Comptes rendus

Diane Lamoureux, Chantal Maillé et Micheline de SèveMalaises identitaires. Échanges féministes autour d’un Québec incertain. Montréal, Les éditions du remue-ménage, coll. « Itinéraires féministes », 1999, 204 p.[Record]

  • Caroline Caron

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  • Caroline Caron
    Université Laval

Les Micheline de Sève, Diane Lamoureux, Chantal Maillé, Sherry Simon et Marie-Blanche Tahon, chercheuses et professeures déjà bien connues, unissent ici leurs voix à celles de deux doctorantes – à l’époque – Anne-Marie Fortier (Université de Lancaster) et Katherine A. Roberts (Queen’s University) pour échanger des idées autour de ce Québec incertain. Une réflexion parue en 1999, qui trouve toute son actualité en cette veille d’élections provinciales. En effet, Denise Bombardier signait en mai dernier dans Le Devoir un texte, « L’usure », sur le désenchantement de la génération, la sienne, qui a porté le projet souverainiste, le « beau rêve », qui ne s’est jamais réalisé. Elle terminait néanmoins son constat douloureux avec l’espoir de voir la génération montante, la mienne, s’approprier un projet collectif répondant à ses aspirations, à ses rêves. C’est dire combien devant l’imminence des élections, qui menacent sérieusement de déloger les péquistes du pouvoir si l’on se fie aux sondages, la question nationale demeure toute vibrante d’actualité. Or, le projet souverainiste a été le beau rêve auquel ont cru plusieurs féministes québécoises; le rêve d’une « refondation » de l’espace politique avec l’autre moitié du Québec. Quelles conclusions tirent-elles aujourd’hui, ces féministes battantes et expérimentées, de cet entrecroisement entre le mouvement nationaliste québécois et le mouvement féministe qui a caractérisé le Québec des années 60 jusqu’à la dernière décennie ? Comment envisagent-elles l’avenir ? Sur le mode de la fusion ou de la dissociation ? Mais aussi, comment penser la citoyenneté québécoise à l’ère de la mondialisation et du multiculturalisme ? Et comment penser la représentation politique des femmes dans un monde pluriel et individualisé ? Voilà autant de questions cruciales pour celles qui ont été à la fois témoins de l’histoire et participantes à cet entrelacement du féminisme et du nationalisme ainsi que pour les plus jeunes qui viennent d’entrer dans la vie citoyenne et qui sont plus que touchées par l’avenir politique et social du territoire qu’elles habitent. L’introduction élabore de façon claire et concise la problématique traitée dans ce collectif en traçant notamment un bilan sommaire du mouvement féministe québécois, qui a d’abord voulu « transformer les femmes en individues » (p. 15) et mettre un terme à l’oppression sexiste en campant résolument le privé dans le politique. Le constat des auteures est « qu’il y a loin du projet à la réalité. [Qu’en] fait, on peut constater qu’on a assisté, entre temps, à une scission entre la réflexion théorique et les militantes qui peut s’expliquer par un double processus d’institutionnalisation » (p. 16). L’ouvrage se subdivise ensuite en trois parties. La première traite de la place des femmes dans le projet de modernisation politique incarné par le projet souverainiste proposé et porté par le Parti québécois, en pointant, entre autres, les crises et les limites du projet. La deuxième partie, quant à elle, aborde les référents identitaires, leur fragmentation et leur enchevêtrement, qui donnent lieu à des identités multiples. Enfin, la troisième partie finit de jeter les bases d’une réflexion tournée vers l’avenir à propos de la citoyenneté des femmes dans un monde construit à égalité avec les hommes dans un projet commun. La première partie de l’ouvrage comprend deux textes. Dans « La posture du fils », Diane Lamoureux donne une leçon d’histoire de la pensée politique en se demandant « dans quelle mesure les femmes peuvent être intégrées dans un projet aussi moderniste que la souveraineté politique » (p. 25). Ce texte, tout à fait captivant, dresse d’abord l’évolution du concept de la souveraineté politique à partir de Bodin (1583) jusqu’à Weber (1922), en passant par Hobbes (1650). L’auteure …

Appendices