FR:

La mémoire des guerres de Religion a été construite, à partir du xviie siècle, à partir d’un récit polarisé selon lequel la victoire d’Henri IV aurait effacé tout ce que la Ligue avait représenté. Sa défaite, en ce sens, aurait été avant tout idéologique, la Raison politique ayant enfin prévalu sur le fanatisme religieux. Cependant, dans les mois qui suivirent la conversion du roi de juillet 1593, la contraposition ne fut pas le principal ressort, ni des tentatives d’arriver à une paix, ni des opérations de relecture du passé impliquées par l’effort de pacification. Notre étude se focalise ainsi surtout sur deux textes de la période entre 1593 et 1594, écrits par deux protagonistes du rapprochement entre ligueurs et royalistes : l’Advis aux François de Pomponne de Bellièvre et l’Apologie de Villeroy. Leur tentative fédératrice se fit aussi par le biais d’un jugement conciliant sur les causes et les responsables des conflits et donc, implicitement, par la reconnaissance de la légitimité de l’engagement passé de la Ligue.

EN:

From the seventeenth century onwards, the memory of the Wars of Religion was constructed from a polarized narrative according to which the victory of Henri IV would have erased everything that the League had represented. In this sense, its defeat would have been mainly ideological, political reason having finally prevailed over religious fanaticism. However, in the months following the king’s conversion in July 1593, opposition was not the main driving force, neither in the attempts to achieve peace nor in the operations to reread the past undertaken by the pacification effort. This paper thus focuses above all on two texts from the period between 1593 and 1594, written by two protagonists of the reconciliation of Leaguers and Royalists: Pomponne de Bellièvre’s Advis aux François and Villeroy’s Apologie. Their attempt to bring people together was also made through a conciliatory judgment on the causes of and those responsible for the conflicts and therefore, implicitly, through the recognition of the legitimacy of the League’s past commitment.

EN:

By giving no clear indication of which poem should occupy the position of the forty-fourth sonnet in his Hécatombe à Diane, Agrippa d’Aubigné left the question unanswered within the two manuscripts that contain it. Through a philological survey of these two manuscripts, this article analyzes the marginal notes and textual clues left behind in order to determine a possible choice out of several options. Such analysis of the manuscripts also makes clear that Aubigné continued to work on the Hécatombe throughout his life, and even up to the years close to his death, despite referring to these poems as youthful folly in Les Tragiques. While the question of sonnet 44 may be resolved through analysis that cannot be confirmed by the author’s notes, it makes clear that despite the rhetoric present in Les Tragiques, Aubigné continued to intentionally revise the Hécatombe à Diane well past its youthful inception.

FR:

En n’indiquant pas clairement quel poème devait occuper la place du quarante-quatrième sonnet de son Hécatombe à Diane, Agrippa d’Aubigné a laissé la question sans réponse dans les deux manuscrits qui le contiennent. À travers une étude philologique de ces deux manuscrits, cet article analyse les notes marginales et les indices textuels laissés par l’auteur, afin de déterminer un choix possible parmi plusieurs options. Une telle analyse des manuscrits montre également que d’Aubigné a continué à travailler sur l’Hécatombe Les tout au long de sa vie, et même jusqu’à sa mort, bien qu’il ait qualifié ces poèmes de folie de jeunesse dans Tragiques. Si la question du sonnet 44 peut être résolue par une analyse ne trouvant pas de confirmation dans les notes de l’auteur, il est clair que, malgré la rhétorique présente dans Les Tragiques, d’Aubigné a continué à réviser intentionnellement l’Hécatombe à Diane bien au-delà de sa jeunesse.

EN:

In mid-sixteenth-century Florence the need to fund Santa Elisabetta delle Convertite, the convent sheltering retired sex workers, prompted the introduction of a higher tax on sex workers that offered freedom from identifying signs, geographic restrictions, and the title of meretrice. The result was precisely the diffusion of sex workers across the city that previous legislation has sought to avoid. While legislation identified sex workers’ mala vicinanza (evil proximity) as the justification for creating buffer zones around convents, conversely it also allowed sex workers to live within those buffer zones if they exhibited modestia e bontà (modesty and goodness). This unlikely loophole privileged Santa Elisabetta’s needs while allowing the segregation policy to fail. Using the 1561 decima census, this article tracks the residence of sex workers near to unenclosed female household-heads in an effort to explore the effect of Florentine magistrates’ ambivalence towards poor working women and the segregation policy’s failure.

