EN:

This article proposes a way of reading Vittoria Colonna’s lyric persona in the light of Catherine of Siena’s religious writings and philosophy of the self. In part 1, I begin by tracing the mystic profile that the participants of Colonna’s reformed circles ascribed to the saint. Those descriptions are then incorporated into a comparison of the schisms that shaped Christianity in Catherine’s times, namely the Avignon Papacy, and those of the Lutheran Reformation. In part 2, Colonna’s sacred charisma(s) is related to Catherine’s penitential and political model, thus identifying her Vita and epistles as a very possible literary source that Colonna could have used in her religious output and self-identification. In part 3, I analyze Colonna’s exegesis of the penitent Magdalene in the light of Catherine’s political reading of the same character. To conclude, I discuss the ways in which we can integrate the Trecento tradition into Colonna’s conception of grace and prophetic message of renovatio.

FR:

Cet article propose une nouvelle manière de lire la persona lyrique de Vittoria Colonna, à la lumière des écrits religieux de Catherine de Sienne et de sa conception philosophique du soi. La première partie porte sur le portrait mystique que les cercles réformés de Colonna ont attribué à la sainte. Ces descriptions sont ensuite intégrées à une comparaison entre deux schismes : celui qui a façonné la chrétienté à l’époque de Catherine, à savoir la papauté d’Avignon, et celui qui est lié à la Réforme luthérienne. Dans la deuxième partie, les qualités sacrées de Colonna sont mises en relation avec le modèle pénitentiel et politique de Catherine, démontrant que Colonna s’est probablement appuyée sur la Vita et les épîtres de Catherine dans sa production religieuse et sa caractérisation de soi. Dans la troisième partie, j’analyse l’exégèse que Colonna fait de la Madeleine pénitente à la lumière de la lecture politique que Catherine fait de cette même figure. L’article se termine par une réflexion sur la façon dont nous pouvons intégrer la tradition du Trecento dans la conception de la grâce de Colonna et le message prophétique de la renovatio que propose l’autrice.

EN:

The sixteenth century was a period of tumultuous religious change in Europe as a whole. Italian Cinquecento culture was profoundly shaped by currents for reform and counter-reform; printed vernacular literature soon came to represent an excellent vehicle for spreading philo-Protestant religious propaganda, but it became a powerful weapon of the Roman counterpart as well. In this article, I will outline a survey of textual materials preserved in the Ahmanson-Murphy Aldine Collection at UCLA, focusing on Italian vernacular works printed between the 1540s and the 1580s. I will consider three aspects of the history of Italian print as related to the Cinquecento religious turmoil: the use of Nicodemite strategies and their effectiveness; the role of Petrarchist poetry as a privileged conduit for evangelizing dissenting doctrinal content; and the development of (para)textual apparatuses intended for instruction and guidance to the reader.

FR:

Le XVIe siècle correspond à une période de bouleversements religieux à travers l’ensemble de l’Europe. La culture italienne du Cinquecento a été façonnée en profondeur par la Réforme et la Contre-Réforme, et leurs nombreux mouvements : à cette époque, la littérature vernaculaire imprimée est rapidement devenue un excellent véhicule pour la diffusion de la propagande religieuse favorable au protestantisme, mais elle constituait également une arme puissante pour l’Église catholique. Dans cet article, je propose un tour d’horizon des matériaux textuels conservés dans la collection aldine Ahmanson-Murphy de UCLA, en me concentrant sur les oeuvres vernaculaires italiennes imprimées dans les années 1540–1580. J’examinerai trois aspects de l’histoire de l’imprimerie italienne liés aux troubles religieux du Cinquecento : le recours aux stratégies nicodémites et leur efficacité ; le rôle de la poésie pétrarquiste comme vecteur privilégié de l’évangélisation de contenus doctrinaux dissidents ; et le développement d’appareils (para)textuels destinés à instruire et à guider le lecteur.

