vérifie dans la capacité de capter l’attention des garçons. Finalement, le contenu visuel complète et renforce un message déjà omniprésent dans la presse féminine pour adolescentes : pour être heureuse, une femme doit consommer, être belle et avoir un « chum » (Caron 2004).
Appendices
Note biographique
Caroline Caron
Caroline Caron est diplômée de la Faculté des sciences de l’éducation de l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR) (1995); elle a enseigné au secondaire et terminé un certificat en pratiques rédactionnelles (Teluq, 1998) avant de se spécialiser sur le thème « jeunes et médias ». Son mémoire de maîtrise en communication (Université Laval, 2003), qui porte sur la presse féminine pour adolescentes produite au Québec, a obtenu le Prix de l’Association de la recherche en communication du Québec (ARCQ) et le prix GREMF/Elsie-McGill de la Chaire d’étude Claire-Bonenfant sur la condition des femmes. Caroline Caron poursuit maintenant ses études doctorales en communication à l’Université Concordia. Sa thèse sur la réception des médias chez les préadolescentes et les adolescentes québécoises bénéficie du soutien du Conseil de recherches en sciences humaines (CRSH), de l’Université Concordia et de la Fondation Trudeau. Ses articles et comptes rendus de lecture ont paru, entre autres, dans différentes revues : Communication & Organisation, Canadian Journal of Communication, Mediamorphoses, Telos, Pratiques psychologiques et Recherches féministes.
Notes
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[1]
La production du présent article a été rendue possible grâce au soutien du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada, de la Fondation Trudeau et de l’Université Concordia. L’auteure remercie la directrice de la revue ainsi que les juges anonymes, dont les commentaires rigoureux et constructifs ont significativement contribué à l’amélioration de la première version de son article. L’auteure remercie également André Roy, du Département d’information et de communication de l’Université Laval, ainsi que Christine Larouche, étudiante de premier cycle, qui ont apporté leur soutien technique dans les manipulations statistiques, de même que Paul-Émile Roberge et Chantal Roberge qui ont numérisé les images citées.
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[2]
Pour un bilan, consulter Meyers (1999).
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[3]
Pensons ici à la photographie, à la télévision, au film, à la vidéo, à l’infographie, etc.
-
[4]
Notre mémoire de maîtrise en communication publique, dirigé par Estelle Lebel, ayant été publié, c’est la version éditée qui est citée ci-dessous (Caron 2004).
-
[5]
Nous verrons plus loin que cette étude peut se situer du côté de la production, du contenu ou de la réception de ces images.
-
[6]
Pour un aperçu, consulter la recension de Bouchard et Bouchard (2003).
-
[7]
La presse féminine, comme tous les genres médiatiques dits féminins, a mis du temps à devenir un objet d’investigation légitime et valable dans les sciences sociales. Elle est devenue, en revanche, le genre favori des études féministes. Pour un aperçu, en français, de cette imposante documentation, consulter le guide d’introduction de Caron (2003a).
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[8]
Il s’agissait du magazine Filles d’aujourd’hui. Le second titre, YM, était américain et connaissait une large diffusion au Canada anglais.
-
[9]
Pour un condensé et une illustration de l’approche, consulter Jewitt et Oyama (2001).
-
[10]
Le prélèvement des numéros a été effectué selon la méthode du choix raisonné. Un numéro par saison par magazine a été retenu, ce qui a porté le nombre d’exemplaires analysés à douze. Le seuil de 10 % qui fonde les prétentions à la généralisation a donc été dépassé.
-
[11]
Seules les photographies qui présentaient au moins un personnage humain ont été codées.
-
[12]
La répartition du corpus de photos selon le magazine s’établit comme suit : Cool (95), Adorable (120), Filles d’aujourd’hui (130). Le magazine Cool comprenait plusieurs dessins, qui n’ont pas été pris en considération dans l’analyse.
-
[13]
Comme le seul indicateur retenu était la couleur de la peau, c’est la variable « race » qui a été utilisée dans la recherche originale. Plusieurs personnes nous ont néanmoins suggéré d’y substituer la notion d’ethnie.
-
[14]
L’expression « protocole de codification » désigne le document contenant toutes les règles relatives à la procédure et aux critères à appliquer lors du classement des éléments. Il est publié dans son intégralité dans la recherche originale (Caron 2004).
-
[15]
Un système catégoriel commun leur a été assigné.
-
[16]
À titre indicatif, une page de magazine a une superficie de 550 cm2.
-
[17]
Dans les tableaux qui suivent, les « données manquantes » s’expliquent chaque fois par la catégorie « sans objet », car certaines images ne pouvaient pas être codées selon chacune des variables. Ici, par exemple, l’explication tient à ce que les montages photographiques n’ont pas pu être catégorisés.
-
[18]
Pour l’obtention de totaux de 100 % dans les tableaux, les résultats ont été arrondis (Fox 1999).
-
[19]
Bien que notre article n’ait pas pour objet d’approfondir les aspects liés au moment de la réception des images, notons que la reconstruction du sens qui peut être faite à partir d’une image est elle-même socialement construite (Kress et Leeuwen 1996). Aussi, comme les autres types de textes, l’image est polysémique – mais pas à l’infini (Zoonen 1994).
-
[20]
Le nombre élevé de données manquantes s’explique par la très forte proportion de photographies représentant une personne seule (N=200).
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