Comptes rendus

Christine Shearer-Cremean et Carol L. Winkelmann (dir.) Survivor Rhetoric. Negotiations and Narrativity in Abused Women’s Language. Toronto, University of Toronto Press, 2004, 237 p.[Record]

  • Sylvie Thibault

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  • Sylvie Thibault
    Coordonnatrice,
    Centre de recherche interdisciplinaire sur la violence familiale et la violence faite aux femmes
    Université Laval

La violence faite aux femmes est reconnue comme un problème social important. Des enquêtes effectuées depuis les dix dernières années, auprès de femmes tant canadiennes qu’américaines, ont permis d’établir l’ampleur du phénomène et ses manifestations. La violence faite aux femmes est aussi reconnue comme sujet d’étude légitime et comme une question de droits de la personne qui exige une réponse globale des diverses communautés. Avec les années, les réponses sociales à la violence faite aux femmes et aux petites filles se sont coordonnées pour inclure les services sociaux et de santé, les ressources judiciaires et légales, qu’elles soient publiques ou communautaires. La proximité entre les divers acteurs et les différentes cultures organisationnelles nécessite toutefois une solide réflexion, de la part de chaque personne touchée, afin que le discours et les besoins des femmes soient au coeur des multiples interventions préconisées. Les huit auteures de ce collectif, qu’elles soient chercheuses ou praticiennes, y compris des féministes, se sont penchées sur les témoignages de femmes survivantes, plus précisément sur leur discours, non pas dans une perspective thérapeutique mais plutôt avec le souci de le situer dans un processus de guérison qui ne peut être ni progressif, ni « étapiste », ni unidimensionnel. Les essais proposés regroupent les réflexions de chercheuses américaines et canadiennes, venant de disciplines variées, soit la sociologie, la psychologie, la littérature, la linguistique, l’anthropologie et les études féministes. Elles abordent la complexité du discours de femmes survivantes et de leurs interlocuteurs et interlocutrices. Toutefois, de l’aveu même des auteures, les essais se limitent à reproduire les préoccupations politiques, psychologiques et rhétoriques des femmes occidentales nord-américaines et, peut-on ajouter, de langue anglaise. En effet, cette dernière précision s’avère nécessaire puisque les propos des diverses auteures reflètent une réalité qui peut sembler parfois étrangère aux lectrices et aux lecteurs québécois, car les réponses sociales et la réflexion concernant la violence faite aux femmes sont, à certains égards, différentes au Québec. Dans une longue et riche introduction, Shearer-Cremean et Winkermann situent le collectif par rapport à deux autres ouvrages influents. Le premier, Trauma and Recovery de Judith L. Herman (1992), thérapeute et auteure, est considéré comme un classique. Le second ouvrage, The Body in Pain  (1985) de Elaine Scarry, femme de science, littéraire et philosophe, offre une analyse de la structure de la torture et de la guerre, mais sa réflexion quant à la douleur et à la souffrance est applicable à toutes les disciplines. Ces deux auteures mettent en évidence des étapes ou du moins un processus dans le rétablissement des victimes. Sans vouloir diminuer la contribution de ces deux auteures, Shearer-Cremean et Winkelmann posent les auteures du collectif dans un rapport essentiel avec les ouvrages en question. Elles situent les textes dans une perspective critique à l’endroit des notions développées par Herman et Scarry. Les essais assemblés dans le volume de Shearer-Cremean et Windermann sont donc porteurs d’une vision beaucoup plus postmoderne de la vie et du langage. En fait, ils cherchent à élargir la discussion amorcée, à problématiser, à répondre ou à argumenter sur certains aspects des contributions de ces ouvrages qui font figure de référence. Le premier texte proposé, celui de Elena Newman, intitulé « Narrative, Gender, and Recovery from Childhood Sexual Abuse », porte sur le discours, le genre et le rétablissement de femmes ayant vécu une agression sexuelle pendant l’enfance. L’auteure révise d’abord plusieurs facteurs qui peuvent entraver la narration d’un traumatisme. Elle aborde ensuite les avenues communes que peuvent emprunter le discours et le genre dans le processus de guérison. Son argument principal s’appuie sur la conviction que l’utilisation de la narration dans le processus …

Appendices