Premier ouvrage de ce genre en français, le Dictionnaire critique du féminisme est bienvenu ! Tel qu’il est énoncé dans l’avant-propos, son objectif est d’« ouvrir sur une problématique et ses méthodes ». Pour cela, Helena Hirata, Françoise Laborie, Hélène Le Doaré et Danièle Senotier n’ont pas tenté de faire « l’inventaire exhaustif de termes produits par une discipline ou un champ » mais plutôt de fournir « un agencement de notions […] conçu pour permettre l’émergence, ou la consolidation, d’une vision autre de la société » en même temps qu’une « nouvelle grille de lecture afin que le sens commun se transforme en sens critique » (p. ix). Féministe, l’ouvrage « pose comme centrale la domination entre les sexes et ses conséquences » ; critique, il « expose les controverses théoriques et politiques » du féminisme actuel et déconstruit « certains concepts classiques des sciences sociales » (p. ix). Ce dictionnaire « un peu particulier », ainsi que le qualifient ses coordonnatrices, comprend « trois types de termes » : des concepts nouveaux, produits de la théorisation féministe (division sexuelle du travail, domination, harcèlement sexuel, patriarcat, travail domestique, rapports sociaux de sexe, genre, etc.) ; des termes qui « nomment des champs d’intervention des luttes féministes » (avortement et contraception, maternité, éducation et socialisation, politiques sociales et familiales, technologies de la reproduction humaine, etc.) ; des « termes généraux dont le contenu a été reconstruit, reformulé » par la prise en considération des rapports de sexe (citoyenneté, famille, religion, santé au travail, travail, etc.) » (p. ix-x). L’« équipe de rédaction » comprend une cinquantaine de personnes, très majoritairement des théoriciennes françaises reconnues pour leur contribution aux études féministes depuis le début des années 70 (dont Françoise Collin, Christine Delphy, Nicole-Claude Mathieu et Michelle Perrot). Elle est aussi composée en majorité de membres en titre ou associées du Groupe d’étude sur la division sociale et sexuelle du travail (GEDISST), ce qui explique que le quart environ des entrées se situent dans ce champ. Le public visé est universitaire mais aussi syndical et associatif. Pour le rejoindre, les coordonnatrices ont misé sur un langage clair, un nombre limité d’articles synthèses (46, précisément) ainsi qu’un format facile à consulter (300 pages) et relativement peu onéreux. De courtes notices biographiques placées en début d’ouvrage permettent un premier contact avec celles et ceux dont on s’apprête à lire les textes. En fin de volume, la bibliographie générale, contenant principalement des ouvrages français, occupe pas moins de 35 pages ; elle est suivie d’un index des auteures et auteurs cités et d’un index des matières. Bref, dans sa forme aussi bien que par son objectif et son contenu, le Dictionnaire critique du féminisme constitue un projet ambitieux. Malgré l’ampleur du défi, les coordonnatrices peuvent se dire : « Mission accomplie ». Ce n’est pas tous les jours que l’on éprouve autant de plaisir à lire des textes théoriques ! En effet, malgré la complexité de leurs contenus et leur densité obligée, les courts (de 5 à 10 pages) essais synthèses de ce dictionnaire sont pour la plupart écrits dans une langue vibrante, exemplaire par sa clarté et sa simplicité. Ainsi, le Dictionnaire contribue non seulement à l’acquisition ou à la clarification de concepts, ou les deux à la fois, mais aussi - et là n’est pas la moindre de ses contributions - à la démythification de la démarche théorique en général et des théories féministes en particulier. On peut en dire autant de l’approche inclusive et pédagogique qu’ont adoptée les théoriciennes senior réunies ici pour respecter les règles en vigueur dans ce type d’ouvrage …
Helena Hirata, Françoise Laborie, Hélène Le Doaré et Danièle Senotier (dir.)Dictionnaire critique du féminisme. Paris, Presses universitaires de France, 2000, 299 p.[Record]
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Huguette Dagenais
Département d’anthropologie
Université Laval