EN:

In the article, the author briefly explains the popularity of the question of the immortality of the soul in the fifteenth century, presents the intellectual activity and bibliography of Antonio degli Agli, a prominent Tuscan humanist of the Quattrocento, and analyzes the content of Agli’s treatise On the Immortality of the Soul (De immortalitate animae). The short treatise remains only in manuscript and is rarely mentioned by scholars dealing with the history of the problem of immortal­ity; however, it is a witness to the considerable popularity of the issue during the Renaissance. The article shows that the main arguments used by Agli relate to the metaphysics of light and the ontic affinity between the human mind and its most perfect objects of cognition. It is also demonstrated that these arguments largely coincide with those found in Marsilio Ficino’s opuscula theologica and the Platonic Theology.

FR:

Dans cet article, l’autrice explique brièvement la faveur dont jouissait la question de l’immortalité de l’âme au XVe siècle, présente l’activité intellectuelle et la bibliographie d’Antonio degli Agli, un émi­nent humaniste toscan du Quattrocento, et analyse le contenu du traité De immortalitate animae. Ce court traité d’Agli ne nous est parvenu que sous forme manuscrite et il est rarement cité par les spécialistes s’intéressant à l’histoire du problème de l’immortalité. Toutefois, il témoigne de l’intérêt considérable que soulève cette question à la Renaissance. Le présent article montre que les principaux arguments dont Agli tire profit sont en lien avec la métaphysique de la lumière et l’affinité ontique entre l’esprit humain et ses objets cognitifs les plus parfaits. Il met également en évidence le fait que ces arguments coïncident pour la plupart avec ceux que l’on trouve dans les opuscula theologica et la Théologie platonicienne de Marsile Ficin.

EN:

Two of Marsilio Ficino’s letters among his correspondence—the letter De officiis and the letter Veritas de institutione principis—enjoyed heightened popularity in the sixteenth century. One of the first translations of Ficino into the vernacular is a translation of these two letters into Czech, printed in Prague around the year 1500. Czech humanist Řehoř Hrubý of Jelení (ca. 1460–1514) seems to be a plausible candidate for the authorship. The second translation into Czech was published in 1520 by Oldřich Velenský of Mnichov (1495–1531). This article examines the Czech humanistic translations of Ficino’s letters and places them into the context of the Czech humanistic movement at the begin­ning of the sixteenth century, which emphasized moral topics from Italian Renaissance Platonism. It argues that these letters from Ficino supported the moral claims of Czech pre-Reformation and Reformation thought at the beginning of the sixteenth century.

FR:

Parmi la vaste correspondance de Marsile Ficin, deux missives – la lettre De officiis, adressée à Cherubino Quarquagli, et la lettre Veritas de institutione principis, écrite pour le jeune cardinal Raffaele Riario – connurent un important succès au XVIe siècle. Les deux documents ont un contenu moral, le premier traitant des devoirs, le second jouant le rôle de miroir pour le prince. Les deux lettres furent imprimées séparément et même traduites en langue vernaculaire. L’une des premières traductions de Ficin en langue vernaculaire est une traduction de ces deux lettres en tchèque, publiée à Prague vers 1500. L’humaniste tchèque Řehoř Hrubý de Jelení (ca. 1460–1514), connu comme tra­ducteur des oeuvres d’Érasme et des humanistes italiens, pourrait en être l’auteur, même si l’identité du traducteur n’est pas avérée. La deuxième traduction en tchèque de la lettre Veritas de institutione principis de Ficin fut publiée en 1520 par Oldřich Velenský de Mnichov (1495–1531). Le présent article traite d’abord du contenu moral des deux lettres. Il examine ensuite les traductions humanistes tchèques des lettres de Ficin et les met en contexte, en l’occurrence celui du mouvement humaniste tchèque du début du XVIe siècle, qui mettait l’accent sur les thèmes moraux du platonisme de la Renaissance italienne. Il explore l’hypothèse que ces lettres de Ficin ont soutenu les revendications morales de la pensée de la pré-Réforme et de la Réforme, en Bohême, au début du XVIe siècle.