FR:

Dans la Florence du milieu du xvie siècle, la nécessité de financer Santa Elisabetta delle Convertite, couvent accueillant des travailleuses du sexe retraitées, a entraîné l’introduction d’une taxe plus élevée sur les travailleuses du sexe qui les dégageait de l’obligation de porter des signes d’identification, des restrictions géographiques et du titre de meretrice. Le résultat fut précisément la dispersion des travailleuses du sexe dans la ville que la législation précédente avait cherché à éviter. Alors que la législation considérait la mala vicinanza (proximité néfaste) des travailleuses du sexe comme justification pour la création de zones tampons autour des couvents, elle permettait également, à l’inverse, aux travailleuses du sexe de vivre dans ces zones tampons si elles faisaient preuve de modestia e bontà (pudeur et bonté). Cette faille inattendue a privilégié les besoins du couvent de Santa Elisabetta, tout en permettant que la politique de ségrégation échoue. En recourant au recensement decima de 1561, cet article suit la résidence des travailleuses du sexe à proximité des femmes cheffes de maison non recluses afin d’explorer l’effet de l’ambivalence des magistrats florentins envers les travailleuses défavorisées et l’échec de la politique de ségrégation.

EN:

This article examines the ara coeli legend, a tale in which the Tiburtine Sibyl showed Emperor Augustus a vision of a virgin holding a child proclaiming the child’s greatness. Based on both texts and art works, mainly from the Holy Roman Empire, it argues that the legend owed its widespread popularity to the way in which it was grafted onto the fifteenth-century Marian cult. While flourishing in coexistence with the humanist reconsideration of the Sibylline heritage, this incorporation into popular belief ultimately led to the legend’s decline during the Reformation, as reformers and later Catholic theologians revised Mary’s role in the unfolding of Christian salvation. In the face of Protestant and post-Tridentine theology, the ara coeli legend thus subsided into religious irrelevance, giving way to political, mythological, and gendered interests in the Sibyls.

FR:

Cet article s’intéresse à la légende de l’ara coeli, un récit dans lequel la sibylle triburtine expose à l’empereur Auguste la vision d’une vierge tenant un enfant en proclamant la grandeur de celui-ci. En s’appuyant à la fois sur des textes et des œuvres d’art, principalement du Saint-Empire romain germanique, il soutient que la légende doit sa grande popularité à la manière dont elle s’est greffée sur le culte marial du xve siècle. Tout en s’épanouissant en coexistence avec la reconsidération humaniste de l’héritage sibyllin, cette incorporation dans l’imaginaire populaire a ultimement conduit au déclin de la légende pendant la Réforme, lorsque les réformateurs et, plus tard, les théologiens catholiques ont réévalué le rôle de Marie dans le déroulement du salut chrétien. Face à la théologie protestante et post-tridentine, la légende de l’ara coeli a ainsi perdu sa pertinence religieuse, laissant place à des intérêts politiques, mythologiques et genrés pour les sibylles.

EN:

Paul Bush’s poem, The Extripacion of Ignorancy (1526), is a little known or regarded work that mixes Chaucer’s poetic tradition, orthodox theology, and obedience polemic into an advisory piece with Christian social ethics at the heart of a caesaropapism argument at least three years prior to Tyndale’s much more famous Obedience of a Christian Man. In rhyme royal, Bush explored sacred history, Scripture, and literary references to counter the harm of the Amicable Grant tax revolts and explore the value of a Crown-dominated system based on 1 Peter 2:17. By so doing, he sought to disseminate the ways and means of solving contemporary socio-political and religious tensions. The suggestion here is that Bush anticipated the arguments of the Tudor obedience polemicists of the 1530s. This article is an evaluation of the poem as a work of poetry, theology, and obedience polemic.

FR:

Le poème The Extripacion of Ignorancy (1526) de Paul Bush est une œuvre méconnue ou peu considérée qui mêle, dans une pièce à visée délibérative, la tradition poétique chaucérienne, la théologie orthodoxe et la polémique sur la question de l’obéissance, avec l’éthique sociale chrétienne, au cœur d’un débat sur le césaropapisme, au moins trois ans avant l’Obediance of a Christian Man de Tyndale, beaucoup plus célèbre. Bush explore en rimes royales les références à l’histoire sacrée, aux Écritures et à la littérature pour contrer les effets néfastes des révoltes fiscales de l’Amicable Grant et examiner la valeur d’un système dominé par la couronne basé sur 1 Pierre 2 : 17. Ce faisant, il a cherché à diffuser les voies et les moyens de résolution des tensions sociopolitiques et religieuses contemporaines. Nous suggérons ici que Bush a devancé les arguments des polémistes des années 1530 soutenant les Tudor. Cet article considère le poème en tant qu’œuvre de poésie, de théologie et de polémique sur l’obéissance.