FR:
Les projets de recherche centrés sur les femmes peuvent être abordés de différentes façons selon le thème traité, le cadre théorique ou les méthodes utilisées. Dans cet article construit à partir de deux publications portant sur différentes perspectives issues de mes travaux, je veux montrer ce qu’il advient de la recherche historique sur les femmes canadiennes dans le domaine des sciences quand nous modifions l’optique de notre recherche féministe. Dans le premier texte, j’ai comparé les carrières des femmes avec celles de leurs collègues masculins. Dans le second, j’ai tenté de retracer les changements dans la vie des femmes afin de mettre l’accent sur leur marge d’autonomie (agency), c’est-à-dire sur leur « capacité ou pouvoir de décider ». Les deux parties du présent article démontrent que les différentes manières d’aborder l’histoire des femmes scientifiques doivent être utilisées de façon complémentaire plutôt que de se substituer l’une à l’autre. Je crois que le fait de recourir à différentes perspectives, théories et méthodes et, de temps à autre, de modifier l’optique de notre recherche féministe nous rend capables, en tant que chercheuses, de produire une histoire plus complexe de la science au Canada. Délaisser les histoires produites par le courant masculin majoritaire en histoire des sciences enrichit certainement notre représentation du passé mais jusqu’à maintenant, nous ne disposons que d’histoires partielles concernant les femmes et les sciences. L’historiographie existante fournit, par exemple, des informations sur l’éducation scientifique des femmes francophones dans les couvents mais ne comporte rien sur la vie de la majorité des francophones, des autochtones ou d’autres femmes issues des minorités et entrées en histoire des sciences dans les dernières décennies. Il est clair qu’il faudrait accroître le financement et les effectifs pour que soit entrepris un intensif travail de recherche historique et que soient explorés les aspects négligés de l’histoire des sciences au Canada. Changer notre perspective conduira finalement à de nouvelles analyses, à des théories ancrées dans la réalité des femmes et à des études nouvelles et plus complexes sur le genre, la race et d’autres relations de pouvoir dans le domaine de la science occidentale.
EN:
There are numerous ways to approach women-centred research projects, depending on the focus, theoretical framework, and methods used. In this paper, based on two conference papers dealing with different perspectives in my research, I intend to show what happens to historical research on Canadian women and science when we shift the lens of our feminist research. In the first paper, presented in Vancouver in October 1999, I compared women’s careers with those of their male colleagues. In the second, given in St. Louis, Missouri, in 2000, I shifted my focus to track women’s life course changes in order to emphasize their agency, the “ability or power to make decisions.” The two sections of this paper indicate that different approaches to the study of women scientists should complement rather than displace each other. I believe that using different perspectives, theories, and methods, and periodically shifting the lens of our feminist research enables us as researchers to write a more complex history of Canadian science. Departures from male-stream histories of science definitely enrich our view of the past but to date we have only partial histories. For instance, existing histories provide some information on the science education of Francophone women in convents, but do not include the lives of most Francophone, indigenous, and other minority women who entered Canadian science during the past few decades. Clearly more funding and more researchers are needed to carry on the labour-intensive work of historical research and investigate neglected aspects of the history of Canadian science. Shifting lenses will ultimately lead to new analyses, to theories grounded in different women’s reality, and to richer, more complex accounts of gender, race, and other power relations in Western science.