EN:

Lancelot Andrewes constructed visually intense scenes and symbolic images to capture his auditors’ interest, but he never let them forget that his visual enargia was rooted in the words of scripture and had no reality outside that given by God’s Word. His strategy was, therefore, not only to make Christ’s presence concrete and accessible to his listeners, but also to hint at how God will always be out of reach, a truth that cannot be seen. In exploring this rhetorical strategy, I focus especially on Andrewes’s 1604 Good Friday sermon, 1620 Easter sermon, and 1620 consecration rite. The two sermons were delivered at opposite ends of Andrewes’s career in James’s court, but both are notable for their intense scrutiny of what it means to see Christ in the eyes of the mind, body, and soul.

FR:

Lancelot Andrewes convoquait des scènes très évocatrices d’un point de vue visuel et des images sym­boliques pour capter l’attention de son auditoire ; il ne laissait pas pour autant celui-ci oublier que cette enargia était enracinée dans les mots du texte sacré, et qu’elle n’avait par conséquent aucune réalité en dehors de la réalité communiquée par la Parole de Dieu. Ainsi, sa stratégie consistait non seulement à rendre la présence du Christ concrète et accessible à ses auditeurs, mais encore à laisser entendre que Dieu serait toujours hors de portée, à la manière d’une vérité qui ne peut être vue. Afin d’explorer cette stratégie rhétorique, je me concentre en particulier sur le sermon du Vendredi saint de 1604, sur le sermon de Pâques de 1620 et sur le rite de consécration de 1620. Ces sermons ont été prononcés au début et à la fin de la carrière d’Andrewes à la cour de James I, mais tous deux se distinguent par leur examen approfondi de ce que signifie voir le Christ à travers les yeux de l’esprit, du corps et de l’âme.

EN:

The question of whether or not to read poetry through an allegorizing lens had significant implications in the Middle Ages. The identification of allegories in a poetical text was highlighted by early supporters of poetry as the primary means of legitimizing the craft; regardless of whether a poet quoted a pagan god or a mythological figure, the true challenge was to find the real meaning beneath the surface. This approach—one embraced by Giovanni Boccaccio—offered a wealth of samples to the earliest readers of Dante’s Divine Comedy. At the end of the fourteenth century, some humanists started to call into question the theological stance on which the allegorical interpretations were based. In order to promote the autonomous status of poetry, literati of the calibre of Leonardo Bruni maintained that allegory was a double-edged sword. Inspired by Plato’s refusal of allegory, Bruni encouraged the reading of literary texts free from the restrictions of a theoretical superstructure. For proponents of these opposing tendencies, Dante represented a true case study, for he was both a theorist and a poet in his own right and could therefore nourish the reflections formulated by both camps.

FR:

La question de savoir s’il fallait (ou pas) lire la poésie à travers une lentille allégorique était un enjeu d’importance au Moyen Âge. Les premiers partisans de la poésie avaient recours à l’identification des allégories dans un texte poétique comme principal moyen de légitimer cet art ; qu’un poète évoque un dieu païen ou une figure mythologique, le véritable défi consistait à trouver le sens profond auquel renvoyait cette référence. Cette approche, adoptée par Boccace, a offert de très nombreux exemples aux premiers lecteurs de la Divine Comedie de Dante. Toutefois, à la fin du XIVe siècle, certains humanistes ont commencé à remettre en question la perspective théologique sur laquelle reposaient ces interprétations allégoriques. Afin de promouvoir le statut autonome de la poésie, des lettrés de la trempe de Leonardo Bruni ont soutenu que l’allégorie était une arme à double tranchant. S’inspirant du refus de l’allégorie promulgué par Platon, Bruni encourageait une lecture des textes littéraires libérée des restrictions imposées par cette structure théorique. Pour les partisans de ces tendances opposées, Dante était un cas d’école : théoricien et lui-même poète, il pouvait nourrir les réflexions formulées par les deux camps.